Il y a 36 ans disparaissait l’une des figures les plus marquantes du sionisme, David Ben Gourion, qui a été nommé à la tête du premier gouvernement d’Israël, juste après la création de l’État. A l’occasion de cet anniversaire, une cérémonie officielle a eu lieu dans la matinée au Kibboutz Sdé Boker, dans le Néguev, où Ben Gourion a fini ses jours dans un cadre paisible.
Parmi les personnalités présentes à cette commémoration, se trouvaient le président de l’État, Shimon Pérès, et le Premier ministre Binyamin Netanyahou, qui ont tenu à rendre hommage à l’ancien leader.
par Claire Dana-Picard
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David Ben Gourion (Gryn) est né le 10 octobre 1886 à Plonsk en Pologne, alors partie intégrante de l’empire Russe. Ses parents mirent onze enfants au monde, mais six d’entre eux moururent en bas âge. David était le quatrième des cinq qui restaient.
Sa mère mourut alors qu’il n’avait que onze ans (des suites d’un nouvel accouchement)
Son père, Avigdor Gryn fut un des fondateurs des Hovevé Tzion, (les sionistes d’avant Herzl) Il ouvrit une école «Hahéder hamétoukan» où David Ben Gourion étudia. Adolescent, conseillé par son père, il s’efforça d’encourager l’usage de l’hébreu et en 1900, il créa un mouvement de jeunesse du nom d’Ezra dont les jeunes ne parlèrent que l’hébreu entre eux.
A l’âge de 18 ans, David Ben Gourion s’en alla à Varsovie et enseigna dans une école Juive.
En 1903 il entra au parti sioniste socialiste Poalé-Tzion. Ses activités socialistes lui valurent d’être arrêté et emprisonné deux fois en Russie. Il prit part aux deux premiers sommets des Poalé Tsion à Varsovie. Il envisagea de poursuivre des études académiques, mais finalement il décida de remettre ses projets à plus tard et de monter en Israël.
En 1906, il arriva à Yaffo. Il se rendit ensuite à Pétah Tikva et commença à travailler en tant qu’ouvrier agricole dans les fermes alentours. Il participa entre autres aux vendanges de Zirkhon Yaakov.
Peu de temps après son arrivée en Erets Israël, il reprit ses activités dans le parti de Poalé Tsion et influa fortement sur son caractère et sur sa ligne idéologique.
En 1907, il passa en Galilée et s’installa dans la ferme de Sédjéra Il se chargea d’organiser la sécurité de l’endroit. Durant ces années, il gagna sa vie par le travail de la terre, tout en poursuivant ses activités politiques.
En 1910, il entra dans l’équipe des rédacteurs du journal du parti «Ahdout» Il signa son premier article du nom de «Ben Gourion» qui devint alors son nom officiel. Cette même année, il s’installa à Jérusalem et travailla essentiellement à la rédaction du journal.
En 1911, il partit pour Salonique, étudia le turc et prit des contacts avec la communauté Juive locale. En 1912, il commença des études de Droit à Istanbul.
Au moment où la première guerre mondiale éclata, Ben Gourion était en chemin pour Erets Israël. Au début de la guerre, il soutint publiquement l’Empire ottoman et oeuvra même pour la formation d’une brigade Juive d’Erets Israël au sein de l’armée impériale. Malgré cela, en 1915, il fut expulsé en Egypte (avec Itshak Ben Tsvi) par le pouvoir ottoman qui le soupçonnait à cause de ses activités sionistes. D’Egypte, ils partirent pour les Etats-Unis où il créèrent le mouvement «Héhalouts» (action sioniste socialiste en faveur du ychouv)
En 1917, il épousa Pauline (Paula), qui l’assista fidèlement tout au long de sa vie.
Quand la proclamation de Balfour fut publiée, Ben Zvi et Ben Gourion rejoignirent la Palestine devenue britannique et intégrèrent les rangs de la Légion Juive.
En prenant le contrôle de la région, les Britanniques s’employèrent à gérer la cohabitation explosive entre les communautés arabe et Juive.
En 1921, il fut l’un des fondateurs de la Histadrout et la dirigea jusqu’en 1935. En 1921, il fut élu secrétaire général de la Histadrout.
Dès lors, il fut considéré comme l’un des dirigeants officiels du sionisme et du ychouv.
En 1930, il créa le Mapaï et fut élu à sa tête.
En 1935, Ben Gourion fut nommé président de l’Agence Juive, fonction qu’il conserva jusqu’à la création de l’Etat d’Israël. Au cours de ces années, Ben Gourion renforça son statut de dirigeant des habitants Juifs d’Erets Israël, jusqu’à la veille de la création de l’Etat. Et c’est ainsi qu’il devint le chef «naturel» de l’Etat qui allait naître.
