Je remercie Nathalie pour cette chronique que nous retrouverons chaque semaine, qui à n'en pas douter nous apportera les éclairages nécessaires.
Tous mes remerciements
Aschkel
De bons conseils...Plus insidieux qu’une chaîne de Ponzi !
Par Nathalie Elgrably-Lévy
© 2011 www.aschkel.info
Article précédent - > C’est la faute à Ben !
De bons conseils
Depuis quelques semaines, les Québécois sont visés par deux campagnes de matraquage publicitaire : l’une au profit de la Régie des rentes du Québec (RRQ) et l’autre pour la bannière gouvernementale Épargne Placements Québec (EPQ). En soirée, à chaque pause publicitaire ou presque, la Régie nous invite à planifier notre retraite en consultant son site Web sur lequel on trouve à la fois trois clips insipides de 50 secondes chacun et un simulateur plutôt intéressant. Quant à EPQ, sa publicité suggère aux Québécois de confier leurs économies au gouvernement du Québec.
Au premier coup d’œil, ces publicités sont légitimes. Vivre selon ses moyens en pensant à l’avenir, prendre aujourd’hui les mesures adéquates pour s’assurer une retraite paisible, aspirer à l’indépendance financière et placer son argent prudemment sont de sages conseils.
En revanche, quand on réfléchit au fait que ces bons conseils nous sont donnés par le gouvernement du Québec, on ne peut qu’hésiter entre rire de l’absurdité de la chose ou s’offusquer de l’arrogance et du paternalisme déplacé de la classe politique.
La RRQ est effectivement bien mal placée pour nous sermonner sur la planification de la retraite. Depuis plusieurs décennies, elle administre un régime financé par répartition avec une capitalisation partielle. Concrètement, cela signifie que les cotisations perçues aujourd’hui servent à payer les rentes des retraités actuels. La RRQ n’est donc qu’une gigantesque chaîne de Ponzi qui, en dépit de sa légalité, n’en est pas moins immorale que celle du funeste Bernard Madoff. Et comme toute chaîne de Ponzi, celle de la Régie court à sa perte. On apprenait d’ailleurs en décembre dernier que sa réserve actuarielle serait épuisée en 2039. La Régie, qui pourrait être incapable de verser des prestations aux futurs retraités, veut nous donner des leçons de planification! Elle, qui opère un système insoutenable à long terme, fait la promotion de la responsabilité individuelle. Le gouvernement du Québec nous encourage à l’indépendance financière, lui qui a reçu 8,5 milliards de dollars au titre de la péréquation et qui entretient une culture de mendicité à l’égard d’Ottawa. Plutôt comique, non?
Quant à EPQ, ses publicités nous invitent à épargner « l’esprit tranquille » en achetant des titres financiers émis par le gouvernement du Québec. En pratique, chaque dollar que les Québécois confient à EPQ permet au ministre des Finances, Raymond Bachand, de financer son budget de fonctionnement. L’État se sert donc de nos économies pour payer ses dépenses. Or, peut-on vraiment avoir l’esprit tranquille quand on sait que l’on prête à un État qui a accumulé une dette qui représente plus de 225 milliards de dollars, faisant de lui le cinquième État le plus endetté au monde? Peut-on réellement être certains que notre argent est en sécurité quand on sait que Québec est coupable d’avoir fait pendant longtemps de la comptabilité créative pour camoufler son déficit? Surtout, quelle assurance avons-nous que nos économies si durement amassées seront sagement dépensées alors que notre ministre des Finances déclarait en janvier 2010 que « La finalité, ce n’est pas d’équilibrer le budget. La finalité, c’est d’être heureux comme peuple ».
Certes, tous les produits offerts par EPQ sont garantis par le gouvernement du Québec. Et pour cause! Quand un placement arrive à échéance, Québec s’acquitte de ses obligations en empruntant à Pierre les sommes qu’il doit rembourser à Paul. À l’instar de la RRQ, EPQ opère une chaîne de Ponzi à côté de laquelle Madoff fait figure de néophyte.
