
Le solo diplomatique israélien, sur fond d'orchestre du trio levantin et de confusion à l’ONU comme à Dubaï.
Par Marc Brzustowski
Pour : lessakele et aschkel.info
De Washington à Pékin, en passant par Moscou et Bruxelles, Israël entreprend un véritable marathon diplomatique. Jérusalem sonde les quatre points cardinaux, capables de donner un cadre cohérent au régime des sanctions contre l’Iran.
Personne ne pourra lui reprocher de n’avoir pas tout fait, lorsqu’il s’agirait d’envisager une réaction militaire, pour stopper le ronronnement imperturbable des centrifugeuses iraniennes.
De son côté, l’Administration américaine joue la montre. Elle s’affiche quasi-certaine de parvenir à un Happy-End hollywoodien dont le scénario a été écrit, il y a déjà quelques mois : celui de contraindre, finalement, Téhéran à s’asseoir à la table des négociations, face à un front uni au Conseil de Sécurité.
Selon le rêve américain, plus aucune grande puissance ne devrait, à terme, protéger le projet nucléaire islamique par son droit de véto.
Hilary Clinton mentionne des progrès notables dans les discussions avec la Chine. Elle promet qu’une décision unifiée interviendra dans les 30 à 60 jours.
Robert Gibbs, porte-parole de la Maison Blanche, assène « que le temps et la patience s’épuisent », sans qu’on sache de combien de mégatonnes Obama en dispose encore en réserve.
Crowley, le porte-parole du Département d’Etat, ajoute que les Etats-Unis n’envisagent pas de sanctions radicales, seulement de frapper économiquement le régime et ses gardiens de la révolution, sans affecter la population.
Tout ceci nous éloigne des perspectives de Benjamin Netanyahou, lorsqu’il réclame des « sanctions paralysantes et immédiates ». A la suite de ces démarches, peut-être qu'au pied du mur, l’Administration indolente accèderait-elle alors au principe de réalité?
Malgré les désaccords flagrants qui persistent, il s’agit de ne pas rompre la chaîne de l’alliance stratégique avec le Pentagone. Celle-ci trouve un nouveau souffle appréciable :
l’Amiral Mullen a rendu visite aux responsables de la Défense israélienne, tandis qu’Ehud Barak retournait la pareille, durant la semaine, en rencontrant Robert Gates. Ces retrouvailles sont salutaires. Elles devraient se solder par des accords de coordination stratégique dont les deux Etats-Majors sont demandeurs.
Cependant, il convient de rester prudent. Tout nouveau contrat militaire semble avoir une double-fonction :
- démontrer la bienveillance des Etats-Unis envers Israël ;
- Mais, il s’accompagne aussi d’une demande implicite de retarder encore toute décision d’en finir avec les menaces venues d’Iran.
Barak revient aussi des Etats-Unis avec le consentement symbolique de Ban Ki-Moon quant au principe des sanctions, assorti d’une nouvelle résolution Goldstone, pour les 5 mois à venir. Par leur tempo, ces enquêtes qu'on demande à Israël de mener contre lui-même, ont aussi un rôle d'avertissement : exiger de l'Etat hébreu qu'il réfrène toute menée interventionniste, serait-ce même au nom de sa légitime défense.
Le duo Moshé Ya’alon et Stanley Fisher, le stratège et l'économiste, de leur côté, se sont embarqués pour une mission impossible : vaincre l’imperturbable « muraille de Chine » qui manifeste son indifférence face aux avancées du programme des Mollahs. La Chine ne peut, en effet, se permettre de s’aligner sur les demandes de Washington et de Jérusalem, au risque de décevoir ses clients, comme l’Iran, le Soudan ou la Corée du Nord. La posture n'est pas uniquement motivée par les besoins énergétiques de Pékin, mais par son rôle de parrain géostratégique.
La Russie, quant à elle, s’est déjà opposée à prendre des mesures qui isoleraient l’Iran.
A cette heure, le seul retour positif apparent de ces démarches concerne l’Europe : Der Spiegel a révélé un plan d’action qui viserait de manière globale l’économie iranienne et les secteurs de l’énergie et de la finance.
Face aux enjeux de cette suractivité diplomatique, les tentatives dilatoires d’occuper la scène médiatique autour de la désormais fameuse « affaire du Dubaï », ont pour fonction essentielle de faire diversion.
