Au Nom de l'alliance par Yoshuah Ben Shalom - LE PHENOMENE ANTISEMITE (1/...)
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Aschkel
I) LE PHENOMENE ANTISEMITE:
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Une hostilité à l'encontre du peuple de la Loi a toujours existé même si le terme d'antisémitisme n'apparaît qu'en 1873 sous la plume de Wilhelm Marr. Ce journaliste de Hambourg cherchait alors, dans un pamphlet aux accents belliqueux, "Victoire du judaïsme sur le germanisme", à exhiber l'antithèse juive à l'avènement du pangermanisme.
Dés la plus lointaine antiquité, l'histoire en témoigne, les Hébreux ont souffert d'incompréhension et d'intolérance pour leur mode de vie exclusif. Leurs institutions singulières en feront en effet, de tout temps, un peuple différent des autres peuples.
Dans le polythéisme du monde antique, cette différence apparaîtra si flagrante que les Hébreux eux-mêmes ne l'assumeront avec constance. Ils sombreront encore trop souvent dans les méandres de l'idolâtrie. Les exhortations des voix prophétiques, parfois soutenues par l'aiguillon redoutable des rétorsions, les ramèneront chaque fois dans l'enclos de leurs obligations.
L'histoire l'exprimera clairement. En cas de défaillance, ce sera toujours dans la tourmente que les Hébreux expérimenteront chaque renoncement au destin scellé pour l'éternité dans l'Alliance d'Abraham.
"Si vous dédaignez mes lois et que votre esprit repousse mes institutions au point de ne plus observer mes préceptes, de rompre mon Alliance, voici ce que je vous ferai: je susciterai contre vous d'effrayants fléaux..."(Lévitique XXVI, 15-16)
Le vécu réitéré de ces sombres prédictions conduira finalement le peuple hébreu à endiguer ses trop fréquentes faiblesses. Il se protégera dés lors de ses propres tentations, en apprenant à se préserver de la séduction des Nations.
Les impératifs de l'Alliance forcent ainsi les Hébreux, dés l'antiquité, à vivre en îlot clôturé parmi les autres peuples. Cette contrainte assurera la pérennité d'Israël et s'imposera à toutes les générations. Elle prévaudra plus encore pour celles de l'exil.
Cette obligation de cloisonnement, associée aux calomnies, sarcasmes et spoliations d'un christianisme puis d'un islam conquérants, cristallisera rapidement le Juif sous les traits d'un être occulte dégénéré. Les imaginaires dogmatiques l'investiront bientôt de tous les maléfices.
Le concept antisémite, né de cette genèse singulière, se démarquera ainsi du racisme usuel. Il n'aura aucun fondement génétique. Un antisémitisme basé sur des critères psycho-morphologiques aurait d'ailleurs été une aberration tant pour le chrétien, qui révère l'esprit et le corps du Juif Jésus, que pour l'arabo-musulman, qui est lui-même un sémite.
Il est donc clair, ne serait-ce que pour ces raisons, que l'antisémitisme ne peut se superposer aux définitions du racisme. Il n'aura de la xénophobie raciale que les seules apparences. Il faut bien s'en pénétrer.
Les capacités d'adaptations de cette expression antijuive en interdisent, d'ailleurs toute approche rationnelle. Avec l'Emancipation des Juifs, par exemple, l'antisémitisme abandonne ses oripeaux d'amoralisme religieux pour s'accoutrer d'un tissu de méfiance et de haine chauvines. Il proviendra d'un concept nationaliste délirant qui attribuait aux Juifs la toute puissance intellectuelle et matérielle dans le but pernicieux de dominer le monde. La croyance en un tel pouvoir juif aboutira au fantasme du complot international permanent. Il s'insinuera dans les esprits comme un mal insidieux rongeant sournoisement toutes les intégrités nationales. Cette dérive obsessionnelle resurgira à chaque flambée nationaliste. Elle produira les angoisses et les phobies spécifiques des comportements antisémites. Ces dispositions antijuives, exacerbées par un consensus socio-politique ségrégatif, conduiront aux excès les plus outrageants.
Cette terrifiante hostilité poursuivra les Juifs pendant tous les âges de l'exil, depuis la dispersion d'Israël imposée par Titus Flavius. Elle surviendra après la laborieuse victoire des légions romaines sur le dernier état juif en l'an 69 du calendrier chrétien. Cette guerre de Judée aboutira à la complète dévastation du pays, à la ruine du Temple de Jérusalem et à l'exil des tous ses habitants. Elle consommera l'irrémédiable effondrement de la nation juive.
