« Ce n’est pas encore fini…». Dans un Irak qui se rêve, depuis le 30 juin, débarrassé des tourments de la guerre, ces mots du Vice président américain Joe Biden ont pu faire l’effet d’une douche froide sous la chaleur de plomb bagdadienne. Durant son séjour de trois jours en Irak, Joe Biden a délivré sans aménité son message au gouvernement de Nouri Al Maliki. Pour le vice-président, si les tensions larvées en Irak devaient se transformer en guerre ouverte, les Etats-Unis ne resteraient probablement pas sur le terrain irakien. « Parce que le peuple américain n’y aurait pas d’intérêt », a expliqué sommairement Joe Biden. « Le président et moi-même sommes très satisfaits de la distance parcourue par l’Irak ces dernières années mais il reste encore un long et dur chemin pour atteindre la stabilité et la paix », a indiqué en public – et avec plus de retenue – Joe Biden. Depuis son arrivée à la Maison blanche, Barack Obama a en effet annoncé que les Etats-Unis se concentreraient sur le terrain afghan, où les talibans font une inquiétante poussée. S’adressant à des soldats venant de recevoir la nationalité américaine, Joe Biden, dont le fils compte parmi les 50 000 soldats « yankees » en Irak, a pressé le gouvernement irakien d’agir plus efficacement pour la réconciliation nationale. En proie à des conflits politiques et ethniques, la cohésion du de l’ancienne Mésopotamie est largement menacée. Alors que les Américains doivent définitivement se retirer en 2011, le retrait partiel du 30 juin a coïncidé avec une nouvelle flambée de violence. En juin, au moins 447 civils irakiens ont péri dans les violences, selon l’agence Associated press. Les 750 000 hommes des forces de sécurité irakiennes, qui ont pris le relais des américains, pourraient être rapidement débordés par l’embrasement. A Kirkouk, au nord de l’Irak, plusieurs personnes sont décédées dans les violences qui ont suivi le repli américain. Un peshmergas (combattant kurde), un policier turcoman et deux sunnites ont ainsi été tués, vendredi 3 juin. Dans cette région pétrolière, les Kurdes, les Turcomans, les Assyro-chaldéens (chrétiens) et musulmans sunnites se livrent une âpre bataille pour le pouvoir. Les militaires américains, retirés dans leurs casernes irakiennes, ne vont pas vivre reclus en attendant août 2010, date du retrait de l’essentiel du contingent américain. Le gouvernement américain a annoncé que les soldats continueraient à traquer les apôtres sunnites d’Al Qaida. Comme l’ « émir », Abou Kouteiba, suspecté d'être impliqué dans l'attentat au camion piègé du 20 juin à Taza, au sud de Kirkouk, qui fit 72 tués et 200 blessés. Le gouvernement de Nouri Al Maliki apprécie peu l’engagement à géométrie variable des Américains en Irak. Il a reçu le message américain avec quelques réserves. « Nous avons bien dit que la réconciliation nationale est une question irakienne et que l'implication d'une partie non-irakienne n'en accroîtra pas le succès », a froidement déclaré un porte-parole du gouvernement. Pour mener ce processus de réconciliation nationale, Nouri Al Maliki, à la tête d’une coalition chiite, a signé l’an passé une loi d’amnistie en faveur des milliers de détenus sunnites. Il a également tendu la main à des anciens officiels du parti Baasiste (sunnite) de Saddam Hussein « mais seulement à ceux qui n’ont pas de sang sur les mains », selon le porte-parole du gouvernement. Ethniquement hétérogène, politiquement divisé, l’Irak souffre aussi de questions territoriales et humanitaires. Au Nord, la province autonome du Kurdistan, sujette à des velléités sécessionnistes, pourrait récupérer dans son giron l’agitée Kirkouk. Selon les Nations unies, près d’un million d’Irakiens vivent dans une insécurité alimentaire permanente et six millions dépendent directement des dons gouvernementaux de nourriture. Ajoutez à ce cocktail explosif une frontière passoire avec l’Iran et une échéance politique, les élections législatives de janvier 2010…, et l’Irak « indépendante » pourrait bien connaître des heures de grande solitude. |