ELECTION PRESIDENTIELLE EN AUTRICHE :
LE SPECTRE DE LA RENAISSANCE DU FPÖ ?
Sacha pour Aschkel et Lessakele
La candidate du FPÖ (parti de la liberté d'Autriche), Barbara Rosenkranz, cède devant le candidat socialiste Heinz Fischer, lors des élections présidentielles autrichiennes, mais recueille cependant près de 16% des suffrages. Le FPÖ est-il de retour sur le devant de la scène politique autrichienne ?
Barbara Rosenkranz
Un contexte politique favorisant l'émergence d'un „troisième camp“
Le système politique autrichien d'après guerre est marqué par un bipartisme entre d'un côté les sociaux-démocrates et de l'autre les chrétiens-démocrates conservateurs. Toutefois, un coup d'oeil sur les alliances politiques destinées à assurer une majorité aux gouvernements en place montre que, si entre 1949 et 1966 puis entre 1986 et 1999, le pays connaîtra des gouvernements d'union nationale, dès 1970, le FPÖ s'allie avec les sociaux-démocrates, avant de participer au gouvernement conservateur à partir de 1999 à la suite de la percée de Jörg Haider.
Alors que le parti ne dépasse pas les 10% depuis 1953, les années 1990 vont voir le parti devenir un acteur à part entière du débat politique autrichien sous l'égide de l'ancien dirigeant Haider.
Après la Seconde Guerre Mondiale, qui voit l'Autriche à nouveau séparée de l'Allemagne, l'Union des Indépendants (VdU) regroupe les représentants de tendances hétéroclites parmi lesquels des anciens nazis interdits de vote aux premières élections nationales autrichiennes de 1945, des pangermanistes, des régionalistes, en somme ceux qui ne se reconnaissaient pas dans la nouvelle République.
Refondé en 1956 et désormais appelé Parti de la liberté (FPÖ), et dirigé par un ancien chef de brigade SS et ancien ministre nazi de l'agriculture sous le régime de Seyß-Inquart, Anton Reinthaller, le parti s'affirme dans l'expression d'un pangermanisme qui ne recrute que parmi les nostalgiques du régime nazi sous l'Anschluss.
Anton Reinthaller, à gauche en civil
L'ascension sous Haider
Avec l'arrivée de Haider à la tête du parti en 1986, cette tendance germano-nationaliste se voit complétée par la recherche d'un nouvel électorat en affirmant ses tendances populistes, et privilégiant, en public, la référence au printemps des peuples de 1848 au salut nazi, sans pour autant renoncer à soutenir les anciens SS.
Revendiquant le recours au plébiscite, Haider se fait connaître en 1999 dans toute l'Europe après avoir obtenu le meilleur score de l'histoire du parti, passant devant les Sociaux-démocrates avec près d'un quart des voix. Son discours, basé sur la dénonciation des politiques d'immigration, sur la paupérisation de certaines couches de la population (retraités, ouvriers), et sur les craintes autour de l'islamisation de la société autrichienne, remporte un large succès au-delà de l'audience traditionnelle du parti. Les Manifestations du Mardi, entamée à partir du 4 février 2000 lors de l'investiture du gouvernement conservateur-populiste, associées aux menaces des 14 autres membres de l'UE conduiront Haider à renoncer à briguer un ministère (au profit de deux de ses colistiers).
Toutefois, Haider ne canalise pas le mécontentement exprimé lors des élections législatives de 1999 et les scores de son parti s'effondrent à partir de 2004 pour retrouver leur assise strictement régionaliste. En 2005 le FPÖ éclate, donnant naissance à un autre parti d'extrême-droite, l'Union pour l'Avenir de l'Autriche (BZÖ), avec Haider à sa tête.
Populisme et xénophobie à l'échelle européenne
La présence du FPÖ aux premières lignes de l'arène politique autrichienne laisse-t-il présager un retour en force de ce parti d'extrême-droite ?
En surfant sur les thématiques de l'immigration et de la non-intégration de larges parts des populations turques en Autriche, le FPÖ a trouvé une assise politique qui le rapproche des partis comme le Vlaams Belang flamand, le Front National en France, ou encore le Volkspartei suisse. Il participe ainsi au groupe Identité, tradition et souveraineté au parlement européen. À aucun moment, le parti n'a renié son ancrage originaire national-socialiste, et on retrouve dans les discours de caciques du parti, lors des meetings régionaux, une rhétorique similaire à celle qui prévalait chez les dirigeants nazis : invocation d'une décadence morale, opposant les victimes (les travailleurs nationalistes) aux coupables (les citoyens du monde, les profiteurs, les étrangers, les fainéants), recours aux simplifications déroutantes, critique systématique d'une élite censée être corrompue en totalité à la différence du mode de vie frugal, convenable, conformiste et digne des patriotes (en contradiction avec le mode de vie jetset et les orientations homosexuelles de Haider), et déni de toute culpabilité germanique dans les crimes commis durant la Seconde Guerre Mondiale.
L'antisémitisme du parti, à l'image d'un le Pen, s'exprime au travers d'une charge violente contre un complot juif imaginaire, un négationnisme forcené s'étalant dans des „blagues“ douteuses, et dans de significatives amitiés avec Saddam Hussein ou Qaddhafi.
Si le fond idéologique du parti, anti-européen et xénophobe, laisse supposer qu'il demeure dans une certaine marge de la vie politique autrichienne, il n'empêche que les échecs du modèle social autrichien prôné par les deux principaux partis donnent l'occasion à un troisième parti de jouer les arbitres de la démocratie autrichienne.
Là où l'Allemagne a réussi à maintenir l'extrême-droite en retrait de l'espace politique national, avec l'émergence d'un parti écologique actif et puissant comme „troisième voie“, l'Autriche peine à sortir du conflit identitaire marqué par des régionalismes persistants et sur la défensive.
par Sacha Bergheim