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5 août 2011 5 05 /08 /août /2011 11:57

 

 

 

Au Nom de l'alliance par Yoshuah Ben Shalom - LE REVEIL SIONISTE

( 2/...)

(Feuilleton en ligne)

© 2011 www.aschkel.info

J'ai l'honneur et le plaisir de vous proposer l'écrit de Yoshuah ben Shalom en ligne, un écrit passionnant dont on ne sort pas indemne, qu'il vous faut lire, et garder précieusement dans votre bibliothèque virtuelle.

Un épisode vous sera proposé chaque semaine, vous pourrez retrouvez chacun des épisodes en cliquant sur la bannière ci-dessous, au fil des publications.

Je remercie Yoshuah Ben Shalom pour ce précieux partage.

Cet écrit est libre de diffusion, à la seule condition de ne procéder à aucune modification dans le texte, vous pourrez donc transmettre le lien URL de chaque article, en respectant le nom de l'auteur et de la source. Les textes de l'auteur sont sous copyright

Aschkel

 

 

 

 

 

Au nom de l'alliance

 

Episode précédent > Au Nom de l'alliance par Yoshuah Ben Shalom - LE PHENOMENE ANTISEMITE (1/...)

 

Si le sionisme est une notion moderne, le thème du retour à Sion n’était pas nouveau. Il apparaîtra dés le premier effondrement national, en 587 av. J.C. Les Judéens, défaits par Nabuchodonosor et déportés à Babylone, en feront déjà l'antidote de leur captivité.

 

A l'instar de ce premier exil, ces deux derniers millénaires réactiveront avec plus ou moins d'actualité, l'imminence de ce retour. Néanmoins, en cette fin de XIXème siècle,  l'émancipation des Juifs d'Europe génèrera pour la première fois un grand scepticisme à l'égard de cette espérance. L'intégration nationale rendra bientôt obsolète cette attente rédemptrice, rompant ainsi les attaches originelles du peuple d'Israël avec sa terre ancestrale. Ce déviationnisme affectera gravement l'intime lueur qui soutenait jusqu'alors les générations de l'exil. Il corrompra irrémédiablement la subtile énergie de la pérennité juive. En occultant l'échéance providentielle qui devait mettre un terme à l'errance d'Israël, cette mutation détournera le peuple juif des engagements de l'Alliance.

 

La foi en ce retour se transmettait pourtant, d'année en année, lors de la célébration de la pâque. Le vœu sacré, "l'an prochain à Jérusalem", continuerait à symboliser l'exil juif. Il clôturait rituellement la commémoration de cette suprême libération. Curieusement, ce sera à l'aube de cette ère industrielle, à l'heure même où l'assimilation juive se ferait incisive, que l’option d'un retour à Sion réapparaîtra avec le plus d'acuité. Fille de l'adversité antisémite, elle se renforcera du développement sioniste.

 

L’idéologie sioniste naîtra avant tout de l'impasse socioculturelle à laquelle les Juifs se trouveront confrontés. Elle traduira leurs exaspérations devant les brimades et les persécutions qui perdureront malgré leur intégration nationale. Engendrée par les violences antisémites, elle aura, à ses débuts, une seule ambition : la création d'un asile où les Juifs persécutés pourront vivre et travailler en paix. L'arbitraire antijuif, répandu dans toute l'Europe, amplifiera fortement ce mouvement de sauvegarde.

 

Le concept sioniste aura d'emblée un retentissement considérable dans les couches intellectuelles les plus exposés aux exactions antisémites. Il brisera le joug de leur passivité. Il les affranchira de leur soumission aux violences et vexations.

 

Les Juifs russes seront les premiers concernés par le message sioniste. Ils étaient alors les plus exposés aux menées antisémites mais également les plus politisés. Ils adhéraient déjà, pour la plupart, aux mouvements de luttes sociales qui s'épanouissaient un peu partout dans les pays de l'Est européen. Beaucoup de ces Juifs seront le fer de lance du Combat Révolutionnaire.