Avec la publication du Livre blanc et les limites imposées par les Britanniques à la Alya de Juifs en Erets Israël, Ben Gourion déclara la guerre au Mandat et lors du 21èmeCongrès sioniste, il définit les lignes de ce combat : «Nous devons agir comme si nous étions un état en Erets Israël…nous sommes plongés dans une lutte ardue et tragique contre le gouvernement britannique et sur ce front, il n’est pas question que nous cédions d’un pouce…»
Quand la deuxième guerre mondiale éclata, il redéfinit les règles du combat et proclama : «Nous devons aider les Britanniques dans cette guerre comme si le Livre blanc n’existait pas et nous devons lutter contre le Lvre blanc en faisant comme si la guerre n’avait pas éclaté…»
Il organisa le yishouv à la lutte contre le nazisme. La Hagana, armée illégale, fut de mieux en mieux organisée, malgré le manque d’armes et le recrutement dans les rangs anglais fut encouragé.
Plus tard, il en sortit la Brigade Juive dont les hommes se battirent à Tobrouk, en Libye, en Italie, et profitèrent de leur présence en Europe, sur l’ordre secret de Ben Gourion, pour organiser le sauvetage et la Alya illégale en Palestine.
Dès la fin de la guerre, en 1945 il s’opposa à l’action de l’Irgoun. Il choisit de mettre l’accent sur la préparation des effectifs en vue d’une attaque arabe généralisée.
En 1946, il fut nommé responsable de la Défense au sein de l’Agence Juive. Ce fut un tournant décisif qui raffermit son statut à la tête du sionisme. Jusqu’alors, il ne s’était occupé que très peu de questions sécuritaires et était considéré sans expérience dans ce domaine. C’est donc en tant que tel, qu’il organisa le combat contre le mandat britannique. Parallèlement, il s’employa à former une force militaire puissante et capable de se mesurer à une lutte violente contre les Arabes d’Erets Israël et contre les pays arabes, considérant qu’une telle altercation serait inévitable dès que les Britanniques quitteraient les lieux.
Sans relâche, il organisa le yishouv pour la guerre d’Indépendance.
En 1948, il poussa les dirigeants sionistes à soutenir le plan de partage qui fut finalement voté le 29 novembre 1947. Dès l’annonce de la décision de l’ONU, le ychouv se prépara au départ des Anglais. En avril 1948, il fut décidé de créer un gouvernement provisoire et Ben Gourion fut élu à sa tête et chargé de diriger les questions de sécurité. Durant ces mois, il joua un rôle décisif au sein du Mapaï, en incitant ses membres à approuver la proclamation d’un Etat Juif. On va jusqu’à dire qu’il a changé le courant de l’histoire et que s’il n’était pas intervenu, la naissance de l’Etat Juif n’aurait pas été proclamée à cette époque.
Le 14 mai 1948, David Ben Gourion proclama la création de l’Etat d’Israël.
David Ben Gourion fut le 1er Premier ministre et le 1er ministre de la Défense du gouvernement provisoire de l’Etat d’Israël. C’est lui qui dirigea l’Etat durant la guerre d’Indépendance et il fit preuve d’un grand sens de la stratégie. Il fut mêlé de près à toutes les étapes de la guerre et élabora le concept de la sécurité de l’Etat et de son armée.
Tout en dirigeant la guerre, Ben Gourion insista sur la sauvegarde de la souveraineté totale de l’Etat d’Israël et s’employa à faire de Tsahal l’armée de l’ensemble du Peuple. Sur la base de ces principes, il s’opposa aux organisations clandestines (par exemple, lors de l’affaire de l’Altaléna) et ordonna de disloquer le Palmah. On lui reprocha souvent d’entreprendre certaines démarches afin de renforcer le pouvoir du Mapaï, de même que son propre statut.
Lors des premières élections pour la Knesset, le Mapaï l’emporta et Ben Gourion fut élu Premier ministre et ministre de la Défense. Il exerça ces fonctions jusqu’en 1953.
Sous son pouvoir, le jeune Etat fut confronté à d’importants défis: faire de Tsahal l’armée du Peuple, organiser l’intégration d’une masse d’immigrants, encourager les entreprises pionnières et parvenir à la signature de «l’accord des réparations allemandes» Sa volonté de nouer des relations avec l’Allemagne était motivée par des raisons pragmatiques : « Si j’avais la possibilité de faire revivre six millions de Juifs par une haine mortelle d’Israël envers l’Allemagne, je la haïrais à mort » A cette même époque, il soutint et encouragea l’entreprise pionnière dans les régions désertiques et en particulier dans le Néguev. Il avait usage de dire que « si nous n’avions pas raison du désert, le désert aurait raison de nous »
Le pouvoir coriace de Ben Gourion lui fit mériter une admiration sans précédent des citoyens de l’Etat d’Israël et des Juifs de diaspora. Le jeune état fut inspiré par un grand nombre de ses idées sociales et sécuritaires.
