Raphaël Drai, initiateur de ‘’Raison garder’’ qui annonce qu’il va aussi se rendre au parlement européen
Hamodia : Quel est le danger d’une pétition comme celle de J-Call ?
Georges-Élia Sarfati : Le danger est réel, puisque « J-Call » participe d’une dynamique générale d’illégitimité et de mise en minorité systématiques d’Israël. Par le biais d’un discours en " langue de bois ", ses signataires s’adressent à une opinion publique déjà intoxiquée par un demi-siècle d’antisionisme et de désinformation. Leur discours suggère qu’il y aurait d’un côté les " vrais représentants " du peuple juif, installés en diaspora, et de l’autre une entité illégitime et incapable de porter un jugement historique.
Déjà immergé dans ce bain culturel qui le prédispose à recevoir un tel discours, le tout venant pourrait ainsi se persuader aisément qu’en signant cette sorte de pétition, il fera en effet preuve de « raison », selon les normes de rationalité supposées de ce nouveau lobby qui a été en fait constitué pour contourner l’État d’Israël et sa majorité juive souveraine.
Hamodia :Mais alors de quoi ces « intellectuels » juifs sont-ils " représentatifs " ? De l’intelligentsia ou du peuple juif ?
Georges-Élia Sarfati : Les deux ne s’excluent pas ! Pour moi ils sont les représentants d’une Europe défunte, les ombres de ces " Lumières " depuis longtemps éteintes, et des branches mortes du judaïsme. Ils se comportent comme les porte-parole d’un gouvernement en exil, ce qui est à la fois hors de propos, pathétique et moralement inacceptable !
Hors de propos : car l’État d’Israël n’est pas une province d’empire, ni une colonie et encore moins une République bananière ; nul ne saurait donc décider de son sort à son insu dans la retraite des bibliothèques ou à l’abri des salons feutrés du Parlement européen, une instance désormais aménagée en théâtre de leur propre confusion.
Pathétique : parce que ces « philosophes » signataires, qui ne sont pourtant pas du tout citoyens de l’État d’Israël, prétendent dire " la vérité " de son devoir être. Ce qui n’est ni rationnel, ni raisonnable ! Or cette non appartenance les discrédite doublement : en tant que « Juifs » vis-à-vis d’Israël, et en tant que « philosophes » parce qu’en l’occurrence, ils véhiculent une non philosophie ! En effet, il ne s’agit ici que de flatter l’opinion, ce qui constitue une subversion totale de la philosophie. On sait que la véritable philosophie doit étonner, que l’opinion endort et que ses « évidences » justifient le pire…
Moralement inacceptable : car la « faute morale » n’est pas ici du côté de l’État et du peuple d’Israël naturellement opposés à l’idée même du partage de Jérusalem, mais du côté de certains de ses « représentants » à l’étranger dont l’exhibitionnisme relève au mieux de l’ambivalence du transfuge, au pire de la haute trahison…
Hamodia : Quel est l’objectif de votre contre-appel ?
Georges-Élia Sarfati : Nous voulons mettre en garde contre le programme de J-Call et infuser un peu d’esprit critique dans l’irréflexion du temps, notamment en en dissipant les illusions.
Il faut aussi sensibiliser les Israéliens sur ce qui se trame contre eux et sans eux, comme s’ils n’étaient pas sujets de leur propre histoire. La « restitution » des « territoires » a déjà eu lieu, par étapes - au rythme de la stratégie du même nom - avec un résultat rigoureusement contraire à l’effet escompté : un dangereux regain de la violence antijuive et anti-israélienne, ainsi que l’affaiblissement symbolique d’Israël dans le monde.
Ces alter Juifs feignent d’ignorer que les ennemis d’Israël ne veulent pas du tout de la souveraineté juive en terre d’Israël, quel que soit son format. Si les Israéliens devaient sous la pression « rendre » un jour Jérusalem, alors les Européens devront s’apprêter à remettre un jour les clefs de centaines de leurs capitales au Califat dont les Frères Musulmans expriment violemment et clairement la forte nostalgie… Est-ce là la meilleure façon d’ « avoir la paix » ?
Hamodia : Mais n’est-il pas désolant de voir ainsi des Juifs se déchirer sur la place publique, alors que l’objectif affiché par les ennemis d’Israël est justement l’éclatement et la disparition de l’État hébreu ?
Georges-Élia Sarfati : Je trouve plutôt kitsch qu’en 5770, des Français de confession mosaïque ou des Israéliens à la judaïté déniée s’expriment au nom des Juifs nationaux et des Juifs de la Torah enracinés en Eretz Israël ! Les voisins d’Israël ne sont en effet pas prêts d’offrir un tel spectacle à leurs appuis dans le « monde libre », tant que les autocrates qui les dirigent considéreront - avec « J-Call » - que l’intégrité d’Israël, et en fait son existence même, sont le " principal obstacle à la paix " ou à leur propre développement…
Même déliée jusqu’à l’outrance, cette liberté de parole est plutôt le signe de la bonne santé du peuple juif, toujours avide de controverses, même à l’heure de la pensée unique…
Hamodia : Alors comment résister à un tel " rouleau compresseur " médiatique trouvant des appuis partout en Europe ?