 

Assez rapidement, le doute s’insinuera dans l’esprit de certains. Ils ne parviendront à croire que la Révolution prolétarienne apporterait la solution au problème juif. Pour ces dissidents de la première heure, elle ne pouvait dépendre que du peuple juif lui-même. Ces Juifs ne se désolidariseront pour autant du communisme. Ils continueront à croire aux vertus de cette idéologie qui apportait, selon eux, le salut aux peuples opprimés. En penseurs avisés, ils opteront néanmoins pour l'approche sioniste du problème juif. Ils pressentiront ainsi que seule la création d'un foyer national pouvait briser le sort du Juif si dramatiquement suspendu aux mouvements d'humeurs des populations.

 

Cette appréhension ne sera pas vaine. Les ambitions universalistes des idéaux bolcheviques ne tarderont pas à se révéler décevantes pour les juifs. Elles s'avéreront tout aussi impuissantes à maîtriser les fièvres du vieil antisémitisme tsariste. Les bouleversements de la Révolution d'Octobre ne modifieront en rien la condition profonde du Juif soviétique. Cette fatalité ancrera définitivement les idées sionistes dans ces milieux juifs révolutionnaires. C’est pourquoi leur essor ne procédera que de la seule pensée marxiste. Ce parrainage singulier assignera ainsi, au sionisme originel, sa dynamique laïque et politique. Il n'aura ainsi de motivation religieuse. L'abord marxiste du problème juif restera néanmoins circonscrit à la seule sphère russe. En Europe occidentale, l'atmosphère de progrès et de liberté poussera les Juifs dans la voie de l'assimilation. De nombreux penseurs,  parmi lesquels Théodore Herzl, proposeront même d'en hâter l'accomplissement par la conversion massive au christianisme ou le mariage mixte systématique.

 

La diffusion du sionisme à toute l'Europe ne s'amorcera qu'en 1894, à l'occasion du cataclysme psychologique provoqué par l'Affaire Dreyfus. L'éclosion de cette tragédie dans une France idyllique bouleversera la donne sioniste. Le déchaînement antisémite dans cette France de l'Emancipation et des Droits de l'Homme déstabilisera tous les projets d'assimilation. Il interrompra brutalement l'extraordinaire engouement suscité pour les solutions pragmatiques au problème juif.

 

L'Affaire Dreyfus retentira ainsi comme un véritable coup de semonce. Elle obscurcira les attraits de l'assimilation et assurera la promotion des aspirations sionistes. Le foyer juif évoqué par les révolutionnaires russes en sera le premier bénéficiaire. Il gagnera en pertinence et notoriété dans tous les milieux juifs d'Europe.

 

Le judaïsme occidental, en déliquescence accélérée, sera du même coup tiré d'affaire. L'environnement élevait un cloisonnement d'hostilité qui le préservera de l'annihilation.

Les retombées alarmantes de l'Affaire Dreyfus ne tiendront pas tant à ses débordements antijuifs. Elles proviendront surtout d'un constat d'évidence. Il consternera les Juifs de tous bords. Il révélait que même la plus parfaite des intégrations n'éteindra jamais l'antisémitisme. Le drame qui se déroulait dans le pays champion de l'intégration démontrait, que bien au contraire, elle l'exacerbera. Tel se voudra d'ailleurs le message dissimulé derrière la dégradation publique du capitaine Dreyfus. Cette humiliation en pleine place de l'Ecole militaire atteindra son but. Elle produira une amère désillusion dans tous les milieux juifs. Elle jettera la stupeur jusque dans les rangs les plus enclins à l'assimilation.

 

Le déferlement antisémite dans cette France de l'Emancipation aura un impact considérable. Il prouvait que les préjugés antijuifs persisteront jusque dans la plus parfaite des intégrations. Cette prise de conscience bouleversera profondément l'intelligentsia juive. L'iniquité qui frappait le capitaine Dreyfus, et les débordements antisémites qui l'accompagneront, lui fera reconsidérer son approche du problème juif. Elle saura dorénavant que l'intégration, voire l'assimilation qui chaque fois lui emboîtait le pas, n'éradiquera jamais le spectre antisémite. L'enracinement juif dans une quelconque patrie d'accueil ne parviendra jamais à ses fins. Il sera chaque fois interrompu par l'interposition inattendue d’événements contrariants.

