Affaibli face au Tribunal international et par les sanctions, Nasrallah se lancera dans la guerre quand Ahmadinedjad le décidera.
Par Marc Brzustowski
Pour © 2010 lessakele et © 2010 aschkel.info
Le discours d’Hassan Nasrallah pour l’Achoura chi’ite fut, comme toujours, aussi fracassant à l’encontre d’Israël, de l’Amérique et de cette satanée Communauté Internationale qui collerait comme la boue aux basques de ses principaux lieutenants.
L’armée libanaise lui avait d’ailleurs souhaité bons vœux en révélant la saisie, le jour même ou presque, de caméras israéliennes lovées au sommet du Mont Sannine et du Mont Barouk. De quoi lui mettre la « baraka ». Seulement voilà, les images diffusées à cette occasion font état d’un magnifique climat ensoleillé d’été. Rien à voir avec celui pluvieux et neigeux qui règne actuellement, au Proche-Orient. Les rumeurs de mouvements d’hélicoptères et d’avions de chasse, à la frontière et dans la région de Sidon venaient renforcer la dramaturgie de l’instant où la voix forte du Sayyed allait tonner.
Tout porte à croire que, plus il crie fort, et plus mal au fond de lui, il se sent. D’abord, les renseignements militaires de l’Aman mentionnent une baisse de 40% des fonds livrés par l’Iran à sa milice supplétive libanaise, en raison des sanctions qui frappent ce pays. Il n’est pas habituel que des officiels israéliens fassent état d’une efficacité quelconque des mesures économiques contre Téhéran. D’après l’armée, de vives récriminations auraient éclaté entre le chef du Hezbollah et Hussein Mohadavi, le nouvel officier de liaison des gardiens de la révolution en poste à Beyrouth, pour palier la disparition d’Imad Moughniyeh, en 2008.
Cette information s’inscrit au décours du chassé-croisé diplomatique israélo-américain. Nulle part, même au Pakistan, la noria des envoyés US n’est aussi intense et fréquente. Elle concerne les enjeux du programme nucléaire iranien, en priorité. D’autre part, elles expriment le souhait de la Maison Blanche de réfréner Jérusalem, s’il lui prenait de frapper la Syrie ou le Hezbollah, au cours de l’un de ces trafics de missiles connus de tous, mais contre lesquels personne ne fait rien. Mercredi 15, l’émissaire Dennis Ross aurait même souhaité rencontrer seul à seul, l’actuel chef d’Etat-Major, Gaby Ashkenazi et son successeur, à partir d’avril prochain, Yoav Galant. La démarche aurait été plutôt mal accueillie, comme si la Maison Blanche cherchait à court-circuiter la chaîne de commandement israélienne. A juste titre, Ehud Barak aurait mis les pieds dans le plat et convié tout le monde à se réunir en sa présence. Que l’armée reconnaisse que, d’un certain côté, les sanctions portent peut être perçu comme un signe d’apaisement provisoire des scénarii en présence.
Les menaces réitérées par Nasrallah, au sujet des actes d’accusation du Tribunal International contre ses hommes de main, serait une autre indication, selon les derniers développements exposés par le site Debkafile : des sources exclusives du renseignement auraient confié avoir surpris une poignée de ces séides, habillés comme des seigneurs, faire le pied-de-grue en bas d’immeubles luxueux dans des voitures chiques, à la porte de quelques-uns des avocats les plus talentueux du barreau de Londres. Ces délégations, couvertes par les vitupérations de leur patron, en seraient donc à négocier les services de ces juristes d’exception pour faire face aux incriminations du Tribunal.
Nasrallah se serait résolu à cette décision, la plus difficile depuis le déclenchement de la guerre de 2006, qui équivaut à une capitulation. Selon ces sources, Bachar al-Assad lui aurait retiré son soutien dans son combat contre le Tribunal, de façon à marquer un point dans la répartition des pouvoirs avec Téhéran. Non que la Syrie et l’Iran ne soit fondamentalement d’accord pour renforcer le Hezbollah. Mais Damas entend être traité comme un partenaire à part égale, et non comme le coursier des Gardiens de la Révolution, dans la domination du Liban. Nasrallah, se trouvant au beau milieu de cette fissure dans l’alliance, a jugé préférable de protéger ses arrières et de démarcher les plus brillants avocats susceptibles de sortir ses hommes de ce mauvais pas.
Quand bien même la Justice internationale resterait souveraine dans cette affaire et que le Hezbollah s’acheminerait à reculons vers une comparution, gagner une bataille n’est pas gagner la guerre.
Si l’Iran devient plus pingre envers ses obligés, cela ne signifie pas qu’il est à court d’idées pour parvenir à ses fins, ni qu’il renonce à utiliser à plein ses réseaux de nuisance régionale. Au contraire, concentre-t-il ses forces sur l’obtention de la clé de son influence régionale : l’arme nucléaire. Même si c’est au prix d’un affaiblissement, pense t-il, momentané, d’un de ses flancs.
Si tel était le cas, alors s’en serait fini de la crédibilité internationale de l’Europe qui a mis toutes ses forces dans le règlement diplomatique, jusqu’à intégrer, très récemment, Mme Catherine Ashton, aux discussions de Genève. Le Traité de non-prolifération volerait aussitôt en éclats, donnant libre cours à une cascade de nouvelles questions nucléaires surgissant d'Arabie Saoudite, d'Egypte, de Lybie, d'Algérie… Durant ce laps de temps, les mollahs verseront dans l’ivresse de la sur-confiance en leur puissance de chantage, au risque de menaces accrues sur leurs voisins immédiats (* M. Rubin : How sanctions can work with Iran").
Le monde ne peut, non plus, miser sur un renversement du régime islamique comme garant du respect du pacte de non-agression par risque de destruction mutuelle. En effet, sentant sa fin proche, un tel gouvernement ne serait-il pas tenté de s’adonner à son idéologie apocalyptique suicidaire, perdu pour perdu ? Ne serait-il pas assuré que la communauté internationale bougerait d’autant moins que l’espérance d’un autre régime est forte ?
Dès l’instant où Ahmadinedjad pourra crier victoire, les Gardiens de la révolution auront la mainmise sur l’arsenal atomique. En cas de décès du Leader Suprême, ce sont eux qui disposeront du droit de veto sur la prochaine désignation. Loin que l’accès au nucléaire soit le début d’une aire de modération, il enclenchera, au contraire, un cycle de radicalisation en Iran et dans la région.
Alors n’y aura-t-il plus de Tribunal international qui tienne. Et le jugement suprême pourrait bien échapper aux hommes doués, paraît-il, de raison.
M. Rubin : How sanctions can work with Iran" http://the-diplomat.com/2010/12/15/how-sanctions-can-work-against-iran/
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