Cette tragédie, une des plus terribles subie par le peuple d'Israël, est retracée avec force détails dans les écrits de Flavius Josèphe. Ce combattant juif, devenu historien par la force de ses témoignages, demeurera dans l'oubli pendant prés de deux millénaires. L'Eglise le délaissera parce qu'ayant vécu à l'époque présumée du Christ, il n'en fera mention dans aucun de ses ouvrages. Les Juifs le banniront de leur mémoire parce que jugé traître à sa nation.
Après sa capture dans la forteresse de Jotapath, cet intrépide dirigeant du combat juif se ralliera aux forces romaines. Il acceptera même, lors des ultimes assauts contre Jérusalem, d'exhorter ses compatriotes à la reddition. Elle devait, lui avait-on assuré, sauver la ville et le Temple de la ruine.
Ce troublant comportement ne se voulait par là même, qu'une manoeuvre désespérée de sauvegarde nationale. Josèphe le justifiera par sa vision aiguë des terribles dévastations qu'allaient entraîner l'inévitable victoire de Rome. Aux yeux des assiégés juifs, cette attitude délibérée n’apparaîtra qu’éminemment renégate. Elle caractérisera la traîtrise de Josèphe mais ne traduira aucunement son retournement à l'encontre de son peuple. Tous ses écrits l'attestent, Josèphe ne reniera jamais la foi de ses pères. Il démontrera au contraire toute sa vie, un attachement aussi constant qu'éclairé au judaïsme.
Ses origines sacerdotales l'avaient versé, dés son plus jeune âge, dans la connaissance des textes sacrés. Elle l'éclairera sur la finalité des événements dramatiques qui se dérouleraient sous ses yeux. Elle en fera le témoin éveillé de la marche implacable de l'histoire. Cette lucidité le confrontera à une terrible réalité. La ruine et l'exil qui allaient bientôt s’abattre sur le pays d'Israël, n’étaient que l'accomplissement de l'antique sentence déclamée par Moïse.
Celle-ci menaçait le Peuple de la Loi de ces deux châtiments, en sanction d'égarements qui le corrompraient irrémédiablement.
"Le Seigneur lancera sur toi une nation lointaine, venue des confins de la terre, rapide comme l'aigle en son vol, nation dont tu n'entendras point la langue, nation inexorable qui n'aura point de respect pour le vieillard, point de merci pour l'adolescent! Elle se repaîtra du fruit de ton bétail et du fruit de ton sol, jusqu'à ce que tu succombes;... jusqu'à ta ruine entière. Elle mettra le siège devant toutes tes portes, jusqu'à ce que tombent, dans tout ton pays, ces murailles si hautes et si fortes en qui tu mets ta confiance...
...et vous serez arrachés de ce sol dont vous allez prendre possession. Et l'Eternel te dispersera parmi tous les peuples, d'une extrémité de la terre à l'autre..."(Deut.XXVIII, 49-64)
Josèphe savait que cette fatale échéance était maintenant imminente. Il ne doutait plus que les violentes crises qui pervertissaient le monde juif en diverses factions plus ou moins rivales, constituaient l'ultime et inacceptable involution des enfants d'Israël. L'antique avertissement mosaïque s'activait sous ses yeux et Rome n'en constituait que l'invincible agent.
Cette clairvoyance prophétique remplira Josèphe de consternation. La Providence, qui avait empêché son suicide dans la forteresse de Jotapath pour l'élever au rang de confident de Titus, lui indiquait son devoir. Il ne s'y dérobera pas. Il obtiendra de son éminent protecteur l'assurance que la reddition de Jérusalem amènerait la mansuétude de Rome sur toute la Judée. Il ira alors au péril de sa vie désamorcer le désastre qui s'annonçait. Du bas des remparts de Jérusalem, avec la vigueur du désespoir, il appellera ses frères à la raison. Il ne recevra, pour toute réponse, qu'une pierre meurtrière qui le blessera gravement. Elle mettra un terme à l'ultime tractation qui pouvait encore sauver Israël de la ruine. Par ce coup du sort, la démarche visionnaire de Josèphe faillira. Elle ne parviendra pas à infléchir le cours de l'histoire. Elle restait trop éloignée du schéma salutaire qui avait, de tout temps, secouru les Hébreux.
Impuissant à rassembler spirituellement son peuple, alors profondément corrompu et diviser, Josèphe ne tenta d'intervenir que sur la seule composante militaire du cataclysme. Il savait pourtant que dans l'histoire d'Israël, celle-ci n'avait toujours eu qu'un caractère intermédiaire.