 

"...je vous poursuivrai l'épée haute... " (Lev.XXVI, 33)

" Et parmi ces nations-mêmes tu ne trouveras pas de repos, pas un point d'appui pour la plante de ton pied."(Deut.XXVIII,65)

 

L'assimilation ne conjurera jamais l'exil d'Israël. Une telle option aboutira toujours à l'impasse, alors même que les conditions en sembleront éminemment favorables.

 

La fièvre antisémite dans cette France de l'Emancipation et de l'Intégration constituera une solennelle interpellation du peuple juif. Personne ne pouvait imaginer qu'elle sera un ultime avertissement pour les Juifs d'Europe.

Par son ampleur exceptionnelle, l'Affaire Dreyfus dépassera largement les aléas d'un antisémitisme national. Elle sera une dernière mise en garde à l'encontre du renoncement juif.

 

Le désarroi des Juifs d'Europe ne durera cependant longtemps. Il sombrera bien vite dans l'oubli une fois les remous du drame estompés.

 

Malgré son retentissement exceptionnel, la flambée antisémite de l'Affaire Dreyfus ne constituera que le pendant occidental des manifestations antijuives européennes. Depuis quelque temps déjà de violentes exactions secouaient régulièrement les pays de l'Est. En Russie notamment, elles prendront la forme de véritables ruées macabres déferlant inopinément sur les quartiers juifs. D'une rare brutalité, elles semaient terreur et désolation. Ces razzias dévastatrices caractériseront les pogromes de sinistres mémoires. Elles deviendront fréquentes et meurtrières surtout à partir de 1881.

 

En réponse à ces excès débridés, des comités juifs à caractère politique se constitueront dans plusieurs de ces pays. Ils considéreront que seule l'autonomie juive pouvait être une alternative efficace à toutes ces violences antisémites. Leur thème sera ainsi l'autogestion dans des régions qui pourraient encore leur être propices. Certains opteront d'emblée pour les terres délaissées de Palestine. Elles constituaient alors une lointaine province de l'Empire Turc. Ils y créeront sans attendre leurs premières colonies agricoles.

 

La portée de ces cellules de réflexions restait néanmoins limitée à leur seule sphère d'influence. Un fédérateur d'envergure s’avérait à présent nécessaire. Il donnerait corps à toutes ces pulsions libératrices.

 

L'histoire le désignera bientôt. Ce sera ce même Théodore Herzl, que rien pourtant ne prédisposait. Elle lui assignera alors le devoir révolutionnaire de concevoir la renaissance nationale du peuple juif. Une conviction mystique s'emparera en effet de cet homme. Elle le soumettra implacablement à l'entreprise exclusive de penser l'Etat juif. Pour Herzl, cette préoccupation deviendra bien vite une mission extraordinairement obsessionnelle. Elle s'insinuera au plus profond de son être,  capturant jusqu'au moindre de ses répits.

 

Une puissance stupéfiante, un charisme exceptionnel et une obstination sans faille feront de ce Herzl l'unificateur des velléités de libération juive. Il créera ainsi, en pendant à l'antisémitisme outrageant de cette Europe de l'Emancipation, la première organisation politiquement structurée du peuple juif. Elle proclamera bientôt à la face du monde les ambitions révolutionnaires du  Sionisme.

 

Cet homme, qui entrera dans la légende de l'Etat hébreu moderne, naîtra dans une famille assimilée de Budapest, en 1860. Une émigration précoce le fera grandir dans la ville de Vienne. Devenu juriste et journaliste, il sera intimement confronté au problème juif dans la société occidentale. Le sort des intellectuels et des couches moyennes le consternera tout particulièrement. Des carrières entravées pour seule raison confessionnelle le révolteront profondément. Cette ségrégation constituera pour Herzl une frustration aussi détestable qu'injuste. Elle expliquera ses premières positions en faveur de l'assimilation rapide des Juifs.

