Même si la judaïcité américaine est loin d’être homogène, il est intéressant de voir comment les principales organisations juives ou faîtières ont réagi au discours du Président américain.
L’impression générale qui ressort des réactions déjà exprimées ou recueillies, est que « Barack Obama a dit certaines vérités importantes, mais que son discours ne présageait rien de très bon pour Israël ».
Parmi les organisations de tendance démocrate, on se dit évidemment « satisfait de l’ouverture, du souci d’équilibre et de la volonté d’aller de l’avant exprimées par le Président ». A « J-Street », organisation ouvertement très à gauche, et qui se veut concurrencer l’AIPAC, le lobby traditionnel pro-israélien, c’est un concert de louanges pour le Président américain. Jeremy Ben-Ami, Président de l’organisation « remercie chaleureusement Barack Obama d’avoir relancé l’initiative en faveur des ‘Deux Etats’, et de se montrer résolu à agir pour que cela se réalise ». Donneur de leçons, Ben-Ami déclarait « qu’il est temps que le gouvernement israélien se fasse à l’idée de la création d’un Etat palestinien, et applique les accords qui exigent de lui l’arrêt total de la construction dans les territoires ». Merci du conseil.
A droite, par contre, on estime « qu’Obama a eu des propos - ou des silences - inquiétants pour Israël sur plusieurs sujets, notamment, dans le dossier iranien ou sur l’antisémitisme dans le monde arabe».
Après avoir cité les rares points positifs, telle que « l’amitié avec Israël » ou la condamnation du négationnisme », l’Organisation des Communautés Juives Orthodoxes, dans un long communiqué, a relevé plusieurs points négatifs et lourds de sens: sur la question de Jérusalem, notamment, le Président a pris une position faussement neutre, en divisant symboliquement la ville entre les trois religions monothéistes ou « les Enfants d’Abraham », remettant ainsi en cause la souveraineté israélienne sur la ville. Ensuite, sur l’Etat d’Israël lui-même, le Président a parlé d’Israël comme d’un « foyer pour les Juifs » et n’a pas précisé le caractère juif de l’Etat. Dans la même idée, plus tôt, dans son discours, il justifiait l’existence d’Israël uniquement par la Shoah et l’antisémitisme qui a frappé les Juifs durant des siècles, et non par les droits historiques de Juifs sur la terre de leurs ancêtres, comme le reconnaissait George W. Bush, lecteur assidu de la Bible, contrairement à son successeur. Après avoir lié la Shoah et la création d’Israël, le Président américain liait également dans une même phrase le « déracinement des Palestiniens » avec « la création de l’Etat d’Israël », ce qui équivaut à une reconnaissance de la « Nakba » et de l’eau au moulin de ceux qui affirment qu’Israël est un fait colonial!! Enfin, en demandant aux Palestiniens de « renoncer à la violence (et non au terrorisme), comme l’ont fait les noirs américains », il établissait, involontairement peut-être, une comparaison morale douteuse entre le combat des Palestiniens et celui des noirs américains luttant contre l’esclavage.
C’est sur le volet iranien que la déception est la plus grande, et la plus partagée parmi les grandes organisations juives américaines. Jennifer Laslo-Mizrahi, Présidente de l’organisation « Project Israel », qui lutte contre la désinformation contre Israël, regrette « que la menace iranienne n’ait pas assez été soulignée, et qu’au contraire, il s’est dit favorable au développement du nucléaire civil, sachant que les frontière entre le civil et le militaire dans ce domaine est infime. C’est inquiétant ». Pareil pour David Harris, Président du Comité USA-Israël, qui félicite le président américain « pour avoir osé prononcer des phrases importantes devant un public arabo-musulman » mais qui regrette de ne pas avoir assez brandi la menace contre l’Iran et formulé une volonté de créer un mouvement international contre les velléités de Téhéran ».
A l’organisation Bnai-Brit, la plus grande organisation existante « on se dit globalement satisfait mais en relevant plusieurs points de déception : le Président Obama a loupé une occasion de dénoncer l’antisémitisme virulent qui est enseigné et développé dans les pays musulmans ». Pour le président du B.B., Moshe Smith, « Barack Obama n’a pas dit un mot non plus sur les innombrables violations des accords de la part des Palestiniens, à commencer par ceux d’Oslo, et qui fait qu’aujourd’hui, c’est à cause d’eux qu’il n’y pas de partenaire pour la paix avec Israël ».