Ce fabuleux témoin de l'effondrement national juif ne trouvera sa réhabilitation que vingt siècles plus tard, lors de la renaissance de l'Etat d'Israël. Le témoignage émouvant qu'il transmettra à la postérité dans la "Guerre des Juifs", y prendra alors la dimension inattendue d'un plaidoyer rédigé en sa faveur. Cet ouvrage, par la qualité de ses analyses et l'intensité de ses narrations, deviendra l'indispensable référence dans la compréhension des événements complexes de cette obscure période. La mémoire juive, dans son grand désarroi, en avait occulté jusqu'aux moindres souvenirs.
Un fait demeurera incontestable et Josèphe en avait eu la prescience: de la confrontation avec Rome sortirait la plus redoutable des sanctions: désolation de la terre d'Israël et exil de ses habitants.
"... votre pays restera solitaire, vos villes resteront ruinées."(Lév. XXVI, 33)
La désolation du pays sera assurée par la hargne des assaillants, trop longtemps contenue par la vigoureuse résistance juive. L'exil des habitants sera imposé en rétorsion des longues années d'efforts et des lourdes pertes consenties pour mâter les rébellions juives.
Les Romains, qui connaissaient trop bien l'extrémisme juif pour l'avoir expérimenté sous le règne d'Hérode le Grand, savaient que la Judée vaincue ne se rangerait jamais dans l'obéissance à Rome. Les Juifs, soucieux de leurs mœurs exclusives, briseraient leur joug à la première occasion. Ce risque ne sera pas encouru. Il conduira à la déportation des populations et la prévention de leur retour. Le pays d'Israël se figera bientôt en un monceau de ruine sinistre que le temps, dans sa clémence, recouvrira d'un linceul de terre. Il voilera pour longtemps le passé glorieux d'Israël.
La plus irrémédiable des prédictions mosaïques venait de s'accomplir. Elle procédera de la logique historique.
Attaqué dans ses intérêts, Rome avait réagi. L'Empire se prémunissait contre les redoutables révoltes juives, par le démantèlement de la Judée. Pratiquant la politique de la terre brûlée, les Romains ne laisseront sur leur passage que ruines et cendres. Ils iront, dans leur rage, jusqu'à effacer le nom même de cette contrée. Elle sera renommée, ultime outrage, Palestine en mémoire des Philistins, ennemis ancestraux des Hébreux.
La ruine de la terre d'Israël, conséquence de la défaite militaire, et l'exil des habitants, entorse aux pratiques romaines, accomplissaient alors, dans la plus parfaite analogie, les prédictions bibliques. Le couperet de l'histoire tombait ainsi, consommant l'effondrement de la nation juive.
Jamais désastre aussi irrémédiable n'avait encore atteint Israël. Pas même le Babylonien Nabuchodonosor, qui détruisit le Premier Temple de Jérusalem et exila l'élite de ses habitants, ne compromettra les chances d'une reconstitution nationale. Elle interviendra à peine soixante dix ans plus tard.
Activé par les Romains, l'effritement de la nation juive aura une finalité insoupçonnable. La dispersion d'Israël ouvrira une ère nouvelle dans l'histoire des Nations. Elle transformera la face du monde antique. Cette tragédie aux implications incalculables constituera une véritable stèle pour la compréhension du code biblique. Elle en traduira la simplicité des termes: les événements de l'histoire interviendront selon une logique apparemment naturelle, mais ceux-ci intégreront toujours le schéma déterministe. Suscités en leurs temps, ils activeront finalement la situation prédite.
"Le Seigneur lancera sur toi une nation lointaine, venue des confins de la terre, rapide comme l'aigle en son vol, nation dont tu n'entendras point la langue, nation inexorable qui n'aura point de respect pour le vieillard, point de merci pour l'adolescent! Elle se repaîtra du fruit de ton bétail et du fruit de ton sol, jusqu'à ce que tu succombes;... jusqu'à ta ruine entière.
Elle mettra le siège devant toutes tes portes, jusqu'à ce que tombent, dans tout ton pays, ces murailles si hautes et si fortes en qui tu mets ta confiance...