 

La dimension réelle du problème juif, Théodore Herzl ne la saisira qu'à l'occasion de l'Affaire Dreyfus qu'il couvrira à Paris pour le compte d'un journal autrichien. Il en prendra conscience grâce aux convergences surprenantes de son approche analytique. Les implications qui en fuseront, l'interpelleront alors au plus profond de sa raison. Elles déstabiliseront son pragmatisme légendaire.

 

Ce Juif assimilé et confortablement installé dans la société autrichienne n'attendra pas cette fois l'apaisement de la crise française, comme le faisaient par fatalité et impuissance tous les Juifs de l'exil. Il s'insurgera au contraire contre ce drame antisémite. Il activera finalement les ambitions sionistes qui balbutiaient à peine dans les pays de l'Est européen.

L'Affaire Dreyfus réveillera ainsi l'étrange faculté accolée au destin juif. Elle faisait qu'à chaque période d'assimilation surgissait, immanquablement, un événement capable de réveiller la haine du juif. Ce coup du sort isolait brutalement les Juifs et ruinait imparablement cette nouvelle tentative de dilution. Le drame dreyfusard illustrera parfaitement cet obscur mécanisme. Herzl en sera cette fois le témoin éveillé.

 

Le pragmatisme de cet homme n'y résistera pas. Ce phénomène obstinément récurant lui révélera avec stupeur la dimension suprarationnelle du problème juif. Il comprendra alors que seule la création d'un Etat juif en assumera l'heureux dénouement. Cette clairvoyance prophétique stimulera l'enthousiasme d'Herzl. Elle le pliera inconditionnellement aux diktats de son engagement passionnel. Concevoir l'Etat juif lui deviendra bien vite une dévorante obsession. Pour cette entreprise, il délaissera sa famille et renoncerait à sa carrière de journaliste.

 

Le 14 février 1896, la publication d'un petit opuscule intitulé "l'Etat Juif" couronnera tous ses sacrifices. Cet essai aura d'emblée un impact considérable. Certaines idées sous la plume de ce rationaliste surprendront fortement. Elles introduiront des notions totalement étrangères aux milieux juifs intellectuels.

 

L'antisémitisme s'y démarquera ainsi de ses vieilles attaches raciales pour se recentrer dans un contexte social réactionnel. Il ne sera plus une simple expression de la xénophobie raciale mais un phénomène aux attributs complexes. Herzl en appréhendera pour la première fois la véritable nature. Il l'énoncera clairement comme une induction naturelle de la présence juive au sein de nations, l'un se nourrissant de l'autre au travers d'occultes interactions.

 

Il comprendra ainsi que l'un et l'autre perdureront indéfiniment tant que les Juifs conserveront leur statut social d'exilé. Il reconnaîtra même, au travers d'une étonnante lucidité, que cet état de fait ne sera jamais aboli. C'est pourquoi, conclurait-il, tant que ce statut persistera, l'antisémitisme existera et tant que l'antisémitisme perdurera les Juifs conserveront ce statut d'exilé.

 

 

"Les Juifs, attachés à leur foi, reviennent fièrement à leur peuple lorsque éclatent les persécutions... Or, plus l'antisémitisme tarde à se manifester, plus il éclate avec virulence." (L'Etat Juif - Introduction)

 

Cette formulation explicitait clairement les fondements de la pérennité juive au sein des nations. Elle traduisait le fatalisme inexpugnable de la condition juive à travers ses pérégrinations. Herzl savait désormais que la solution à cette quadrature infernale passait par la création d'un Etat juif. Il avait compris  que le peuple juif traînerait le boulet antisémite jusqu'au terme de son exil. Seule sa rédemption nationale en briserait résolument la lourde chaîne.

 

 

Cette conviction transcendera tout son être. Elle ne lui laissera désormais plus aucun répit. Elle l'exaltera nuit et jour, l'étreignant parfois jusqu'aux limites du tourment. Son sentiment se jouera dés lors des obstacles et des déceptions. Rien ne freinera plus sa démarche obsessionnelle. Réveiller son peuple deviendra sa mission princeps. Il ne s'en détournera plus. Il lui insufflera la volonté de sa libération. Il secouera le joug de son exil jusque tombe l'oppression antisémite.

