A propos d' ''Appel à la raison'', la pétition de J Call (European jewish call for reason)
par Jean-Pierre Lledo, cinéaste (juif) algérien, le 24 avril 2010
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Ainsi que
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Cet appel s’adresse aux ‘’citoyens européens’’. Il me concerne quand même puisque depuis 17 ans je vis en France, ayant quitté l’Algérie, menacé de mort par les islamistes. Et plus encore depuis que j’y suis interdit d’expression, mon dernier film ‘’Algérie, histoires à ne pas dire’’ (démenti de l’histoire officielle, mise en valeur de la stratégie d’épuration ethnique du FLN durant la guerre d’Algérie, qui fera partir 900 000 Pieds-Noirs et 130 000 Juifs, et mise en valeur de l’effacement de la mémoire non arabe, notamment celle des Juifs) ayant été censuré en 2007, et le droit de réponse aux attaques subies dans la presse ‘’indépendante’’ m’étant même refusé.
«Le lien à l’État d’Israël fait partie de notre identité. L’avenir et la sécurité de cet État auquel nous sommes indéfectiblement attachés nous préoccupent. Or, nous voyons que l’existence d’Israël est à nouveau en danger.» est bien le seul passage du texte que je partage.
Pour le reste voici mes objections :
- Si je partage le principe « deux Peuples, deux États », puisque c’est le principe arrêté par la communauté internationale au moins depuis 1a déclaration de l’ONU en 1947, et si j’espère que nous y parviendrons le plus tôt possible, je ne crois pas pour autant qu’il garantira «l’avenir d’Israël» comme l’affirme avec beaucoup (trop) d’assurance le texte. Israël, me semble-t-il, est le prolongement d’une histoire juive - la fameuse «question juive» - qui se distingue de toutes les autres notamment par le fait de persécution, et par la continuité de cette persécution, dans le monde chrétien comme dans le monde musulman.
La création de l’État d’Israël n’a pas mis fin à cette Question, et je ne crois pas non plus que celle de l’État palestinien y réussira.
- Si je partage «l’ambition d’œuvrer à la survie d’Israël en tant qu’ « État juif et démocratique», je m’étonne qu’une telle prémisse ne mène pas à la conséquence logique d’une adresse aux autorités palestiniennes (OLP et Hamas) afin que de leur côté aussi ils reconnaissent ce caractère juif de l’État d’Israël. Il me semble en effet que le minimum que l’on doive exiger de deux négociateurs, est qu’avant de s’asseoir à la même table, ils se reconnaissent dans leur identité, leur spécificité, leur différence. Je n’ai pas, pour ma part, encore entendu les autorités palestiniennes à ce sujet, mais si l’on en croit leurs TV, leurs programmes scolaires, et leurs cartes de géographies, on en est loin.
- Si je partage le sentiment que "l’existence d’Israël est à nouveau en danger" je ne crois pas que le «processus de délégitimation inacceptable d’Israël en tant qu’État», puisse s’expliquer uniquement par la politique des gouvernants israéliens. Qu’ils soient de droite, de gauche, ou du centre, et quoi qu’ils fassent, le «processus de délégitimation» s’enracinera toujours et d’abord dans le refus du monde arabo-musulman d’accepter Israël comme un «État juif et démocratique».
De plus, cette délégitimation, et je suis étonné que des «intellectuels juifs européens» n’en disent rien, ne concerne déjà plus l’État d’Israël, mais plus radicalement l’idée que les Juifs puisse prétendre à la qualité de peuple. L’intellectuel qui a formulé cette idée est israélien, et son livre est devenu comme on le sait, un best-seller en Europe depuis 2 années.
- Enfin, si je partage le souci de ce « mouvement» d’être «au-dessus des clivages partisans», et donc son appel à «l’Union Européenne, comme aux États-Unis», de faire pression sur les deux parties (pour) les aider à parvenir à un règlement raisonnable et rapide du conflit israélo-palestinien», je constate que la tonalité d’ensemble du texte va à l’encontre de son vœu d’objectivité, puisqu’il met essentiellement l’accent sur les responsabilités israéliennes, «la menace de ses ennemis extérieurs» étant aussi vite évoquée… qu’évacuée de cet ‘’Appel à la Raison’’.
Est-ce être «au-dessus des clivages partisans» que de clouer au pilori «la politique du gouvernement israélien (qui) va à l’encontre des intérêts véritables de l’État d’Israël», et de ne rien dire du monde arabo-musulman, qui, il serait grave de l’oublier, est partie prenante de la négociation aujourd’hui, avec les 57 pays de l’OCI, dont les 22 pays de la Ligue arabe, comme il le fut dans le passé durant toutes les guerres, à commencer par celle qui visa à détruire l’État d’Israël avant même qu’il ne soit déclaré ? Un « Appel à la Raison » ne devrait-il pas les concerner, au moins autant que «l’Union Européenne, (et les) États-Unis» ?
Je ne sais si les signataires «européens» de ce texte, connaissent suffisamment la réalité du monde arabo-musulman, s’ils lisent leurs journaux, regardent leur TV.