...et vous serez arrachés de ce sol dont vous allez prendre possession. Et l'Eternel te dispersera parmi tous les peuples, d'une extrémité de la terre à l'autre..."(Deut.XXVIII 49-64)
Ces passages du Deutéronome identifiaient Rome et soulignaient son comportement dans la guerre de Judée. La version historique de la tragédie, rapportée par Flavius Josèphe dans "la Guerre des Juifs", se superposera parfaitement à cette prédiction des événements. Ce drame traduira la rigueur des ingérences providentielles dans la destinée d'Israël. Il en caractérisera aussi les modalités: les sentences arrêtées dans un but défini s'intégreront toujours dans le cours naturel de l'histoire.
Cet exil des Juifs ne provoquera cependant, comme l'escomptaient les Romains, puis beaucoup d'autres après eux, la disparition d'Israël par intégration aux Nations.
Il aurait dû pourtant en être ainsi. De tous temps et en toutes circonstances cette évolution naturelle du mélange des peuples s'était vérifiée. Force est de constater qu'il s'agira dans ce cas précis d'une anomalie caractérisée du devenir naturel d'un peuple antique, renversé et dispersé. Seule cette dérogation de l'histoire permettra au peuple juif exilé de perdurer unifié dans la dispersion. Une telle destinée ne sera jamais accessible à la pensée rationnelle. Elle défiera les attendus de la logique humaine. La mystérieuse pérennité d'Israël ne trouvera ses fondements, que dans les seules facultés du verbe prophétique. Elles plieront l'histoire aux engagements de la Parole.
"Et pourtant, même alors, quand ils se trouveront relégués dans le pays de leurs ennemis, je ne les aurai ni dédaignés ni repoussés au point de les anéantir, de dissoudre mon alliance avec eux, car je suis l'Eternel, leur Dieu!" (Lév.XXVI, 44)
Dans l'âme du Juif exilé persistera ainsi, à travers les âges, un subtil sentiment, fait de nostalgie et d’espérance, qui la rendra réfractaire à toute corruption. Plongeant ses racines dans un inconscient collectif, ce sentiment maintiendra les Juifs dans leur spécificité originelle. Il identifiera ce peuple à son destin singulier dont l’accomplissement associait l'humanité toute entière, aux félicités de la Rédemption Universelle.
Ce sentiment univoque se transmettra malgré le morcellement d'Israël, dans toute sa vivacité originelle. Rien ne l'atteindra. L'époque, le lieu géographique, la violence ou la séduction ne pourront jamais l'affecter au point de l'annihiler. L'histoire y veillera scrupuleusement.
La spécificité juive se perpétuera ainsi, dans sa plénitude, de génération en génération. Elle provoquera, dans tous les pays d’accueils, d’abord de l'incompréhension puis de l’hostilité qui se déclinera sur tous les modes. Elle produira un processus de rejet comparable à ceux déclenchés par une entité hétérogène. Cette réactivité antijuive sera remarquablement commune à tous les peuples. Elle perdurera à travers tous les âges de l'exil. Elle constituera finalement un premier mécanisme efficace du cloisonnement juif.
Cette interaction excluante, pivot de la pérennité juive au sein des nations, caractérisera les temps de l'exil. Elle affublera les Juifs d'un particularisme occulte qui suscitera méfiance et suspicion. Ces ressentiments confineront alors les enfants d'Israël dans le fantasme et la caricature. Ils isoleront les Juifs de la communauté environnante. Dans l'inconscient des peuples d'accueil, le Juif deviendra très vite un être fondamentalement différent, impossible à identifier et à assimiler.
De ces individus ainsi marginalisés émanera pourtant l'insidieux pouvoir de sensibiliser la société d’accueil. Cette influence juive, ressentie dans toutes les sphères d'activités, finira toujours par provoquer l'exacerbation des instincts xénophobes. Ces derniers veilleront à ne jamais inclure les Juifs dans la trame intime du tissu national. La croyance en un pouvoir occulte juif, capable d'infiltrer et de contrôler tous les niveaux de la société, en sera le corollaire naturel. Elle suscitera l'implacable hostilité antisémite dont les bornes seront repoussées en fonction du degré de vulnérabilité des Juifs. Elles atteindront mêmes, en ce XXème siècle, les extrêmes barbares que la pensée ne pouvait imaginer.