 

 

Le projet sioniste d'Herzl était cependant éloigné du formalisme traditionnel de l’idée de rédemption. Il s'accordait du pragmatisme du personnage. La terre d'Israël n'y était ainsi qu'une option idéale. C’est pourquoi l'ambition d'Herzl ne résistera pas longtemps au réalisme politique. Elle s'accommodera bientôt des opportunités et des compromis éloignés des spécificités juives.

 

Les masses juives d'Europe, dans leur grande majorité, resteront néanmoins insensibles aux appels pathétiques d'Herzl pour son projet. Leur inertie et la difficulté de mobiliser des capitaux lui seront une grande source d'affliction. Elles le mèneront bientôt de désillusions en déceptions.

 

Cette idée de libération juive par la création d'un foyer national ne soulèvera ainsi d'enthousiasme général. Dans certaines communautés, elle suscitera même inquiétudes et réprobations. Celle de Munich notamment détiendra un troublant privilège. Elle empêchera la tenue dans sa ville du 1er Congrès Sioniste Mondial qu'elle prétendait provocateur pour leurs concitoyens non-juifs.

 

Elle tentera par son hostilité de conjurer les gênantes aspirations nationalistes de cette manifestation. Cette surprenante attitude trouvera ses fondements dans la parfaite intégration des Juifs allemands qui n'avaient alors que faire des prétentions sionistes. La ferme détermination des Juifs munichois obligera le déplacement en dernière minute des assises de ce 1er Congrès. 

 

Ce serait finalement en Suisse, dans la ville de Bâle que se déroulera, le 29 août 1897, cet événement historique. Lors de la clôture de ce 1er Congrès, le carnet intime de Théodore Herzl s'étoffera d'une fière remarque: "A Bâle, j'ai fondé l'Etat juif".

 

 

Cet Etat manquait cependant de l'essentiel: sa délimitation territoriale. Les premières lueurs avaient pourtant été prometteuses. Elles laisseront d'abord entrevoir les terres délaissées de Palestine. Mais bien vite cette espérance s'amenuiserait. Au fil des congrès, elle s'avérera même de plus en plus illusoire. Les difficultés qui en surgiront, ébranleront dangereusement l'édifice sioniste. Deux tendances en émergeront finalement. Elles s'affronteront âprement sur cette notion de territoire.

 

 

La première tendance défendait les positions du sionisme affectif. Elle préconisait la poursuite de l'infiltration juive en Palestine, commencée quelques années plus tôt par des groupuscules russes comme  "le Bilu" ou " les Amants de Sion".

La seconde tendance représentait le sionisme pragmatique. Elle cherchait avant tout l'obtention d'une charte internationale qui reconnaîtrait aux Juifs le droit de s'implanter dans le territoire que les puissances leur attribueraient.

 

 

Le mouvement sioniste, malgré tous ses efforts, ne parviendra finalement à mobiliser les masses juives d'Europe. Il donnerait bientôt des signes inquiétants d'essoufflement. Il ne résisterait encore longtemps aux frictions et atermoiements sionistes. Une crainte indicible se saisira alors d'Herzl. Une obstination juive pour les terres de Palestine ruinera, à coups surs, toute son œuvre.

 

L'urgence et le réalisme commandaient de trancher. Il n'hésitera pas. Il fera face au plus pressé. Son Etat juif devait surmonter l'obstacle de la terre ancestrale. Une autre contrée valait mieux que pas d'Etat du tout. Dans sa volonté d'ouverture, qui n’en sera pas moins un renoncement au patrimoine d'Israël, Herzl suggérera même l'allemand comme langue officielle du futur foyer juif.

 

 

Saisi de lassitude, laminé par l'usure, Herzl abondera finalement en faveur de la tendance pragmatique du sionisme. Il rompra ainsi délibérément les attaches sacrées du peuple juif pour la terre d'Israël. Il occultera de la sorte l'indéfectible adéquation qui reliait cette terre à son peuple. Cette décision résonnera comme l'approbation d'une union illicite. Elle illustrera les dispositions déviationnistes de la tendance pragmatique.

