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13 mars 2011 7 13 /03 /mars /2011 08:40

 

 

      Arabie Saoudite : une poudrière sur le point d'exploser ?

par Stéphane Lacroix

 

Stéphane Lacroix est maître de conférences à Sciences Po.



Chacun cherche son Roi...

Alors que les "révolutions arabes" se sont multipliées ces dernières semaines et que pointe la menace d'une nouvelle "crise pétrolière", en Arabie Saoudite - premier pays producteur de pétrole au monde - la question n'est pas de renverser le roi, mais plutôt d'en trouver un. Le roi Abdallah 1er qui dirige le pays est vieux et malade, tout comme ses successeurs au trône. Maître de conférence à Sciences Po, Stéphane Lacroix répond à Atlantico pour tenter d'y voir plus clair.

 

atlantico

A 87 ans, le roi Abdallah 1er qui dirige le pays est malade.

A 87 ans, le roi Abdallah 1er qui dirige le pays est malade. Crédit Reuters

Quelle est la situation actuelle à la tête du pouvoir en Arabie Saoudite ?

A 87 ans, le roi Abdallah 1er qui dirige le pays est malade. Il ne s’agit pas d’une grave maladie, il a des problèmes de dos et est donc handicapé dans ses mouvements. Le prince héritier Sultan et le second prince héritier (de facto) Nayef sont malades également, mais eux plus gravement (le premier prince héritier a un cancer). Nous ne savons pas tout car ce genre d’informations reste secret.

 

Comme fonctionne le système de renouvellement du pouvoir ?

Le pouvoir est transmis de frère à frère parmi les fils du roi fondateur Abdelaziz Al Saoud (1876-1953), en privilégiant le plus âgé. Parfois on « saute » un prince, s’il n’est pas investi dans la vie publique ou s’il a « fauté » (c’est le cas du prince « rouge » Talal, qui était parti rejoindre Nasser au Caire au début des années 1960). Les deux princes héritiers ont 78 et 83 ans. Le plus jeune des frères de la fratrie encore vivant s’appelle Muqrin. Il a 65 ans, et dirige les renseignements saoudiens.

Chaque désignation du roi se fait par consensus au sein de la famille. La famille est l’entité régnante en Arabie Saoudite. Le roi n’est de fait pas un monarque absolu : si un prince n’est pas jugé apte à régner par la famille, il est écarté et en général il accepte la décision.

En pratique, le conseil de famille se réunit régulièrement et c’est en son sein que sont prises les décisions politiques du pays. Si les décisions du roi ne sont pas validées par ses frères, il ne cherchera pas aller contre eux. Il y a eu de rares cas par le passé de frères qui se sont battus pour le pouvoir, comme Saoud et Faysal au début des années 1960. Mais c’est l’exception plutôt que la règle.

 

Quel rôle peut jouer le conseil de famille dans le contexte actuel ?

Le conseil de famille a une fonction essentielle : maintenir l’unité de la famille pour éviter qu’un membre de la famille ne se sente isolé et se retourne contre l’ensemble. Jusqu’en 2006, ce conseil n’était pas formalisé. En 2006, a été créé un conseil d’allégeance où l’ensemble des branches de la famille sont représentées. Des textes de loi régissent ce conseil et un bilan médical positif est nécessaire pour nommer le roi. Il est donc théoriquement possible d’éliminer un prétendant au trône pour des raisons de santé, ce qui est important alors que les principaux prétendants au trône sont âgés ou malades.

Les 36 fils du roi fondateur Abdelaziz – ou à défaut, lorsqu’ils sont décédés, l’un de leurs descendants – sont représentées au sein de ce conseil d’allégeance, chargé de décider de la succession du roi. Problème : en 2006, ce conseil s’est abstenu de nommer un second prince héritier. Le prince Nayef n’a été nommé second vice-Premier ministre – ce qui fait de lui de facto le second prince héritier – qu’en 2009, sans passer par le conseil d’allégeance, ce qui tendrait à prouver que les équilibres politiques de la famille royale continuent à se dessiner « en coulisse », de manière informelle, plutôt que dans ce conseil.

 

Et si le roi décède prochainement que va-t-il se passer ?

A court terme, il existe encore suffisamment de frères en âge de régner. Prenons par exemple le prince Salman, qui a 72 ans, ce qui fait 15 ans de moins que le roi actuel : il est donc relativement jeune pour la famille royale saoudienne, et est en bonne santé. Il est gouverneur de la capitale, Riyad, et reste très influent. Beaucoup d’observateurs considèrent qu’il règnera un jour.

A plus long terme, les mécanismes des passages à la génération suivante n’ont pas été réellement formalisés, hormis une mention de principe dans la loi fondamentale de 1992. Donc on peut se demander ce qu’il adviendra lorsque cette fratrie finira par s’éteindre.

Si les fils d’Abdelaziz sont au nombre de 36, la génération suivante, composée de leurs enfants, compte plusieurs centaines de princes. Tous pourraient en théorie prétendre au trône. Aussi, l’échéance du  passage de flambeau générationnel approchant, chacun des princes de première génération va vouloir placer ses pions pour peser sur la succession en favorisant ses enfants. Il pourrait s’en suivre des querelles. En tout état de cause, en effet, tous savent qu’une branche finira par l’emporter. C’est donc pour eux une question de quasi-survie politique.

