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Barak et le jeu démocratique
par Yéochoua SULTAN
Pour aschkel.info et lessakele .
On pourrait presque faire dire à Ehoud Barak que la démocratie, c'est un grand mot, et qu'aux grands mots (maux) les grands remèdes.
Je n'y comprends rien en politique. Bien entendu, on peut me remettre cyniquement à ma place, en m'indiquant que dans ce cas il vaut mieux se taire et laisser agir les spécialistes. Il ne s'agit pas pourtant ici de défendre un parti politique, ou les idées qu'il est censé représenter. Il s'agit en fait d'un constat de manœuvres déontologiquement condamnables mais techniquement efficaces. Lorsqu'Ehoud Barak a annoncé qu'il quittait le parti travailliste pour fonder une nouvelle formation égocentrée, le terme עצמאות indépendance, étant proche du mot עצמיות qui peut se comprendre dans le sens d'égocentrisme - n'oublions pas que Barak, en tant que Premier ministre avait tenu jusqu'au bout, même en minorité politique – d'aucuns avaient cru comprendre qu'il démissionnait par la même occasion de son poste de ministre de la Défense. C'est en effet une déduction logique. L'intéressé aurait dû déclarer: «J'ai été élu par les électeurs du parti travailliste, même si le mérite m'en revient, et je suis entré dans le gouvernement en tant que représentant de mes électeurs du parti travailliste. Tout compte fait, ça ne me convient pas, ou plus, et je préfère recommencer à zéro avec un parti de ma fabrication qui correspond mieux à mes idées. Donc, je rends le mandat au parti travailliste, que je compte bien battre aux prochaines élections. Le public pourra alors se prononcer et m'approuver ou me désapprouver. Je suis prêt à prendre ce risque.»
Il est vrai que, techniquement, il n'est pas possible de fonder un nouveau parti tout seul, en pareilles circonstances. Avant de surprendre ses concurrents, c'est-à-dire les rebelles de son parti, et de les prendre de vitesse, il a su s'entourer de collaborateurs qui font de facto de son parti le plus petit et le plus riche en ministères. Nous nous retrouvons donc dans une situation dans laquelle un parti qui n'a pas été élu, et dont personne n'avait entendu parler jusqu'à hier, maintient dans ses mains les rênes du pouvoir.
Ce genre de combine n'est pas nouveau. Le parti Kadima a été fondé exactement de la même façon. Ce qui est encore plus incompréhensible, c'est que l'électorat ne condamne pas ces manœuvres, puisque nombreux sont ceux qui ont voté pour ce parti par la suite, confirmant leur soutien à ce procédé sans précédent. Il est vrai que certains votent plus pour le politicien que pour le parti qu'il représente, un peu comme l'admirateur d'un joueur de foot continuera à le suivre, quelle que soit l'équipe qu'il représente, et dans certains cas quel que soit le pays. Quoique, dans ce dernier cas, certains se sentent trahis par le joueur qui finalement montre qu'il ne joue pas pour un quelconque idéal sportif ou patriotique mais qu'il se donne au plus offrant. Voila pour la parabole. De la sorte, un Premier ministre qui devait, selon le programme pour lequel il avait été élu, revendiquer et défendre le droit des Juifs sur la terre d'Israël, s'est mis à les chasser de chez eux. Ce qui lui est arrivé juste après suscite aussi chez beaucoup un certain cynisme qui touche, contrairement à ce que l'on aurait pu s'attendre, des gens qui se définissent comme peu ou pas religieux, mais qui n'hésitent pas à tester la réaction de ceux qui le sont: «Alors, comme ça, celui qui touche aux Juifs sur la terre d'Israël est frappé et immobilisé, entre la vie et la mort? En tout cas, il est puni pour ses actes, puisqu'il l'a fait, et non pas pour ses intentions, puisqu'il allait très bien jusqu'avant.» Les critiques sous-jacentes sont à deux niveaux: en d'autres terme, la remarque consiste à signifier aux religieux qu'ils ne doivent pas trop compter sur une aide miraculeuse, mais qu'ils doivent s'estimer heureux du moment que tout le monde est perdant. Pour la première interpellation, on peut effectivement répondre que même pour le Premier et le Second Temple, ainsi que pour tous les exils, s'il n'y avait pas une volonté divine d'en accomplir la destruction ou la réalisation, tout aurait pu être empêché avant. Les textes bibliques et les prophéties qui y figurent ne manquent pas d'avertissement selon lesquels le courroux finirait par conduire à ces événements terribles, pour amener de loin un peuple destructeur dont on ne connaîtrait pas la langue. Pour la seconde, on peut se montrer plus pragmatique. En effet, ne disposant pas de prophétie précise, on ne peut établir un fait scientifique à partir d'une seule et unique observation. Il faudrait que plusieurs dirigeants d'affilée se laissent aller à des agissements semblables pour voir s'ils sont plongés juste après dans un coma profond. Mais il est à craindre que les candidats au rôle de cobaye ne se bousculent pas, sans vouloir susciter des vocations ni réveiller la mesure de rigueur. Un Premier ministre ayant, il y a peu, décrété une interdiction de la construction de plusieurs mois a dû être hospitalisé pour subir toutes sortes d'examens médicaux, concours de circonstances ignoré. Mais il ne faut pas s'inquiéter, les médecins l'ont déclaré en bonne santé.
Outre la formation arbitraire d'une génération spontanée de nouveaux partis que ni la morale ni la loi ne semblent contrecarrer, et dont les conséquences peuvent être dramatiques ; un autre subterfuge, celui des transfuges, a été exploité auparavant par le gouvernement qui a imposé les remises en liberté massives de terroristes et leur armement, à savoir les accords d'Oslo. Deux députés du parti de droite צומת (croisée des chemins) étaient tranquillement passés à gauche avec leur arme que représentait leur force parlementaire. Là non plus, ils n'avaient pas rendu leur mandat en reconnaissant qu'ils avaient été élus pour des idées qu'ils ne représentaient plus, trahissant tranquillement leurs électeurs.
Il est assez déplorable de devoir constater que l'avis, voire la vie, des électeurs importe peu. Ils servent à se faire élire et prendre le pouvoir pour l'ignore ensuite, voire œuvrer pour son mal. Les plus grands défenseurs de la démocratie, à les entendre, sont aussi les plus farouches opposants au principe du référendum, comme nous l'avons vu récemment lors du vote de la loi garantissant la souveraineté sur le Golan ou sur tout territoire annexé à l'Etat d'Israël après 48. Personne ne s'est étonné de voir que ce sont toujours les mêmes qui se préoccupent le moins de la sécurité et des intérêts d'Israël. Pour conclure, on peut dire simplement que l'actuel ministre de la Défense est responsable ou coresponsable de deux guerres, l'une concernant une agression par le Nord, conséquente au retrait du Sud-Liban et à l'abandon des alliés représentés par l'Armée du Liban Sud, Tsadal, qui vivait en symbiose avec Israël ; il s'agit de la Seconde guerre du Liban ; et l'autre du Sud-ouest, avec les bombardements depuis Gaza de Sdérot, Ashkelon, puis Béer-Cheva et Ashdod, qui ont mené à l'opération militaire Oferet Yeçouka. Ce qu'il manque encore au tableau de chasse du chef de la toute nouvelle formation, c'est une agression par l'Ouest, et elle semble motiver son acharnement à ne pas quitter la vie politique, et surtout ce qui est lié à la sécurité et à la défense du pays.