 

Certes, le constat sioniste était alors des plus sombres. Toutes les démarches pressantes d'Herzl pour un foyer juif en Palestine n'avaient pas abouti. Les interventions auprès du Kaiser, du Tsar, du Roi d'Italie, du Pape et du Gouvernement anglais étaient demeurées sans conséquence. Les nombreuses entrevues avec le Sultan de l'Empire Ottoman, alors maître de la Palestine, n’avaient rien donné de plus concret. L'histoire le voudra ainsi. La rédemption nationale juive sur sa terre ancestrale ne sera portée au crédit d'aucun grand de ce monde.

 

De jour en jour, des dissensions fondamentales élargissaient le fossé entre les deux tendances sionistes. L'une, dans l'orientation messianique, réclamait une renaissance nationale juive dans le respect de ses aspirations historiques. L'autre, plus encline au pragmatisme, acceptait toute enclave territoriale qui serait octroyée aux Juifs affligés. Les uns restaient fidèles à la sensibilité rédemptrice du peuple juif, les autres s'en démarquaient au nom du rationalisme.

 

L'histoire retenait son souffle. Une décision aux répercussions incommensurables allait bientôt être prise. Elle invaliderait pour la première fois les engagements réputés indéfectibles de l'Alliance. La légitimité des enfants d'Israël sur la terre d'Israël s'en trouverait irrémédiablement battue en brèche. Elle  rejoindrait alors l'utopie des croyances mythiques.

Les positions définies par le XIème Congrès Sioniste, de 1903, s’orientaient inéluctablement vers le réalisme politique. Elles rendaient inévitable l'acceptation de la solution"intérimaire" défendue par la tendance pragmatique.

 

Les récents pogroms russes et leurs cortèges de victimes innocentes précipiteront la décision. Magnanime, l'Angleterre proposerait à titre humanitaire, une province d'Ouganda comme foyer pour les Juifs persécutés. Une majorité de délégués, entraînée par Herzl, entérinera cette offre généreuse. Elle s'accommodera de l'opportunité du moment, comme en conviendrait Herzl. Il confiera en privé: "mon cœur est pour Sion, ma raison pour l'Afrique".

 

Le compromis sur l'Ouganda attentait néanmoins à la finalité du sionisme. Il constituait une grave violation des attentes ancestrales. Il corrompait les modalités attendues de la rédemption nationale du peuple juif. L'histoire ne l'admettrait pas. L'inattendu surviendrait et rétablirait comme chaque fois la destinée d'Israël.

 

En 1904, peu après ce XIème Congrès, Herzl mourra subitement à l'âge de 44 ans. Cette soudaine défection laissera le mouvement sioniste en plein désarroi. Elle décapitera néanmoins les orientations de la tendance pragmatique et rétablirait l'unité sioniste.

 

La tendance affective en sortira renforcée. Elle focalisera bientôt toutes les espérances du judaïsme traditionnel. Leurs prétentions n'avaient alors rien d'utopique. La Palestine demeurait une région étrangement disponible malgré les deux millénaires écoulés.

 

De nombreux peuples y séjourneront certes, mais pas un seul n'y prendra souche. En ce début de XXème siècle, il sera encore une province délaissée aux confins de l'Empire Ottoman. Ce désintérêt des occupants successifs pour Eretz Israël expliquera le délabrement des terres découvert par les premiers défricheurs juifs. Venus dés 1880, sous l'impulsion de mouvements russes comme le "Bilu", ils ne trouveront qu'étendues désertiques, abandonnées à l'érosion et aux marécages. Le pays d'Israël, dévasté et renommé Palestine, ne s’était jamais relevé du désastre romain.  

