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Désormais, seule une action militaire peut stopper l'Iran nucléaire et ses effets désastreux
par le professeur Efraim Inbar, directeur du Centre Begin Sadate, Perspectives Paper No. 124
Date de publication: le 2 décembre 2010
Titre original : Halt Nuclear Iran
Traduction :
Résumé : L'Iran nucléaire compromettrait la stabilité régionale du Moyen-Orient et aurait des implications de grande portée sur les affaires internationales. La localisation géographique de l'Iran le place en bonne position pour dominer le secteur stratégique de l'énergie et impulser une alliance anti-occidentale avec des pays producteurs de pétrole comme le Venezuela et la Russie. L'Iran cherche également à créer un corridor chiite radical à travers l'Irak, la Syrie et le Liban, et pourrait transférer des engins nucléaires à des groupes terroristes. Dans cette phase tardive, seule une action militaire peut arrêter la course de l'Iran vers la nucléarisation et prévenir ses conséquences désastreuses.
L'Iran continue à narguer la communauté internationale qui saouhaite le gel de son programme nucléaire. Téhéran pourra probablement surmonter les difficultés récentes de son programme d'enrichissement de l'uranium. Malheureusement, la diplomatie a suivi son cours, avec des sanctions économiques généralement dérisoires. Seule l'action militaire peut arrêter la course de l'Iran visant à se doter d'armes nucléaires.
L'inaction est dangereuse, car les ambitions nucléaires de l'Iran constituent une menace sérieuse pour le Moyen-Orient et elles ont des répercussions bien delà de la région. C'est pourquoi le premier ministre Benjamin Netanyahu a poussé le vice-président américain Joseph Biden à donner plus de poids à l'option militaire.
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Le programme nucléaire de l'Iran, surtout qu'il est couplé à des système balistiques à longue portée, menace la stabilité régionale du Moyen-Orient. Les alliés de l'Amérique comme Israël, la Turquie, l'Arabie Saoudite et les états arabes du Golfe, sont à la portée de ses engins, de même que plusieurs bases importantes des Etats-Unis. Les progrès à venir des missiles iraniens mettront en premier la plupart des capitales européennes –- et, par la suite, le continent nord-américain –- à portée d'une attaque nucléaire iranienne potentielle.
Un Iran nucléaire renforcerait son hégémonie dans le secteur stratégique de l'énergie du seul fait de sa position le long du Golfe Arabique riche en pétrole, et du bassin de la Mer Caspienne. Ces régions limitrophes forment une "ellipse de l'énergie," contenant plus de 70 pour cent des réserves prouvée de pétrole dans le monde et plus de 40 pour cent des réserves de gaz naturel.
En accroissant la capacité de l'Iran révolutionnaire d'intimider les gouvernements contrôlant une part de ces énormes réserves d'énergie, sa position dans la région et dans les affaires du monde se renforcerait. D'ailleurs, Téhéran semble en train d'arrêter une stratégie misant sur ses relations avec d'autres états producteurs de pétrole comme le Venezuela et la Russie, des pays anti-occidentaux, pour accroitre leur pouvoir commun sur le marché de l'énergie et affaiblir celui des acheteurs occidentaux.
Pour l'Occident, l'Iran nucléaire aurait également pour conséquence la perte d'états d'Asie centrale. Après l'effondrement de l'Union soviétique, ces nouveaux états ont adopté une orientation pro-occidentale en politique étrangère. Suite à l'émergence de l'Iran nucléaire, ils graviteront autour l'Iran ou essayeront de mettre leur sécurité sous le parapluie nucléaire de la Russie ou de la Chine, pays beaucoup plus proches de la région, et ils mettront fin à leur alignement sur l'Occident.
En outre, un arsenal nucléaire iranien compromettrait l'équilibre nucléaire précaire du sous-continent indien. Le Pakistan, pays voisin de l'Iran, devra ajuster son dispositif nucléaire. Cet ajustement se traduira inévitablement par une modification du dispositif nucléaire indien, aboutissant probablement à un nouvel équilibre nucléaire bien plus fragile.
