EN APPELANT A L’INTIFADA, MAHMOUD ABBAS NE PEUT PLUS CRITIQUER LE MUR DE CLOTURE
Par Bertrand RAMAS-MUHLBACH
pour http://lessakele.over-blog.fr et http://www.aschkel.info/
Ce 20 novembre 2009, le Président Palestinien Mahmoud Abbas a radicalisé sa position : il a certes réaffirmé sa position concernant l’impossibilité de poursuivre les pourparlers en cas de poursuite des constructions israéliennes dans les implantations, mais également appelé à « un nouveau type de lutte contre Israël» : la résistance comme a Bilin. Cet appel à la résistance prolonge d’ailleurs l’annonce faite le même jour par le Fatah concernant le lancement d’une troisième intifadacompte tenu de l’échec des pourparlers de paix.
Ce recours à la résistance contraste certainement avec les messages de paix envoyés à l’Etat juif au cours de ces derniers mois, mais permet à Mahmoud Abbas de se rapprocher de ses compatriotes du Hamas et de mettre fin aux divisions internes palestiniennes. Rappelons effectivement que les palestiniens affiliés au Hamas se sont déclarés hostiles à la déclaration unilatérale d’indépendance de l’Etat palestinien, notamment le 17 novembre 2009 par la voix de son chef Khaled Mechaal en exil à Damas, pour qui l’indépendance doit être obtenue par l’action de la résistance à l'occupation et non pour remplir le vide après « l'échec de la solution politique ».
Certes, la communauté internationale n’a pas accueilli favorablement l’intention du Président palestinien de déclarer unilatéralement la naissance de l’Etat palestinien. Le 16 novembre 2009, les Etats-Unis ont réaffirmé que l’Etat palestinien devait naître d’une négociation entre Israël et les Palestiniens et confirmé opposer leur veto à toute résolution du Conseil de sécurité de l'Onu qui irait dans le sens d’une telle reconnaissance. De même, l’Union Européenne n’a pas fait montre d’un enthousiasme débordant à ce sujet : le ministre suédois des Affaires étrangères Carl Bildt, dont le pays occupe jusqu'à fin décembre la présidence tournante de l'UE, a précisé espérer « être en position de reconnaître un Etat palestinien mais il doit d'abord en exister un ». Il pense donc que « c'est un peu prématuré ».
Carl Bildt
C’est encore la position israélienne exprimée par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, selon laquelle il n'y a pas d'alternative aux négociations. Plus gênant, en cas d’initiative unilatérale des Palestiniens, Israël pourrait même être amené à reconsidérer les précédents accords et prendre également des mesures unilatérales comme l’annexion des blocs d’implantations juives en Cisjordanie ou encore l’arrêt des transferts d’argent à l’Autorité palestinienne dans le cadre des accords signés sur les tarifs douaniers.
En somme, les parties poursuivent leur dialogue de sourds.
Pour les palestiniens, Israël est une puissance occupante qui divise la Cisjordanie depuis 1967. Aussi, considèrent-t-ils que l’Etat Palestinien ne pourra voir le jour que sur les frontières « dites de 1967 » comme s’il avait réellement existé une frontière séparant Israël de la Palestine à cette époque (il ne s’agissait en fait que de la ligne d’armistice avec l’Etat de Jordanie). La référence à cette frontière imaginaire de 1967 permet effectivement de revendiquer l’intégration de la partie orientale de Jérusalem (annexée par Israël en 1980) dans le futur Etat palestinien. C’est encore ce qui a été demandé en novembre 2009 par le Premier Ministre palestinien Salam Fayyadh au Conseil de sécurité de l'ONU: « Nous avons décidé de nous adresser au Conseil de sécurité pour essayer d'obtenir son soutien à la création d'un Etat palestinien indépendant ayant Jérusalem pour capitale et dont les frontières seraient celles de juin 1967 avant l'occupation israélienne »...
Pour sa part, Israël ne se considère pas comme puissance occupante : dans la mesure où la Palestine n’existe pas en Droit International, elle ne saurait être occupée. C’est la Jordanie qui était occupée en 1967 dans sa partie occidentale (la Cisjordanie), mais depuis que le Royaume Hachémite a abandonné tous ses liens avec ce territoire, renoncé à toute souveraineté sur la Cisjordanie en 1988, et signé un traité de paix avec Israël en 1994, il n’est plus possible, sauf par un abus de langage, de soutenir que la Cisjordanie est occupée. Ce territoire n’est qu’un « bien sans maître » qui fera prochainement l’objet d’un morcellement en fonction des populations qui y résident.
Ainsi, la très grande partie des territoires de Cisjordanie non annexée par Israël devrait, dans les mois voire les années à venir, constituer l’assiette du futur Etat Palestinien de Cisjordanie. Dans le même temps, les grands blocs d’implantations juives seront incorporés dans l’Etat juif même si ce scénario déplait aux palestiniens. Ceux-ci n’ont finalement d’autre alternative que de lutter farouchement (au besoin par la lutte armée) contre l’aménagement de nouveaux blocs d’implantations - dont ne font, d'ailleurs, pas partie les 900 unités de logements sur Gilo situés au Sud-Ouest de Jérusalem, et non "à Jérusalem Est", comme l'a prétendu une récente campagne abusive, orchestrée depuis le "Bureau Ovale" - puisque Mahmoud Abbas et la communauté Internationale ne peuvent valablement s’y opposer.
Naturellement, la poursuite des implantations n’est pas à l’origine d’un blocage des négociations ni un obstacle à la création de deux Etats vivant aux cotés l’un de l’autre dans la paix, mais juste un risque de voir l’assiette du futur Etat palestinien rétrécie comme « Peau de chagrin ». Subsiste donc la critique de la clôture de sécurité et sa comparaison avec le mur de Berlin pour justifier la résistance.
En effet, la chute du mur de Berlin a permis la réunification de l’Allemagne coupée en deux et celle de Berlin devenue capitale de l’Etat de l’Allemagne réunifiée. Pour autant, cette comparaison avec le mur de clôture est parfaitement inadaptée.
Le mur de Berlin ne visait pas à protéger une population contre la barbarie meurtrière d’une autre mais juste à empêcher la libre circulation entre les deux parties de la ville, stopper l’émigration des citoyens d’Allemagne de l’est et constituer une barrière physique et idéologique entre le mode de pensée occidental et le système d’organisation communiste d’une population.
Aussi, et en privilégiant de nouveau le recours à la violence contre Israël, Mahmoud Abbas conforte l’Etat hébreu sur la nécessité de terminer de toute urgence cette clôture de séparation qui servira à terme de frontière entre les Etats souverains d’Israël et de Palestine.
Le chef du parti arabe Balad et Député arabe Jamel Zahalka l’a déjà bien compris. Redoutant cette configuration géopolitique future, il a lancé, ce 19 novembre 2009 un nouvel appel à la destruction d’Israël si un Etat palestinien ne voit pas le jour : « il faudra déclarer Israël comme étant un Etat inexistant et envisager d'autres alternatives et en priorité celle d'un Etat binational».
Les palestiniens devront néanmoins se faire une raison : Abbas n’est pas le BenGourion palestinien puisque la déclaration d’indépendance de la Palestine a déjà été faite par Arafat le 15 novembre 1988. De même, Jérusalem ne sera pas la capitale du futur Etat de Palestine puisque cette ville n’est pas sous souveraineté palestinienne. Enfin, le mur de séparation n’est pas un mur d’apartheid ou de division mais bien un moyen de se protéger.