 

"... votre pays restera solitaire, vos villes resteront ruinées."(Lev. XXVI, 33)

Alors, quand les générations futures, vos descendants qui naîtront plus tard et l'étranger venu d'une contrée lointaine, observeront les plaies de ce pays-là et les calamités dont le Seigneur l'aura affligé: terre de souffre et de sel, partout calcinée, inculte et improductive, impuissante à faire pousser une herbe..."(Deut. XXIX, 21, 22)

 

La terre d'Israël ruinée par Rome assumera ainsi, jusqu'au bout, la vacance de son peuple. En n'exhibant que des oripeaux affligeants d'un dramatique veuvage, elle se déroberait aux convoitises des autres peuples. Elle se préserverait ainsi, pendant prés de deux millénaires, pour l'ultime génération de l'exil.

Sur cette terre d'Israël tragiquement mortifiée, aucun peuple ne succédera aux Juifs chassés par Titus. S'il en avait été autrement, ce peuple y aurait naturellement constitué au fil des siècles une entité nationale spécifique. Elle aurait alors interdit aux Juifs la moindre prétention sur un territoire perdu depuis deux mille ans.

 

L'idée même d'un retour à Sion aurait été définitivement impensable et à jamais réalisable. La France d'aujourd'hui s'inquiéterait-elle d'une récurrence gauloise? Les Etats-Unis d'Amérique s'alarmeraient-ils des revendications indiennes?

 

En aspirant aux terres de Palestine, le sionisme originel ne défiait aucune nation différenciée sur Eretz Israël. Cette région attendait dans le dénuement le plus complet le retour de son peuple exilé. Elle demeurerait malgré les deux millénaires écoulés, l'héritage incessible des enfants d'Israël.

 

En œuvrant de la sorte, la mouvance sioniste constituait le support historique de la rédemption nationale juive sur sa terre ancestrale. En planifiant la fin de l'errance, elle mettait un terme à l'exil d'Israël.

 

Cette fabuleuse singularité sera cependant contrariée par les grands bouleversements de la Révolution française. L'Emancipation de 1789 avait entraîné, dans toute l'Europe, un profond remaniement du statut des Juifs. Ils ne devaient plus être ces individus honnis soumis à l'arbitraire des nations mais des citoyens à part entière, engagés dans le plus sincère des patriotismes.

 

De tels changements inauguraient une ère d'intégration, qui transformera profondément les mentalités juives. La notion même de rédemption nationale spécifique deviendra incongrue. Sur les onze millions de Juifs européens de ce temps, seuls deux cents milles adhéreront à l'idée de retour à Sion. La renaissance nationale juive, espérance de longs siècles d'exil, perdra bientôt tout écho. Subjuguée par les caresses d'une émancipation enjôleuse, l'âme juive se livrera ainsi à la société-hôte. Elle s'affranchira de ses préceptes et s'identifiera entièrement au peuple d'accueil. Cette mutation emplira les Juifs européens de vanité.

 

Aucune inquiétude ne troublera plus la sérénité de leur identification nationale. Toutes les secousses antisémites, préludes aux débordements nationalistes de ce deuxième tiers de XXème siècle, n'assombriront plus le ciel de leur intégration.

 

Dans ce concert de renoncement, seuls les Juifs de Galicie, de Russie et des provinces orientales de l'Empire Austro-hongrois resteront attachés au projet sioniste. Ils y verront la seule réponse aux agressions antisémites dont ils étaient encore trop souvent les victimes.

 

 

L'audience sioniste restera finalement limitée dans tous les pays d'Europe. Elle ne suscitera aucun enthousiasme débordant. Les Juifs se montreront très peu concernés par le message rédempteur. Ils avaient déjà trouvé dans les principes égalitaires de 1789 les fondements mêmes de leur salut.

Pour la bourgeoisie, "la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen" constituait une charte si prometteuse qu'elle y répondra massivement par une politique d'assimilation. Un foyer national juif lui semblerait dès lors totalement insensé.

 

Pour les milieux ouvriers, la solution au problème juif passait par la révolution prolétarienne. Seul le renversement du capitalisme sera le sésame qui mettrait fin aux causes mêmes de l'antisémitisme. Leur analyse s’appuiera sur les affirmations du penseur juif Karl Marx, développées dans "La Question Juive".