Les dessous économiques d’un tel acharnement, de la part d’un dominion du Golfe rongé par la Crise, sont simples à comprendre : selon un article de Matthias Küntzel, dans le Wall Street Journal, des centaines d’entrepreneurs européens, dont de nombreux Allemands, continuent à commercer avec l’Iran.
Le portail de ce marché indétectable se situe précisément à Dubaï et dans les Emirats, foyer mondial du trafic de marchandises vers l’Iran. Plus de 8000 entreprises et 1.200 sociétés d’import-export iraniennes sont enregistrées aux Emirats. 80% des importations émiraties sont réexpédiées, dont, au moins, un quart vers l’Iran par Dubaï.
Entre 2005 et 2009, la valeur des marchandises exportées de Dubaï vers Téhéran ont triplé, atteignant 12 milliards de $. L’empressement à initier un dilemme diplomatique de premier plan entre Israël et l’Europe, s’explique donc par la relation de clientélisme qui s’est instaurée, grâce au détournement des sanctions. Dubaï est, avant tout, une "société-écran" atteinte de folie des grandeurs, mais bien établie dans les places financières européennes.
Téhéran s'est créé, ces temps-ci, deux autres bonnes occasions de jubiler, au nez et à la barbe des Occidentaux :
- D'abord, la capture du chef historique du Jundallah baloutche, Abdul Malek Rigi. Celui-ci a été surpris par un commando masqué iranien, à bord d’un avion kirghize, au départ du même aéroport de Dubaï, détourné vers l’Iran par un avion de chasse islamique. Il est probable que ce soit le Pakistan qui ait mis les Pasdaran sur la piste de Rigi, leur ennemi public n°1. On se souvient que le 18 octobre 2009, ce groupe baloutche avait éliminé une cinquantaine de membres de la milice pasdaran, dont le chef des forces terrestres de la Brigades al Quds, le Général Nur Ali Shoustari. Depuis 2006, cette guérilla des montagnes de l'Est iranien a sérieusement écorné le prestige des Gardiens de la Révolution.
- Sur le front du Levant, les Iraniens sont venus à Damas, renforcer les liens stratégiques avec leurs partenaires hezbollahnis et syriens. La rencontre damascène entre Ahmadinedjad, Assad et Nasrallah a été l’occasion de railler la politique américaine de Mme Clinton, cherchant à diviser cette alliance, en attirant le Régime Assad par des concessions. Dans le même souffle, la Syrie refuse d'ouvrir son site d'al Khibar aux inspecteurs de l'AIEA et ne cessera pas d'être la pierre angulaire du terrorisme régional. Ce ballon d'essai suffit à comprendre comment réagira Téhéran, sur les mêmes sujets, dans toute "négociation" aléatoire.
Les cerveaux du terrorisme affiliés à la République islamique en ont profité pour rappeler leur souhait d’un Moyen-Orient sans Sionistes. Ce projet n'a suscité aucun malaise particulier dans les chancelleries d’Europe et d’Amérique, contrairement au "scandale" dubaïote.
Le bras d'honneur de Damas a t-il été suffisamment explicite? Washington comme Paris vont-ils progressivement réduire cette politique d’ouverture tous azimuts qui se solde par de nouveaux gestes de défi ?
Certainement pas ! Cette même semaine, l’Administration Obama a nommé Robert Ford, nouvel ambassadeur des Etats-Unis à Damas, après 5 ans d’absence dans la capitale syrienne. Le Premier Ministre français François Fillon s'est déplacé pour signer divers contrats avec la Syrie, dont la livraison de 14 Airbus. Il s'est même déclaré volontaire pour ranimer cette "paix sans Sionistes", à la sauce alaouite, entre la Syrie et Israël. Les garanties d'impunité, au Liban, comme dans les domaines nucléaire ou des droits de l'homme, s'enchaînent, apparemment sans limite.
Comment croire que la Russie ou la Chine prendront au sérieux les appels aux sanctions, lorsque ceux-là même qui les mettent en musique s’évertuent à prolonger les conditions du "business as usual"? Dubaï, se drapant dans la toge du procureur international contre Jérusalem, cherche surtout, par là, à préserver ses trafics illicites florissants et à renflouer ses avoirs, grâce au détournement des mesures symboliques qui seront prises par les gouvernements occidentaux...
En plein Pourim, la diplomatie internationale prend des allures de mascarade, où s'en prendre à Israël apparaît bien plus commode que de traiter du destin d'Haman- Ahmadinedjad et de mettre un frein à ses désirs réitérés d'extermination.
©Aschkel&Gad
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