Le sentiment antisémite n'aurait pu cependant se développer, dans l'excès qui sera le sien, sans la tutelle du Christianisme sur tout l'occident. Cette religion, qui s'affirmait la Nouvelle Israël, développera ostensiblement, pour sa propre promotion, la notion de déchéance du Peuple du Livre. Dans ce sens, elle recourra aux plus vils outrages pour rabaisser ce peuple déjà brisé par l’exil. Pour l’Eglise, l’avilissement des juifs concrétisait leur renversement. Ils ne devaient plus prétendre à leur élection. Le malheur juif devait prouver aux yeux du monde la répudiation d'Israël. Cette dépossession légitimera toutes les prétentions chrétiennes. L'Eglise exhibera même les tourments juifs comme juste peine du crime absolu de déicide. La Chrétienté, pendant des siècles, couvrira ainsi d'opprobre celui qu'elle décriait dans la mort du Sauveur. Sous le poids vengeur du dogme nouveau, le Juif deviendra très vite cet être déchu de la Création, ce suppôt de tous les vices et de toutes les ignominies. Son rejet de la conversion en alourdira encore plus les ardeurs répressives. L'exil juif en supportera bientôt toutes les conséquences. La synagogue expiera durement son "aveuglement obstiné".
Cette confrontation inégale mortifiera durablement le peuple du Livre. La foi chrétienne en sortira, au contraire, raffermie en faisant de la misère juive son indéniable faire valoir. L'Eglise proclamera l'éviction d'Israël des desseins de l'Histoire. Elle rétrogradera la Thora de Moïse au rang d'Ancien Testament. Elle légitimera de la sorte sa fonction de Nouvelle Elue et hissera les Evangiles au degré universel de Nouveau Testament divin.
Colporté par l'Eglise, le crime de déicide marquera d'infamie toute l'hérédité juive. La terrible accusation martelée dans les esprits transfigurera le génie de ce peuple. La vieille hostilité envers les enfants d'Israël en subira la plus effroyable des mutations. Elle s'établira bientôt dans tout le monde chrétien en principe d'aversion pour l'être juif.
Un fils d'Israël aura suscité le monde chrétien. L’épopée de sa crucifixion scellera le devenir du peuple juif, au moment même où s'abattaient sur lui les affres de l'exil. Ce drame mythique engendrera, dans cet occident devenu chrétien, l'environnement approprié aux redoutables prédictions bibliques. Par sa conformation antijuive, le monde chrétien assurera l'expiation, mais aussi la pérennité du peuple d'Israël.
"Et parmi ces nations-mêmes tu ne trouveras pas de repos, pas un point d'appui pour la plante de ton pied."(Deut.XXVIII, 65)
"... je vous poursuivrai l'épée haute..." (Lév.XXVI, 33)
"Et pourtant, même alors, quand ils se trouveront relégués dans le pays de leurs ennemis, je ne les aurai ni dédaignés ni repoussés au point de les anéantir, de dissoudre mon alliance avec eux, car je suis l'Eternel, leur Dieu!" (Lév.XXVI, 44)
Les brimades, les humiliations et les persécutions seront le lourd fardeau des fils de Jacob exilés. Elles dégraderont le génie hébreu en cette mentalité diasporique faite de crainte, de soumission et de compromission. Les sévices tant physiques que moraux aboutiront, inexorablement, à la régression des enfants d'Israël. Les violences incessantes les lamineront en ces êtres apeurés qu'excelleront à amplifier les caricatures antisémites. Ils ne seront bientôt plus ce peuple "rebelle à la nuque roide", mais un peuple craintif soumis aux caprices et aux mépris des gentils. L'indignité et l'humiliation seront le lot des Juifs exilés. Cette dégénérescence du Peuple Elu vérifiera alors la stupéfiante prédiction de Moïse:
"Là, le Seigneur te donnera un cœur effaré, mettra la défaillance dans tes yeux, l'angoisse dans ton âme, et ton existence flottera incertaine devant toi et tu trembleras nuit et jour, et tu ne croiras pas à ta propre vie."(Deut. XXVIII, 65,66)
Ce conditionnement découlera des pressions séculaires de l'Eglise, puis de l'Islam, sur l’existence même des juifs de l’exil. Il perdurera jusque dans un passé récent. Il induira à l'encontre d'un peuple terrassé et avili, tous les sarcasmes et railleries.
"Et tu deviendras l'étonnement puis la fable et la risée de tous les peuples chez lesquels te conduira le Seigneur."(Deut. XXVIII, 37)
Toutes ces calamités, malgré leurs violences et leurs pugnacités, ne parviendront pourtant à annihiler le déterminisme juif.
Même les temps modernes, avec l'épanouissement des idées humanistes et le déclin du pouvoir clérical, ne sonneront le glas du phénomène antisémite. Certes, des périodes de rémission feront parfois croire à l'avènement d'une ère nouvelle. Elles seront toujours de courte durée. Une telle espérance s'observera ainsi en cette deuxième moitié de XIXème siècle. Les Nations susciteront un environnement des plus propices à l'intégration des Juifs et ceux-ci y adhéreront massivement. Dans ce climat d'absorption idéale surgira pourtant un antisémitisme ravageur dont les soubresauts intempestifs ouvriront la voie à l'impensable shoah.