 

Ce pamphlet publié en 1843 dénonçait avec véhémence, l'existence d'une nationalité juive. Pour le père du marxisme, cette revendication était à l'origine de tous les maux. Elle reposait, selon lui, sur la prédisposition naturelle des Juifs à se démarquer des non-juifs. Il ne percevra, à l'instar d'Herzl, la réciprocité occulte qui pérennisait la présence juive au sein des nations.

 

 

Dans cette Europe de la Belle Epoque régnait ainsi un consensus général d'assimilation. Les Juifs et les Nations se détournaient résolument des premières lueurs de rédemption nationale juive. Ce concept de renaissance spécifique sera tout particulièrement rejeté par les Juifs de France et d'Allemagne. Pour ces Juifs déjà parfaitement intégrés dans un environnement national homogène, il apparaîtra désormais obsolète.

 

En ces temps euphoriques d'un début de siècle prometteur, les Juifs et les Nations adoptaient ainsi une politique délibérée de dilution nationale. Cette paisible intégration laminera bientôt le particularisme juif. Elle le mènera doucement à sa disparition. Cette émancipation conduisait Israël à son extinction naturelle. Après deux millénaires de pérégrination, l'impossible se produisait finalement. La spécificité juive, sauvegardée de génération en génération, s'évanouissait au sein des nations. L'étrange pérennité du peuple juif connaîtrait bientôt son terme.

 

Cette résorption du problème juif par une politique nationale d'intégration n’était pas une tentative nouvelle. Elle avait été inaugurée, un siècle plus tôt, par l'Abbé Grégoire mais l'initiative souffrirait de son manque de maturité. En ce début de XXème siècle, elle se présentait sous de bien meilleurs auspices. Les nations absorbaient sereinement leurs Juifs et ces derniers se montraient des plus empressés. Rien ne s'opposait plus à la fusion des deux entités.

 

Le trouble et l'égarement s'emparaient à nouveau d'Israël. Ils susciteront une vague d'assimilation et de conversions qui submergerait toute l'Europe. Elle emportera d'abord les milieux intellectuels pour lesquels la différenciation juive n’était qu'une vieille invention antisémite. A leurs yeux, une saine intégration nationale abolira rapidement cette sordide rumeur. Ils délaisseront alors leur judaïsme et s'engouffreront soulagés dans l'ouverture nationale.

Le souffle du modernisme forgeait ainsi de nouvelles identités juives dans la diaspora d'Europe. Il produira bientôt les premières scissions nationalistes qui briseraient le concept d'unité du peuple juif. L'attente rédemptrice d'Israël n'y résisterait pas. Seules subsisteraient encore par delà les frontières quelques réminiscences religieuses.

 

Le Juif français se déclinera désormais Français de confession israélite et le Juif allemand, Allemand d'ascendance juive. Cette métamorphose annihilera toute conscience nationale originelle. Les Juifs s'observeront dorénavant avec le détachement, voir la même hostilité, que le Français ou l'Allemand catholique ou protestant. La Synagogue et les rabbins, par mimétisme de circonstance, se résoudront alors aux apparences de l'Eglise.

 

Le judaïsme se vidait ainsi de sa substantifique moelle. Il ne cimentait plus les Juifs les uns aux autres. Il ne soutenait plus la confiance de ce peuple en sa rédemption nationale sur la terre d'Israël.

 

Les Juifs européens, dont les valeurs spécifiques se transformaient en aspirations nationalistes ou internationalistes, n'adhéraient plus aux attentes ancestrales. Ils se dérobaient aux contraintes de leur destinée. Ils n'assumaient plus les engagements de  l'éternelle Alliance.

 

L'histoire comme chaque fois réagirait. Elle induirait un antisémitisme stéréotypé dont l'intensité serait proportionnelle à la gravité de l'égarement.

 

La virulence antisémite, exacerbée par le redoutable fléau des nationalismes, se révélerait sans précédent.

 

 

Yoshuah Ben Shalom - visionhistoire © 2011 www.aschkel.info 

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