Savent-ils que récemment dans une TV égyptienne indépendante (Al-Faraeen TV), la présentatrice parlait de «30 000 à 300 000 victimes» de la Shoah ? Que récemment encore, d’après la presse arabe et algérienne, Israël prélève des organes sur des enfants arabes.
Que, l’année passée, le quotidien algérien Echorouk écrivait: «Israël est un cancer qu’il faut extirper», et aussi : « Dieu a révélé dans le Coran que les musulmans finiront par tuer tous les juifs». Que le 5 janvier 2009, l’imam algérien Chamseddine Bourouba rendait publique une fatwa autorisant les musulmans, où qu’ils se trouvent, à «tuer des juifs, car tout juif est une cible légitime que les musulmans doivent abattre». Que le théologien de l’Islam Al-Qaradhaoui, membre du «Conseil européen de la fatwa», considéré donc aujourd'hui, en Europe, comme une référence en matière religieuse put à peu près au même moment, et sans la moindre objection d’une autorité européenne, émettre le souhait que : «les Juifs déjà punis en raison de leur comportement une première fois par les Babyloniens, une seconde fois par les Romains et enfin par Hitler (le soient cette fois) des mains des Musulmans».
Ou encore que l’information de l’inauguration de la Synagogue «La Hurva» détruite en 1948 par la Légion Jordanienne lorsqu’elle s’empara de Jérusalem-Est et de la Vieille Ville, a été transmise dans tout le monde arabe comme «la destruction de la Mosquée El Aqsa» : « Info importante. les militaires israéliens ont commencé à détruire la mosquée d’El Aqsa. Les buldoozers ont déjà détruit 2 pièces de la mosquée sacrée & les militaires israéliens ont bloqué l’entrée de la ville & évidemment les médias n’en parlent pas. Faites circuler. » (Transcription littérale du message SMS reçu le 24 Mars, soit 13 jours après l’inauguration !).
Mais une telle intox provenant des milieux pro-palestiniens, s’est fondée sur des déclarations publiques de dirigeants palestiniens religieux et politiques qui eux savent que La Hurva se trouve à 400 m, à vol d’oiseau, de la Mosquée El Aqsa : “provocation”, lance le dirigeant “modéré” Ahmed Qoreï, qui termine ainsi son discours : “ce soir, c’est adossé à la mosquée qu’ils construiront leur nouvelle synagogue, en appelant la population à se «réveiller»!” . Les autorités religieuses, elles, condamnent cette restauration comme ‘’une agression israélienne’’. Et surenchérissant, le Fatah réclame « le rétablissement de la Jérusalem Islamique et Chrétienne », après avoir dénoncé cet « acte illégal et inacceptable ».
Pour me résumer :
- Je trouve très noble que précisément des intellectuels juifs mettent l’accent critique sur Israël, mais je ne peux aussi que constater l’absence d’un texte équivalent provenant d’intellectuels du monde arabo-musulman, qui appellerait leurs gouvernants et leurs médias, à reconnaitre Israël en tant qu’ «État juif et démocratique» et à mettre fin à l’hystérie anti-juive, et anti-Israël.
Tant qu’une telle déclaration ne verra pas le jour, toute déclaration d’intellectuels juifs, pour ne pas paraître déséquilibrée, devrait, à mon avis, assumer elle-même cette exigence.
- Je signerai donc cette Pétition de J Call, à la condition que soit rajouté un paragraphe où sera formulée cette demande au monde arabo-musulman et palestinien.
Rédaction d'Objectif-info :
Des difficultés logicielles nous interdisent de joindre les photos des emblèmes guerriers du Fatah proposés par l'auteur.
philosemitismeblog
"Notre objectif est de rendre publique une parole souvent confisquée par des institutions juives communautaires"(JCALL) Contexte:
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Pourquoi je ne signerai pas "l’Appel à la raison", par Gérard Huber *
Des juifs belges font venir 'J Street' au Parlement européen et lancent 'J-CALL' ... JCALL a crée un site pour lancer sa pétition-"appel à la Raison" au monde entier.
Le 21 avril, dans la présentation de l'initiative, les responsables mettaient en cause "des institutions juives communautaires" coupables, selon JCALL, de confisquer la "parole". Laquelle ? De quels Juifs ? La réponse :
"Notre objectif est de rendre publique une parole souvent confisquée par des institutions juives communautaires, et une voix juive solidaire et critique, témoignant de notre inquiétude devant la situation actuelle et ses conséquences sur un avenir proche." (Voir capture d'écran.)
Le 22 avril, la formulation de l'objectif avait changé et l'accusation retirée. Il n'était plus question de confiscation de "parole" par "des institutions juives communautaires, mais "de juifs européens, trop longtemps silencieux". On prend également soin préciser qu'ils sont solidaires d'Israël, mais critiques "quant aux choix actuels de son gouvernement".
"Notre objectif est de rendre publiques les positions de juifs européens, trop longtemps silencieux, et de faire entendre une voix juive solidaire de l’État d’Israël et critique quant aux choix actuels de son gouvernement."
Ce cafouillage révèle un regrettable amateurisme et une facette très peu aimable de JCALL.