Les conseils prodigués par notre intelligentsia politique quant à l’épargne sont excellents. Serait-ce maintenant trop lui demander que de prêcher par l’exemple ?
Plus insidieux qu’une chaîne de Ponzi!
À la suite de mon texte du 24 février dernier dans lequel je comparais le Régime des rentes du Québec (RRQ) à une chaîne de Ponzi, son président-directeur général, André Trudeau, s’est fait un devoir de réagir dans une lettre ouverte publiée hier. Pour lui, pareille comparaison relève de la démagogie. Vérifions donc les faits.
Une chaîne de Ponzi est une escroquerie financière reposant sur le principe pyramidal. On verse des revenus aux plus anciens investisseurs grâce aux apports de capitaux des derniers arrivés. On paie Pierre avec l’argent de Paul, tout simplement. Cette manœuvre exige donc des entrées d’argent toujours supérieures aux sorties, sans quoi la pyramide s’effondre.
Maintenant, le RRQ. Le régime est financé par répartition avec capitalisation partielle. Concrètement, le régime dispose d’une réserve, mais les prestations payées au cours d’une année proviennent des cotisations versées par les travailleurs au cours de la même année. M. Trudeau écrit d’ailleurs que «le RRQ n’a pas nécessairement besoin d’accumuler une réserve puisque, par sa nature publique, il nous assure que les cotisations seront toujours payées». Le PDG de la Régie confirme donc la nature pyramidale du régime, mais tente de nous «rassurer» en invoquant le fait que l’État aura toujours le pouvoir de nous obliger à alimenter la machine. Si le RRQ n’est pas une chaîne de Ponzi, coercitive de surcroît, les ressemblances sont saisissantes!
M. Trudeau déclare également qu’il est faux et malhonnête de ma part d’affirmer que les coffres du RRQ pourraient être vides dans une trentaine d’années. Peut-être devrait-il donc consulter la dernière analyse actuarielle du Régime, document sur lequel figure d’ailleurs sa signature. On peut y lire que dès 2014, les sorties de fonds seront supérieures aux cotisations, que pour combler la différence «une partie des revenus de placements de la réserve doit être utilisée», que «le recours aux revenus de placement permet de combler l’écart entre les revenus et les sorties de fonds jusqu’en 2023», et qu’«À partir de 2024, les revenus de placements ajoutés aux cotisations deviennent insuffisants pour financer les sorties de fonds, de sorte que la réserve commence à diminuer. En 2039, la réserve devient nulle». Mais attention, n’affirmez surtout pas que les coffres seront vides!
Ce n’est pas tout. La plupart des cotisants au RRQ l’ignorent, mais l’argent qu’ils versent ne leur appartient plus. Supposons un couple où madame et monsieur sont tous deux âgés de plus de 65 ans. Si monsieur décède, et à moins d’indication contraire dans son testament, madame héritera de la totalité de son épargne privée comme, par exemple, ses REER. L’épargne que monsieur a péniblement accumulée reste donc dans la famille. Ce n’est pas le cas avec les cotisations au RRQ. Le Régime versera au conjoint survivant un maximum de 60% du montant de la rente acquise par le cotisant décédé. Madame pourrait même ne rien obtenir du tout du RRQ de son conjoint si elle-même a droit à une rente, ce qui revient à la pénaliser pour avoir contribué à son propre Régime. Les cotisations de la personne décédée sont donc toujours accaparées en partie ou en totalité par le RRQ. Si le cotisant décédé n’a ni conjoint ni enfant mineur, les cotisations d’une vie sont alors entièrement empochées par le Régime. Rien pour les héritiers sauf, au mieux, une misérable prestation de décès de 2500 $. Et la Régie a l’audace d’appeler cela de «l’équité intergénérationnelle»!
Tout bien considéré, parce qu’il bénéficie de l’appui de l’État, le RRQ est bien plus insidieux qu’une chaîne de Ponzi!