Georges-Élia Sarfati : En tenant ferme sur nos convictions, sans se laisser fléchir par ce que pense le reste du monde ! Nous ne devons rien aux nations qui ont laissé faire la Shoah, ni à celles qui s’opposent à la renaissance d’Israël. La dette, y compris spirituelle, n’est pas de notre côté que nous dussions ainsi renoncer en quoi que ce soit à nous-mêmes
La raison israélienne
06/05/2010
Freddy Eytan | Général
Voltaire avait raison de dire que le "philosophe est l'amateur de la sagesse et de la vérité". Toutefois, il ne demeure qu'un amateur rationnel de la nature et de la théorie de l'action humaine. Dans un monde où les civilisations se déchirent, dans une région où le fanatisme religieux l'emporte et la loi de la jungle est déchainée, il n'y pas de place à la sagesse et à l'esprit cartésien. L'appel à "la raison" orchestré par des philosophes et intellectuels européens à Bruxelles n'est en fait qu'une bombe médiatique qui a éclaté dans un épais écran de fumée. Cet appel cache une manipulation idéologique flagrante et tente de monopoliser le débat sur la solution d'un conflit douloureux qu'Israéliens et Palestiniens endurent voilà déjà plus de six décennies. La méthode employée par ces intellectuels rappelle celle des bolchéviques, c'est-à-dire celle de la pensée unique. Une certaine gauche juive est en détresse. Elle est désemparée parce qu'elle rate à chaque fois les rendez-vous de l'Histoire. En déconfiture, en perdition et complexée, elle se recherche, tente de serrer les rangs mais elle est dépassée à chaque fois par les événements en cours, et par maladresse et précipitation, elle perd le contrôle dans le temps et dans l'espace.
Nous saluons toute initiative pour la paix à condition qu'elle soit transparente et sincère. Ce n'est pas le cas du J'call. Etre né Juif est un grand privilège, mais pour autant, cela ne permet pas de critiquer Israël devant chaque tribune à l'étranger, ou donner des leçons de morale à un gouvernement de droite sans observer toute la réalité sur le terrain et comprendre tous les enjeux. La réunion de Bruxelles a été organisée par des mouvements et organisations connus pour leur opinion et leur agenda. Ils sont financés par des institutions européennes dans un seul but d'exercer des pressions sur l'Etat juif. Les intellectuels juifs européens n'ont pas participé à la construction de notre Etat ni à nos guerres, ni à nos combats quotidiens pour survivre. Dans leur majorité, ils brillent par leur absence dans les réunions et les colloques sionistes. Ils s'abstiennent de signer des pétitions ou des appels musclés contre le Hamas, le Hezbollah ou les ayatollahs iraniens. Par contre, ils sont toujours présents et s'arrachent le micro pour accuser le gouvernement israélien d'immobilisme et de saboter la paix.
Le débat est donc tronqué volontairement et la démarche, malgré les bonnes intentions de certains, joue en réalité en boomerang contre nous, mais aussi contre eux. C'est bien de pouvoir se bercer d'illusion et de romantisme à distance, de voir un monde beau et gentil, mais cette naïveté est à double tranchant, aveuglante, et sans doute néfaste. Il est facile de rédiger dans les salons, dans les terrasses des cafés et les palaces, une pétition pleine d'enthousiasme, de prononcer un discours fleuve, enflammer le public et les médias, et philosopher sur les différentes solutions pour aboutir à la paix. Cela n'engage en rien, aucun signataire ne prendra sa responsabilité en cas d'échec, le risque est donc nul. Gouverner Israël dans un environnement hostile exige responsabilité, détermination, et audace pour pouvoir relever les défis, affronter les risques et faire face aux menaces. Dans ce contexte, nous ne devons compter que sur nous-mêmes car seuls les Israéliens, ceux qui vivent ici, iront se battre pour pouvoir survivre dans leur propre et seul pays. Nous étions résolus dans la guerre, mais nous sommes toujours courageux et clairvoyants dans la recherche de la paix. Ici, nous refusons le TGV idéologique, nous préférons réfléchir et agir à chaque station. La précipitation, la paix à tout prix acheminent vers la capitulation, le chaos et les catastrophes. Nos problèmes sont d'ordre existentiel et non philosophiques. Nous n'avons pas le droit à l'erreur. Certes, nous poursuivrons sans relâche le combat pour la paix, nous contribuerons, s'il le faut, à l'effort de la guerre, mais nous sommes aussi capables d'exiger de notre gouvernement une autre politique, des concessions douloureuses, dans notre propre intérêt, et non pas pour les beaux yeux des autres; et pour satisfaire et faire plaisir aux chancelleries européennes.