L'antisémitisme exhibera à nouveau ses redoutables prérogatives. Il réaffirmera son caractère exclusif. Il se nourrira cette fois d'une effervescence chauvine qui fustigera le Juif et le repoussera hors des enceintes nationales. La finalité d'une telle exclusion transparaîtra clairement de cette fin de non-recevoir. A nouveau, elle refoulera Israël dans l'enclos de ses obligations.
L'antisémitisme se révélera ainsi le corollaire nécessaire, sinon obligatoire, de la pérennité juive au sein des Nations. Les Juifs, morcelés et disséminés, n'auraient longtemps résisté aux attraits d'un environnement bienveillant. Ils auraient finalement été absorbés, comme toutes les autres minorités, tout au plus en deux ou trois générations.
La destiné naturelle des peuples antiques renversés, est de disparaître dans le courant civilisateur dominant. Seuls quelques vestiges de pierre témoigneront encore de leur grandeur passée. Une telle annihilation, appliquée au peuple juif, aurait relégué les Ecritures dans l'antre de la mythologie. Elle aurait établi l'utopie des prophéties.
La Thora et la pérennité d'Israël se valideront ainsi mutuellement. Elles assumeront, l'une envers l'autre, les obligations de leur union symbiotique.
La persistance de l'entité juive, exilée, disséminée et persécutée au sein des Nations, relèverait ainsi d'une exceptionnelle anomalie de l'histoire. Aucune explication rationnelle ne parviendrait jamais à en élucider les fondements. Cette surprenante déviation ne reposerait que sur les références incontournables de l'existence juive: les Ecritures.
La Thora l’explicite clairement. Un exil expiatoire frappera la génération qui négligera les Lois assignées, pour l’éternité, aux enfants d'Israël. Les Hébreux savaient donc, avant même leur établissement sur la Terre Promise, que la rupture des engagements de l'Alliance les vouerait aux rétorsions les plus implacables.
"Mais si vous n'écoutez point, et que vous cessiez d'exécuter tous ces commandements; si vous dédaignez mes lois et que votre esprit repousse mes institutions, au point de ne plus observer mes préceptes, de rompre mon Alliance,à mon tour voici ce que je vous ferai: je susciterai contre vous d'effrayants fléaux... Et je vous disperserai parmi les nations, et je vous poursuivrai l'épée haute..."(Lév.XXVI, 14-16, 33)
Elles comporteraient un douloureux exil, fait d'errance et de persécutions, que rien ne conjurerait.
"Et parmi ces nations-mêmes tu ne trouveras pas de repos, pas un point d'appui pour la plante de ton pied."(Deut. XXVIII, 65)
Les Nations ne pourraient être une échappatoire. Elles ne parviendraient jamais à assimiler Israël. Elles seraient au contraire le support de son expiation.
L'histoire l'atteste, toutes ces menaces s'accompliront en parfaite concordance des avertissements bibliques.
La sanction s'étendra jusqu'aux dernières générations de l'exil. Elle ne connaîtra d'apaisement, ni par l'espace, ni par le temps.
L'exil juif, secondaire à un effondrement guerrier, n'exécutera ainsi qu'une sentence annoncée. Elle condamnera Israël aux malheurs de la dispersion, sans cependant consentir à sa perdition. Ce peuple, malgré son errance et ses tourments, ne disparaîtra jamais. La sanction le rachètera. Elle aura valeur d'expiation. La rédemption d'Israël se trouvera ainsi au terme de l'épreuve. La mémoire juive aura à ne jamais l'oublier.
Cette renaissance nationale demeurera naturellement assujettie à la pérennité juive. Israël ne pourra trouver de consolation pour la perte de son héritage. L'histoire y veillera attentivement.
L'hostilité des Nations, constante et univoque à travers les âges de l'exil, lui en interdira tout oubli. Elle lui insufflera par là même l'énergie de sa pérennité.
L'antisémitisme concrétisera cette sauvegarde coercitive de l'histoire. Il constituera l'invincible rempart qui brisera les velléités de dilution juive. Ce dispositif, tapi dans l'environnement non-juif s'activera à chaque renoncement. Sa virulence s'avérera toujours proportionnelle à la gravité de l'égarement. Déclenché par les tentatives d'assimilations, il refoulera les Juifs dans l'enceinte de leur judaïté. Ce mécanisme, subtil et redoutable, les reconduira chaque fois dans l'enclos de leurs prérogatives.
