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14 juin 2010 1 14 /06 /juin /2010 17:05

 

 

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FRÈRES MUSULMANS
DE LA GUERRE FROIDE À LA GUERRE SAINTE DES FRÈRES MUSULMANS

Par Robert Dreyfuss

Adaptation  français par

Point de Bascule Canada le 1er juin 2010


Première partie

>>De la Guerre froide à la Guerre sainte des frêres musulmans 1/2

 

 

Une fois de plus, ce fut la Guerre froide qui sauva Ramadan et son mouvement. Cette fois, sa destination était l'Allemagne, un allié du fondamentalisme islamique durant la période nazi. Lorsque l'Égypte et la Syrie établirent des relations diplomatiques avec l'Allemagne de l'Est, l'Allemagne de l'Ouest voulut créer des liens avec les oppositions dans ces deux pays - notamment avec les Frères musulmans. Ramadan, condamné à mort en Égypte, obtint l'aide de l'Allemagne de l'Ouest pour se réfugier à Munich. Quelques années plus tard, il s'installa à Genève, centre des intrigues de la diplomatie internationale. C'est là qu'il fonda le Centre islamique de Genève, qui allait servir de base et de quartier général des Frères musulmans en Europe dans les années à venir.

Allié de Washington contre Nasser, Ramadan bénéficia ainsi d'une décision fatidique des États-Unis dans les années 50 et 60. Au lieu d'appuyer le nationalisme arabe de Nasser, les États-Unis commirent leur plus grosse erreur au Moyen-Orient depuis la Deuxième Guerre mondiale. Ils firent cause commune avec la monarchie réactionnaire de l'Arabie saoudite. Dès les années 50, Washington encouragea cette monarchie à établir un réseau d'États islamiques et d'organisations islamistes, contribuant ainsi à jeter les fondations sur lesquelles al-Qaida devait se dresser. Le Centre islamique de Ramadan profita largement de cette politique et il reçut de généreux subsides de l'Arabie saoudite.

Le centre devint aussitôt un lieu de rencontre et d'intrigues pour tous les islamistes du monde musulman. Il devint également une maison d'édition des brochures et livres des islamistes. L'objectif était de promouvoir l'idéologie des Frères musulmans, reconnaît Hani Ramadan, l'un des fils de Saïd Radaman, qui prit la direction du centre après la mort de son père. «La création du Centre islamique devait réaliser le rêve de mon père, c'est-à-dire créer un centre qui pourrait répandre les idées de Hassan al-Banna.» dit-il «un endroit où les étudiants des pays arabes pouvaient se rencontrer et être endoctrinés.» Selon Richard Labeviere, un journaliste français, qui a écrit sur les liens entre les Frères et le terrorisme, Saïd Ramadan s'est servi de Genève comme base pour l'expansion internationale des Frères. Le groupe a même créé une banque en Suisse, Al Taqwa, qui a même des bureaux aux Bahamas. Après les attentats du 11 septembre, 2001, Washington a inscrit Al Taqwa sur la liste des organisations qui ont financé le terrorisme.

Cette période de la vie de Ramadan incite à se poser une autre question. Travaillait-il pour la CIA lorsqu'il se rendit aux États-Unis en 1953? La famille Radaman le nie, mais des documents des Archives nationales de la Suisse mis au jour par Sylvain Besson, journaliste au quotidien Le Temps, révèlent que les autorités suisses estimaient dans les années 60 qu'il était «un agent de renseignements des Anglais et des Américains». En juillet 2005, le Wall Street Journal, après d'intenses recherches dans les archives de la Suisse et de l'Allemagne affirmait: « Des éléments historiques laissent croire que Saïd Ramadan travaillait pour la CIA.» Des documents provenant des archives du Service de renseignement de l'Allemagne de l'Ouest, découverts par le Wall Street Journal révèlent que Ramadan voyageait avec un passeport diplomatique de la Jordanie fourni par la CIA, que «ses dépenses étaient payées par les Américains» et que Ramadan travaillait étroitement avec un comité de la CIA, le Comité américain de Libération contre le Bolchevisme qui opérait Radio libre d'Europe et Radio Liberté ( deux organisations paravents de la CIA) dans les années 50 et 60. Toujours selon le Wall Street Journal, en mai 1961, un agent de la CIA rencontra Ramadan pour planifier « une campagne de propagande contre l'Union Soviétique».