Du fait de ses idées concernant la foi et la religion, il imposa le respect d’un statu quo entre religieux et non religieux et veilla sur le caractère Juif de l’Etat d’Israël. Dans ses contacts avec les orthodoxes, c’est Ben Gourion qui décida de libérer les élèves de yéchivot du service militaire.
En décembre 1953, Ben Gourion annonça qu’il quittait la vie politique et qu’il se retirait à Sdé Boker, dans le Néguev. Il expliqua son retrait par la fatigue.
Deux ans plus tard, il accepta la fonction de ministre de la Défense dans le gouvernement de Moshé Sharett. Lors des élections qui se déroulèrent en 1955, le Mapaï l’emporta et Ben Gourion fut nommé Premier ministre une fois de plus, étant revenu à la tête du parti.
En 1956, il mena l’opération Kadech (en coordination avec la Grande Bretagne et la France) au cours de laquelle il conquit la moitié de la péninsule du Sinaï. Mais peu de temps après, il dut retirer les forces israéliennes de ce secteur, sous la pression des Etats-Unis et de l’Union soviétique.
En 1957, il fut blessé à la jambe, par une grenade lancée dans la salle de réunion de la Knesset (le 29 octobre)
Ben Gourion fit remporter une nouvelle victoire au Mapaï aux élections de 1959 sous le slogan « הגידו כן לזקן » ( »Dites oui au vieux ») de même qu’aux élections de 1961. En juin 1963, il présenta sa démission, mais resta politiquement actif.
En 1965, le Mapaï se divisa et Ben Gourion créa un nouveau parti (la liste des travailleurs d’Israël) Les faibles résultats qu’obtint ce nouveau parti, marquèrent le début de l’affaiblissement de son statut politique. Quand ce nouveau parti intégra le Parti travailliste, il s’en retira pour créer une autre formation politique qui n’obtint pas plus de 4 mandats.
En 1970, Ben Gourion quitta la Knesset et abandonna définitivement la vie politique. Il rejoignit le désert du Néguev et passa ses vieux jours dans le Kiboutz Sdé Boker où il s’éteignit le 1er décembre 1973, après la mort de son épouse. Dans son testament, Ben Gourion demanda que son bungalow de Sdé Boker et sa maison de Tel-Aviv soient conservés intacts, et ordonna que son enterrement se déroule sans oraisons funèbres et sans salves d’honneur.
Son cercueil fut exposé dans le bâtiment de la Knesset et des dizaines de milliers de citoyens vinrent lui rendre un dernier hommage. Il fut enterré à Sdé Boker auprès de la tombe de son épouse Paula. Au début de la cérémonie funéraire, des sirènes retentirent dans tout le pays et deux minutes de silence furent respectées à sa mémoire.
Ben Gourion définissait la condition du Juif comme une nationalité civile et laïque. Il fut un des instigateurs de la centrale nucléaire de Dimona.
Ben Gourion s’intéressait à l’histoire, la philosophie, la biologie et le Bouddhisme. Il appréciait l’étude de la Bible selon sa conception particulière, débarrassée de ce qui touche à la foi ou au respect des mitsvot. Il écrivit des milliers d’articles et de revues et de nombreux livres.
Il était connu pour son érudition et s’enflammait couramment dans des discussions avec ses adversaires politiques. Vers ses vieux jours, il se réconcilia avec quelques-uns uns d’entre eux. Il était doté d’une mémoire phénoménale et faisait régulièrement de la culture physique. Vers l’âge de 50 ans, il cessa subitement de fumer après avoir été un fumeur invétéré.
Il s’employa à transformer le désert aride qu’était la Palestine en une nation prospère et florissante, malgré l’hostilité constante des voisins arabes en renforçant la défense et en investissant l’énergie pionnière dans les domaines de l’agriculture, de l’irrigation des terres et de l’industrie.
David et Paula Ben Gourion eurent trois enfants: Guéoula, Amos et Rénana.
Liste de ses publications :
Le pays d’Israël (1917)
Regards sur le passé (Editions du rocher – 1967)
Israël, années de lutte (Flammarion – 1964)
Mémoires : Israël avant Israël (Grasset – 1974)
Destin d’Israël (Hachette – 1967)
David Ben Gourion parle (Stock – 1971)