La persécution, inhérente à l'expiation et l'errance inhérente à la rédemption, restera le lot de cet exil. Ces dispositions modulées tout au long de ces deux derniers millénaires constitueront le tribut de la pérennité d'Israël.
La barrière de l'antisémitisme, contraignante et douloureuse, témoignera ainsi de la spécificité originelle du peuple juif. Les accablements de l'exil n'affecteront jamais le sceau de l'Alliance. Il demeurera pour l'éternité gravé sur le fronteau d'Israël. Seul ce Pacte légitimera la pérennité juive au sein des Nations. Il ne s'accommodera jamais des attitudes déviationnistes qui attenteront à sa validité.
Le peuple juif ne connaîtra ainsi d'échappatoire. Forcé de l'intérieur par des lois spécifiques et de l'extérieur par l'hostilité des nations, il devra demeurer le Peuple du Livre. Il ne pourra en être autrement. Une autre alternative aurait réduit les Ecritures à des supercheries et les croyances monothéistes à des utopies.
C'est pourquoi, malgré la mutation des esprits, les temps modernes ne compromettront pas la virulence de l'antisémitisme. Elle continuera à cloisonner Israël, à en délimiter les contours dans toutes les Nations. La composante religieuse de ce nouvel antisémitisme ne s'amenuisera que pour mieux s'adapter au rationalisme de l'époque.
L'antisémitisme focalisera désormais tous les griefs de l'extrémisme nationaliste. Ils reprocheront au particularisme juif de miner les harmonies nationales. Cette accusation cristallisera bientôt toutes les hantises du nationalisme. Elle bouleversera l'approche de l’antisémitisme ancestral dans l'Europe tout entière.
Pour le Juif européen de cette fin de XIXème siècle, l'identification nationale sera pourtant une sincère aspiration. Il en fera même, au prix de toutes les concessions, son objectif primordial.
Cet engagement n'apaisera pourtant pas le discours antisémite. La plus conséquente des assimilations n'en modifiera aucunement les ardeurs. Toutes les concessions juives ne l'infléchiront pas. Elles le radicaliseront au contraire alourdissant son verbe et renforçant ses calomnies.
L'accession des Juifs aux secteurs les plus convoités exacerbera plus encore les rancœurs. Le réalisme social n'en contiendra les débordements qu'au dessous d'un certain seuil d’ingérence. Son dépassement soulèvera sans tarder l'indignation des forces conservatrices.
Elles s'insurgeront alors contre cette participation juive et en trancheront sans ménagement la dynamique nationale.
Cette attitude chauvine, par ses effets pervers, aboutira au redoutable concept de la responsabilité juive. Elle fera du Juif cet être sacrificiel de tous les désarrois nationaux.
En temps de crises, le Juif supportera désormais le fardeau de tous les maux. Il sera le bouc émissaire de tous les désespoirs. A l'opposé, dans les périodes de croissance, les Juifs se verront diabolisés pour leur intelligence et leurs réussites. Elles en deviendront les arguments mêmes de leur perversion. Elles constitueront les attributs pernicieux de la détention du pouvoir national. Cette dérive fantasmatique ira jusqu'au délire du complot juif international dont l'objectif insidieux serait la domination du monde.
Les conséquences nuisibles de cet antisémitisme nationaliste se devineront très précocement.
Elles se dévoileront désastreuses pour l'ensemble de la collectivité nationale. Les flambées antisémites, récurrentes et stériles, n'induiront que déstabilisations sociales, néfastes aux intérêts mêmes de la nation. Une telle prise de conscience se fera, pour la première fois, à la veille de la Révolution française. Elle établira l'impérieuse nécessité d'extirper du milieu national le fléau antisémite.
En 1787, la publication d'une étude intitulée "Essai sur la régénération physique, morale et politique des Juifs", fera l'effet d'une bombe. Cet ouvrage de l'Abbé Grégoire soulignera l'impasse idéologique que représentait pour toute la nation l'endémie antisémite. Le retentissement de cet essai aboutira à une décision politique sans précédent. Le 27 septembre 1791, sous l'impulsion de ce député avisé, l'Assemblée nationale constituante votait la loi sur l'Emancipation des Juifs. Elle octroyait, pour la première fois en Europe, un droit égalitaire aux Juifs de France.