Le Centre islamique de Genève n'était que le début des ambitions de Ramadan. En 1962, il aida à créer une organisation plus puissante, la Ligue du monde islamique, qui devait devenir le système nerveux central de l'internationalisme wahhabite. «Mon père n'a pas été seulement l'un des pères fondateurs de la ligue» dit Hani Ramadan, «c'est lui qui en eut l'idée pour la première fois».

Disposant des généreux capitaux de l'Arabie saoudite, la Ligue envoya des missionnaires, imprima de la propagande, finança la construction de mosquées et d'associations dominées par le wahhabisme, de l'Afrique du Nord à l'Asie centrale, et même hors du monde musulman. Selon Gilles Kepel, politologue, spécialiste français de l'islam radical, la Ligue servit de canal pour acheminer des capitaux saoudiens aux islamistes les plus radicaux, comme la Société islamique du Pakistan,les djihadistes afghans et les Frères musulmans. «La Ligue identifiait les bénéficiaires potentiels, les invitait en Arabie saoudite, et leur fournissait des recommandations qui devaient leur assurer les largesses de riches donateurs privés: un membre de la famille royale, un prince ou un homme d'affaires ordinaire.» Kepel écrivit dans son livre: Jihad. Expansion et déclin de l'islamisme: «La Ligue était dirigée par des membres de la classe religieuse de l'Arabie saoudite....et des oulémas du sous-continent indien reliés aux Écoles Deobandi ou au parti fondé par Mawdudi.» Le mouvement Deobandi, un mouvement ultra-orthodoxe fondé en Inde, a joué un rôle crucial dans la multiplication des madrasas (écoles coraniques) au Pakistan d'où sont sortis les talibans.

En 1970, les Frères et Ramadan se sentirent totalement vengés quand Nasser mourut et qu'Anwar Sadat, qui avait été membre des Frères dans sa jeunesse, devint président de l'Égypte! Un an après l'élection de Sadat, Ramadan retourna en Égypte à la tête d'une délégation des Frères musulmans organisée et financée par l'Arabie saoudite, afin de convaincre Sadat de rétablir l'organisation des Frères, illégale depuis 17 ans.

À cette époque, Sadat essayait de rompre les liens avec l'Union soviétique afin de placer son pays, le plus puissant pays du monde arabe, dans l'orbite des États-Unis et de l'Arabie saoudite. Mais Sadat n'avait pas de base politique réelle et il dut chasser de nombreux admirateurs des idées de Nasser de postes importants au sein du gouvernement. Il demanda aux Frères musulmans de l'aider à créer une nouvelle base d'appuis, et le mouvement saisit sa chance.

Durant les années 70, le mouvement islamiste égyptien s'étendit frénétiquement, prenant le contrôle d'institutions clés et engendrant de nombreuses organisations qui en retour, appuyèrentle djihad antisoviétique de la CIA en Afghanistan dans les années 80. Ces volontaires créèrent une nouvelle organisation, le djihad islamique, qui devait s'affilier à Al-Qaida. Et en 1981, les radicaux se retournèrent contre leur protecteur: un islamiste assassina Sadat durant un défilé télévisé de l'armée.


 

Même s'il exerçait une grande influence au Moyen-Orient dans les années 60 et 70, Ramadan était pratiquement inconnu en Occident.Les Américains entendirent parler de lui pour la première fois à cause d'un meurtre bizarre commis à Washington. Ce meurtre se révéla être le premier acte de terrorisme islamique auxÉtats-Unis. Le 22 juillet 1980, un jeune homme, vêtu comme un postier, sonna à la résidence d'Ali Akbar Tabatabai, un ex-conseiller de la presse à l'ambassade iranienne à Washington. Après la chute du shah d'Iran, en 1979, Tabatabai avait créé la Fondation pour la libération de l'Iran et était devenu l'un des principaux adversaires du régime de l'ayatollah Khomeini. Le jeune homme qui sonna à porte, tira plusieurs coups de feu sur Tabatabai qui mourut.

révolution de Khomeini, avait également rencontré le fugitif à Genève, et avait organisé son évasion avec la complicité de l'ambassade iranienne en Suisse. Il avait même téléphoné au fils de Khomeini pour s'assurer que Belfield y serait bien accueilli en Iran. On découvrit plus tard que Belfield avait parlé à Ramadan avant d'accepter un emploi de gardien de sécurité à l'ambassade d'Iran à Washington. Selon The New Yorker, Belfield reçut cinq mille dollars du gouvernement iranien pour ce meurtre.