Arabie Saoudite : une poudrière sur le point d'exploser ?

 

"Jour de colère" en Arabie Saoudite ce vendredi 11 mars. Un appel a été lancé sur les réseaux sociaux pour manifester en exigeant une réforme profonde de la société saoudienne. Le premier pays producteur de pétrole au monde va-t-il connaître lui-aussi une révolution ? Maître de conférence à Sciences Po, Stéphane Lacroix nous explique la complexité de la situation.

 

Atlantico : Pensez-vous que l'Arabie Saoudite puisse connaître des révoltes semblables à celles survenues en Tunisie ou en Égypte ?

Stéphane Lacroix : A priori, sur le court terme, c’est peu probable. Le pouvoir en place est plus solide qu’en Tunisie ou en Égypte. La famille royale bénéficie de l’argent du pétrole et a donc les moyens de calmer les ardeurs de révolte du peuple. Le roi a ainsi annoncé le 23 février dernier l’octroi de 36 milliards de dollars en aides sociales à la population. Et puis, il faut souligner qu’à mesure que les révolutions arabes s’étendent, le prix du pétrole augmente, ce qui renforce le pouvoir en Arabie Saoudite...

Par ailleurs, le régime saoudien est plus légitime qu’en Égypte ou en Tunisie, car la religion le rend légitime : le pouvoir se présente comme protecteur de l’islam, et le roi porte le titre de gardien des lieux saints.

Toutefois, il existe aujourd’hui des mouvements de contestation d’ampleur limitée, mais qui pourraient former un ferment de révolte. Cela correspond, d’une part, à l’émergence dune nouvelle génération politique qui ne se reconnait pas dans la sphère politique traditionnelle : ils veulent du changement et sont actifs sur Internet, via les réseaux sociaux, et dans des salons de discussion à Riyad. Ils sont donc présents, mais en nombre bien plus limité que ce que l’on peut voir en Égypte.

Ce sont certains d’entre eux qui ont appelé à des journées de mobilisation le 11 mars (« jour de colère ») et le 20 mars. Ces appels en sont restés pour l’instant à l’échelle des réseaux sociaux (la page appelant au «jour de la colère» compte environ 3000 inscrits), mais n’ont été repris par aucun groupe politique organisé sur le terrain, puisqu’il n’existe aucun parti autorisé en Arabie Saoudite…

En parallèle à ce début de révolte, il existe un mouvement de réforme démocratique au sein des élites saoudiennes. Celui-ci est né à la fin des années 1990. Il s’agit essentiellement d’intellectuels, pas d’hommes de la rue. C’est un mouvement hétéroclite qui regroupe des personnalités de sensibilité tant libérale qu’islamique : ils se retrouvent autour de leur demandes de monarchie constitutionnelle, mais restent modérés dans leurs méthodes. Leur action consiste surtout à soumettre des pétitions au pouvoir. Le mouvement s’est accéléré récemment : au moins cinq pétitions ont été envoyées et rendues publiques depuis février.

Par ailleurs, dans la province orientale – qui constitue la province pétrolière - les chiites, qui représentent un peu plus de 10% de la population du royaume et sont victimes de discriminations de toutes sortes qui font d’eux des sujets de seconde zone, ont recommencé à manifester ces dernières semaines. Le mouvement semble dans ce cas influencé par les événements que connaît le royaume du Bahrein, le pays voisin, où des chiites s’opposent également à un pouvoir sunnite. Cela indique une radicalisation de la rue chiite qui considère que la logique de conciliation avec la famille royale qui a prévalu depuis une quinzaine d’années ne lui a pas apporté grand-chose.

Si ces différents groupes – jeunes connectés sur les réseaux sociaux, intellectuels réformistes, chiites - s’unissent, éventuellement en lien avec l’une des factions de la famille royale qui verrait là un moyen de tirer son épingle du jeu dans les luttes de succession, le mouvement de révolte pourrait prendre de l’ampleur.

En ce sens, les journées du 11 et du 20 mars vont être décisives : si une masse critique de Saoudiens participe, on peut imaginer qu’un certain nombre de tabous tombe et que cette coalition de différents secteurs de contestation prenne forme et en vienne, in fine, à imposer des changements. Mais, encore une fois, il convient de rester extrêmement prudent, car il est tout de même très possible que ce ne soit là qu’un coup d’épée dans l’eau.

 

Si le pouvoir était remis en cause, quelles seraient les conséquences ?

Elles seraient bien plus importantes que tout ce qu’on a vu jusqu’à présent car l’Arabie Saoudite est un poids lourd de la production pétrolière, autrement plus important que la Libye, par exemple. Les prix du pétrole pourraient augmenter, tandis que toute instabilité prolongée poserait à l’Occident un vrai problème d’approvisionnement énergétique.

Par ailleurs, d’un point de vue plus géopolitique, l’Arabie Saoudite est le partenaire le plus ancien et le plus solide des États-Unis : c’est l’allié stratégique par excellence dans la région. La politique étrangère américaine et, par-delà, tous les équilibres politiques au Moyen-Orient s’en trouveraient bouleversés.

 

Arabie SaouditePétrolePAYS ARABO-MUSULMANS ET VOISINS HOSTILES

 

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