17.05.10
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Il n'a pas de porte-parole. Son équipe et son budget sont réduits. Même son bureau semble trop petit pour un ministre. Peu importe, Dan Meridor, vice-Premier ministre, à la tête du portefeuille des Renseignements, n'en influence pas moins la politique du gouvernement.
“Sans deux Etats, il n’y en aura plus qu’un seul. Et si cet Etat unique doit être démocratique, c’est tout le projet sioniste qui est en danger. Nous ne pouvons pas créer une seconde Afrique du Sud. Personne ne le souhaite.” - Dan Meridor.
PHOTO: ARIEL JEROZOLIMSKI , JPOST
Comme beaucoup d'autres Likoudnikim avant lui (Ariel Sharon, Ehoud Olmert, Tzahi Hanegbi), Meridor a fait du chemin ces 40 dernières années. Cet ancien avocat du Grand Israël est devenu, aujourd'hui, l'un des plus fervents défenseurs de la solution à deux Etats. Il est actuellement l'un des sept membres du cabinet restreint, chargé de définir la politique étrangère et sécuritaire du pays. Meridor et le ministre de la Défense Ehoud Barak forment "l'aile gauche" de ce forum réduit. Le ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman, le ministre des Affaires stratégiques Moshé Yaalon, et le ministre sans portefeuille Benny Begin en composent "l'aile droite".
Quant au ministre de l'Intérieur Eli Yishaï et au Premier ministre Binyamin Netanyahou, ils se situeraient quelque part au milieu. De ce fait, si Meridor dit - comme il le fait lors de son interview avec le Jerusalem Post - que les nouvelles négociations indirectes israélo-palestiniennes, menées par l'intermédiaire des Américains, n'ont aucune chance d'aboutir, il est probable qu'aucun haut-responsable du gouvernement n'a foi en ces pourparlers.
Tout au long de l'entretien, Meridor fera régulièrement référence à son mentor, Menahem Begin. L'homme qui a eu le courage de "prendre des décisions difficiles", selon lui. Des décisions qui allaient même à l'encontre des attentes de son propre peuple. Et aujourd'hui, selon Meridor, les Israéliens et les Palestiniens ont besoin de leaders capables d'en faire de même. Rencontre avec un homme engagé.
Sur la solution à deux Etats :
Dan Meridor : Israël a très envie de faire avancer le processus de paix. Pas pour les Américains, ni pour les Palestiniens, mais pour nous. Certaines personnes ont l'illusion que nous sommes actuellement dans une situation viable. Mais ce n'est pas le cas. Même si, c'est vrai, la situation est relativement bonne, sans terrorisme. L'une des raisons de cela relève de notre capacité de dissuasion, surtout depuis l'opération Plomb durci à Gaza. Une autre raison provient de nos initiatives militaires et de nos capacités en termes de renseignements. Mais c'est aussi le fait d'une très bonne coopération avec les Palestiniens de Judée-Samarie. Le développement économique est très prometteur dans les Territoires.
Mais tout cela est temporaire. Notre politique consiste à soutenir la création d'un Etat palestinien, tout en veillant à nos propres intérêts, à savoir : que cet Etat soit d'abord démilitarisé. Si nous sommes arrivés à cette conclusion, ce n'est pas parce que quelqu'un nous y a forcés, mais par crainte de l'autre alternative : sans deux Etats, il n'y en aura plus qu'un seul. Et si cet Etat unique doit être démocratique, c'est tout le projet sioniste qui est en danger. Nous ne pouvons pas créer une seconde Afrique du Sud. Personne ne le souhaite. (...)
Je me souviens du mois de décembre 1977, lorsque Menahem Begin, partisan du Grand Israël, a offert l'autonomie aux Palestiniens. "Et quelle sera la nationalité de ces individus ?", lui avait-on demandé. "Bien sûr, tout Arabe qui voudra être israélien le deviendra. Nous ne sommes pas la Rhodésie, ni un Etat d'apartheid", avait-il répondu. Aujourd'hui, les chiffres révèlent que, si nous suivons ce chemin, nous nous retrouverons dans une situation très problématique. Je pense que nous devons œuvrer pour la création d'un Etat palestinien, non pas pour eux, mais pour nous. Je veux faire vivre le rêve sioniste d'un Etat juif, démocratique et où règne l'égalité de ses citoyens. Et, parce que je suis juif, je veux traiter les minorités avec égalité et humanité. La solution d'un seul Etat est dangereuse, à mon avis. Je ne pensais pourtant pas la même chose quand j'étais jeune. J'ai aidé des Juifs à s'installer à Hébron. J'ai passé mon Seder de Pessah, en 1968, avec Moshé Levinger [leader du Goush Emounim]. Mais je n'accepte pas l'idée d'un Etat sans égalité.