Belfield et Ramadan se rencontrèrent pour la première fois en juin 1975 aux États-Unis où Ramadan était en tournée. La première rencontre eut lieu dans une chambre d'hôtel. Par la suite, Ramadan passa trois mois à la modeste résidence de Belfield, à Washington. Ramadan passait son temps à lui raconter des histoires de djihad et le jeune Américain en vint presque à vouer un culte à l'Égyptien. Selon un compte rendu de cette relation publié par le Washington Post, Belfield devint «le secrétaire personnel de Ramadan, son émissaire et son serviteur dévoué. Radaman devint son chef spirituel pour la vie.» Ramadan dit à Belfield que s'il devait recourir à la violence pour soutenir la révolution islamique, «il n'en serait pas marqué émotionnellement - qu'une fois accompli, l'acte violent serait oublié.» Belfield devait raconter au The New Yorker: «Que le ton de Ramadan était tranchant. Et pour moi, c'était comme un ordre auquel il fallait obéir».

De l'Iran, Belfield devint une sorte d'émissaire de Ramadan. Il entra même en contact avec Muammar Qaddafi, le leader de la Libye au nom de Ramadan; plus tard il livra une lettre de Ramadan au président afghan Burhanuddin Rabbani. Pendant deux ans, Belfield servit en Afghanistan parmi les djihadistes combattant contre l'occupation soviétique.

Durant les années 80 et 90, les régimes de Khomeini en Iran et la dictature islamiste de Zia ul-Haq au Pakistan étant solidement établis, le djihad afghan toujours en cours et les Frères musulmans devenus une puissante opposition clandestine en Égypte, en Syrie, en Palestine et ailleurs, on pouvait constater que le travail préliminaire de Saïd Ramadan avait porté fruit dans tout le Moyen-Orient. Mais, l'influence de Ramadan qui prenait de l'âge devenait moins importante, et en 1995, il mourut à l'âge de 69 ans. Son fils Hani prit la relève de la direction du Centre islamique de Genève alors que son autre fils, Tariq, professeur en Suisse, évita le radicalisme de son père en public. En 2004, l'Université Notre-Dame l'invita même à venir y enseigner, mais il fut interdit d'entrée parce que ministère de la Sécurité intérieure refusa de lui accorder un visa.

Aujourd'hui, l'héritage de Saïd Ramadan est visible partout. Les Frères demeurent une société internationale secrète et puissante, qui travaille à établir des Républiques islamiques gouvernées selon leur vision de l'islam du 7e siècle. Ils ont profité de l'appui de l'Iran et des potentats arabes du pétrole pour créer une infrastructure politique puissante qui s'étend de l'Égypte à la Syrie (où leurs activités clandestines violentesmenacent le régime nationaliste et séculier de Bashar al-Assad) et qui est l'une des causes du chaos qui sévit en Iraq, où l'opposition sunnite est orientée vers le fondamentaliste à cause, entre autres, du Parti islamique iraquien, une branche des Frères musulmans.

Malgré un bilan aussi défavorable, les Frères comptent encore des défenseurs chez les analystes américains. Par exemple, les professeurs John O. Voll et John L. Esposito de l'Université Georgetown, deux spécialistes de l'islam, en parlent comme d'une organisation islamique modérée qui rejette la violence et l'extrémisme. Ces deux ‘experts' ne manquent pas de souligner que certains officiels Américains considèrent que les Frères «comme d'importants alliés potentiels dans la guerre contre le terrorisme». De même, Reuel Marc Gerecht, un ex-agent de la CIA, maintenant membre de l'American Enterprise Institute, un organisme néoconservateur, soutient dans son livre, The Islamic Paradox, (2004), que même si les Frères prenaient le pouvoir en Égypte et supprimaient la démocratie, «les États-Unis s'en tireraient mieux avec les Frères qu'avec l'actuelle dictature séculière.» De la théocratie alliée des États-Unis en train d'émerger à Bagdad aux islamistes ultraconservateurs du Pakistan, la fascination mortelle des États-Unis pour le fondamentalisme continue. 

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