Une fois nucléarisé, Téhéran, soutiendra plus activement les éléments radicaux chiites en Irak et agitera les communautés chiites dans les état du Golfe Arabique. Par ailleurs, Téhéran prête un appui décisif aux organisations terroristes comme le Hezbollah, le Hamas et le Jihad islamique. Les entités terroristes se sentiront plus en sécurité et plus confiantes avec le support d'un Iran devenu nucléaire. Les Gardes de la révolution pourraient être assez téméraires pour transférer plusieurs bombes nucléaires à des organisations terroristes agissant par procuration. De telles organisations n'auraient pas le moindre scrupule moral à faire exploser un engin nucléaire dans un port européen ou américain.
L'Iran est l'allié de la Syrie, un autre état radical prédisposé à l'antiaméricanisme, cherche à créer un couloir radical chiite allant de l'Iran à la Méditerranée en passant par l'Irak, la Syrie et le Sud-Liban. Un tel couloir faciliterait la capacité iranienne de projeter sa puissance dans les Balkans, où trois états musulmans sont présents, la Bosnie, l'Albanie et le Kosovo. L'Iran nucléaire pourrait également encourager le radicalisation des musulmans d'Europe. Malheureusement, l'Europe n'a pas réussi la pleine intégration de ces minorités dans le tissu de ses sociétés.
L'Iran nucléaire peut se sentir assez fort pour déstabiliser la Turquie. Téhéran a essayé dans les années 90 de se mêler des affaires turques et de renforcer les extrémistes islamistes. Aujourd'hui, l'Iran révolutionnaire peut profiter de la crise d'identité de la Turquie pour la pousser sur le chemin de l'islamisme. Le gouvernement, mené par le Parti de la Justice et du Développement très engagé dans l'islamisme, évolue en direction de l'Iran.
L'Iran a déjà essayé au cours de l'été 2009, de saper le régime pro-occidental de Hosni Moubarak en Egypte. Les services de sécurité égyptiens ont capturé des agents du Hezbollah entrainés par l'Iran qui ont été envoyés en Egypte en passant par Gaza, dominée par le Hamas, pour opérer des sabotages et nouer des liens avec l'opposition islamiste égyptienne.
Par une réaction en chaine, l'Iran doté d'armes nucléaires conduirait à la prolifération nucléaire dans la région. Les dirigeants moyen-orientaux ne seront vraisemblablement pas convaincus par l'offre américaine d'un parapluie contre le chantage nucléaire iranien ou contre une attaque nucléaire réelle. Par conséquent, des états comme la Turquie, l'Egypte et l'Arabie Saoudite adopteront probablement des programmes nucléaires semblables, sapant de fait les bases du Traité de non-prolifération nucléaire.
Un Moyen-Orient multipolaire et nucléaire représente un cauchemar stratégique. L'exigüité géographique de la région, le défaut de systèmes d'alarme précoce, le stade rudimentaire des arsenaux nucléaires, les stratégies régionales qui autorisent les politiques de la corde raide et l'utilisation de la force, ainsi que la faible sensibilité aux coûts d'un échec, créeront un cauchemar stratégique. Une stratégie visant à contenir l'Iran en escomptant de dissuader les ayatollahs serait extrêmement problématique.
Les discussions sur les scénarios post-nucléaires de l'Iran sous-estiment les répercussions stratégiques d'un arsenal nucléaire iranien. Dans cette phase tardive, seule une action militaire peut empêcher la transformation régressive du grand Moyen-Orient en une région très brutale.
Efraim Inbar est professeur d'études politiques à l'université de Bar-Ilan et directeur du Centre d'études stratégiques Begin-Sadate. Une première version de cet article est parue dans Defense News, le 15 novembre 2010, p. 37
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