Sur la possibilité d'un accord de paix :
D.M. : Sur tous les sujets de statut final - Jérusalem, les réfugiés, les frontières, la sécurité... - j'espère qu'un accord sera conclu. Est-ce que je pense qu'un tel accord peut être obtenu rapidement ? J'en doute. Je ne dis pas non, je peux me tromper. Mais je ne vois pas de gestes côté palestinien. Ehoud Olmert avait fait une offre généreuse au chef de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas et ce dernier avait refusé. Il s'était déjà passé la même chose il y a dix ans, en juillet 2000, sous le gouvernement d'Ehoud Barak. Yasser Arafat avait dit non.
Sur l'efficacité des négociations indirectes :
D.M. : J'ai peur que ces négociations indirectes ne donnent qu'une impression plutôt négative. Les parties tiers - l'ONU, l'Amérique, l'Europe - ne peuvent pas décider à notre place si la Guiva Tsarfatit doit devenir palestinienne, ou si Maalé Adoumim doit appartenir à l'Autorité palestinienne. Un accord sous-entend une décision des deux camps. Et il existe deux types de décisions : les faciles et les difficiles.
Quelles sont les décisions faciles ? Cela peut vous sembler paradoxal, mais faire la guerre est facile. Un autre exemple est celui qui consiste à dire : "Je suis le plus fort et tout m'appartient." Les choix plus difficiles sont ceux qui sont faits contre les attentes du peuple. Begin, à Camp David, avait pris une décision très difficile. S'il avait demandé aux Israéliens, ou au Likoud, "faut-il rendre tout le Sinaï ?", je ne pense pas que la réponse aurait été positive. Oslo a été une grosse erreur, à mon avis. J'ai voté contre, ce qui a également été une décision difficile, pour ma part, car j'allais contre l'avis majoritaire de mon propre camp à l'époque.
Côté palestinien, je n'ai pas vu les leaders prendre des décisions difficiles. Dire qu'ils veulent un Etat est facile. Dire qu'ils renoncent au retour des réfugiés en Israël serait plus difficile. Je ne l'ai pas encore entendu.
Sur l'Iran :
D'abord, le TNP (Traité de non-prolifération nucléaire). L'acquisition iranienne de l'arme nucléaire pourrait bien signer la mort du TNP, car il est clair que si cela commence à Téhéran, d'autres pays vont suivre. Nous pensons en premier lieu à l'Egypte et l'Arabie Saoudite, mais il pourrait y en avoir d'autres.D.M. : Ce qui se passe aujourd'hui en Iran est clairement inquiétant. Pour le monde entier. Et pour l'Amérique en tête. Si Téhéran finit par obtenir l'arme nucléaire, en dépit des demandes américaines, la situation mondiale va changer. Au moins sur trois plans.
Deuxièmement, l'armement iranien pourrait sérieusement avoir une influence sur le marché mondial du pétrole. Les pays du Golfe pourraient suivre l'exemple de Téhéran, et renverser le fragile équilibre maintenu, jusqu'à présent, avec l'Occident. Enfin, il faut penser au monde musulman. Du Pakistan à l'Afghanistan, en passant par l'Afrique du Nord, vivent 1,3 milliard de Musulmans, dont la plupart très décemment et pour qui la stabilité est essentielle. Et, dans tous ces pays, se trouvent également quelques groupes minoritaires de fanatiques qui veulent transformer les régimes locaux et déstabiliser le monde.
Que ce soit les Talibans, Al-Qaïda, le Hamas, le Djihad ou encore le Hezbollah, ils considèrent tous l'Iran comme un leader de leur mouvement révolutionnaire. Ainsi, une victoire de la République islamique pourrait jeter une ombre sur le monde musulman.
L'Europe a durci le ton. Plus que les Américains. Et ce phénomène va seulement déterminer le rôle de l'Iran dans le monde mais aussi, à plus grande échelle, celui des Etats-Unis. Le recours à des sanctions économiques et politiques - et non militaires - est l'unique solution. Contrairement à la Corée du Nord, l'Iran a beaucoup de liens avec d'autres nations étrangères. Plus encore, il a besoin du monde et je pense que, de ce fait, la communauté internationale a une grande marge de manœuvre pour influencer les décisions iraniennes.
Bien sûr, personne n'a une véritable garantie. Mais, cela vaut la peine d'essayer. L'horloge tourne et, plus nous attendrons, plus les décisions seront difficiles à prendre.