Cette loi d'Emancipation, très favorable au citoyen Juif, le sera beaucoup moins pour la pérennité d'Israël. Son but déclaré visait en effet à ruiner le concept de peuple juif qui perdurait obstinément malgré l'exil et la dispersion. Elle ne le dissimulera aucunement. Centrée sur la promotion individuelle du Juif, l'Emancipation annihilera, de l'aveu même de son promoteur, le particularisme juif dans la société nationale. Elle devait résoudre le problème juif par la solution naturelle de l'assimilation.
En insistant, du haut de la tribune, sur l'intérêt de cette loi, qui apportera "tout pour l'individu Juif, rien pour le peuple juif", l'Abbé Grégoire en fixait clairement l'esprit.
L'Emancipation française produira comme prévue une grande vague d'intégration. Elle atteindra surtout les milieux bourgeois et intellectuels, pour lesquels l'Emancipation désenclavait la condition juive demeurée trop longtemps humiliante.
La promulgation de cette loi, malgré ses bonnes intentions, ne tardera pas à révéler ses insuffisances. Si elle octroyait bien l'égalité civique aux Juifs français, elle ne parviendra pas à modifier les mentalités. Elle ne fera disparaître ni les calomnies, ni les préjugés. Le milieu d'accueil restera fidèle à lui-même. Il refusera d'entériner l'égalité du Juif. Il rejettera ainsi le préambule nécessaire au succès de l'absorption juive. L’opposition populaire limitera d’elle même les prétentions de la loi. Elle fera échouer l'objectif premier de l'Emancipation. La solution au problème juif, prônée par les révolutionnaires français, n'aboutirait pas totalement.
Cet échec relatif vérifiera, une fois encore, le principe de cloisonnement attaché au peuple du Livre. Il participait de la convention d'éternité établie par l'Alliance.
Dans l'occident chrétien, désormais moins sensible aux anathèmes religieux, apparaîtra bientôt un nouvel antisémitisme. Il se gorgera de redoutables griefs, sociaux et politiques, à l'encontre des Juifs. Ils seront dorénavant stigmatisés dans tous les conflits nationaux, voire internationaux.
En ces temps de revendications et de luttes de classes, toutes les couches sociales adhéreront promptement au concept de nuisance juive. Ce dernier légitimera les émeutes antijuives qui déferleront bientôt sur toute l'Europe. Elles constitueront dorénavant l'expression nationale de l'antisémitisme moderne.
Le vieux démon, tapi dans l'inconscient chrétien, s'en trouvera libéré. Il pénétrera à travers tous les pores de l'esprit nationaliste. Il envahira chaque mentalité européenne. Une rétention haineuse s'accumulera ainsi sous le ciel des nations. Elle menacera les entités juives dont la présence contrariait les aspirations nationalistes. L'extermination nazie y puisera, en son temps, l'énergie de ses mortelles pulsions. En nourrissant cette effroyable entreprise, cette haine exacerbée assurera le succès européen du génocide allemand.
Le forfait nazi, amplifié par la complicité des pays européens, constituera finalement le terrible épilogue du long exil d'Israël au sein des Nations. Des cendres encore fumantes de la Shoa jaillira la plus fabuleuse des mutations.
Sous la démesure du sinistre linceul masquant les restes calcinés du peuple juif, émergeront les espérances d'une ère hébraïque nouvelle. Impétueuses comme une source de vie, elles entrouvriront l'avenir juif sur des lendemains prometteurs. Elles insuffleront à la face du judaïsme agonisant l'énergie de sa rédemption.
La perspective d'un Etat juif rétabli sur la terre d'Israël apaisera, tant soit peu, le cœur hébreu de ses ultimes et odieuses meurtrissures. Elle seule affranchira l'âme juive des contraintes de l'exil. Elle seule dissipera ses doutes et allégera ses souffrances.
La restructuration prodigieuse du pays d'Israël bousculera le concept juif enraciné dans l'esprit des nations. Les Juifs ne seront plus ce peuple brisé, assujetti à toutes les violations. Ils ne seront plus ces êtres résignés soumis aux exactions les plus outrageantes.
L'Etat d'Israël restaurera la dignité des Juifs. Il recentrera le génie hébreu dans le concert des nations. Comme prédit par Théodore Herzl, la renaissance nationale juive stérilisera l'endémie antisémite au sein des Nations. Le renouveau hébreu annihilera l'arbitraire antijuif des peuples de la terre. Plus jamais, il ne connaîtra les débordements du passé. Plus jamais, il ne s'exercera impunément.
Yoshuah Ben Shalom - visionhistoire © 2011 www.aschkel.info