Billet d'humeur
Eloge du mur
Par Catherine STORA
Pour aschkel.info et lessakele .
Merci à Catherine ....
A diffuser bien-sur avec le nom de l'auteur et la mention de la source
Ah, qui dira les bienfaits dispensés par cet incomparable chef-d'oeuvre de l'industrie humaine? Toutes les maisons commencent par lui, tous les édifices, qu'ils soient bureau de poste, église ou temple, cour de récréation ou couvent, tous naissent avec lui...J'ai nommé: le mur!
Liberté, liberté chérie, j'écris ton nom. Où ça? Sur le mur!
Et j'colle des affiches, pour la manif de jeudi contre les mesures homophobes en Ouganda. Où ça, sur le mur, banane!
Le mur, le mur, toujours le mur!
Sans mur, c'est sûr, plus de liberté ! Comment, en effet, faire le mur, s'il n'y en a pas? Où verrait-on le courageux l'entreprenant maçon s'il n'y avait plus de mur, ni de pied du mur?
Qu'il soit d'escalade ou de séparation, lui seul permet la grimpette, et les retrouvailles, car sans séparation, pas de réunion! Vous voulez vous faire la belle? Faites d'abord le mur!
Et puis, où se taperait-on la tête, désormais, s'il n'y avait plus de murs? Au plafond?
J'aime les murs. Surtout quand ils se mettent en quatre pour m'offrir le gîte et le couvert. Je ne me sens jamais si bien qu'entre quatre murs, à lire, étudier ou faire tranquillement ce que la morale réprouve, à l'abri des regards et des oiseaux qui ne se privent pas de vous chier dessus inopinément quand vous avez l'imbécillité de faire l'amour en plein air, ou à la mer (là c'est les mouettes) ou lorsque vous vous tapez un bon polar à l'ombre d'un chêne ou d'un manguier (tout dépend dans quel hémisphère vous vous trouvez) je préfère le shampoing aux oeufs ou à la camomille qu'à la crotte de pigeon. Personnellement.
J'aime les murs, leur ombre fraîche, si reposante après la cruelle morsure du soleil d'été. La gentillesse avec laquelle ils laissent le lierre et la glycine leur grimper dessus, sans rien dire. Et puis leurs oreilles: ils en ont, eux, alors que la plupart des objets sont sourds, prenez les pots, non, pas ceux-là, ils ne sont pas secs. Trop fragiles. Prenez les pots en général, oui, ceux-là on peut y aller, ça craint rien un pot en général, et bien vous savez quoi, les pots sont sourds, c'est bien connu, sinon, pourquoi dirait-on sourd comme un pot? Hein? Même les gens sont sourds, sourds à tout ce qui n'est pas eux, les gens sont sourds à la détresse, la vôtre, la mienne, à l'injustice, pourtant criante! Et même certains à force d'être sourds, sont, en secret, devenus dingues. Sourds-dingues.
Donc les murs ont des oreilles, eux, et c'est tant mieux, j'aime autant parler à un mur plutôt qu'à un fonctionnaire de police.
Heureusement qu'il y a les murs et qu'on peut les raser, quoi raser d'autre, sinon? L'auditoire? Dieu m'en garde! (Mais même la lumière est parfois rasante...) Quoi raser, alors, si ce n'est un mur, si on aime raser, et que l'on n'est pas une hirondelle, pour pouvoir raser du bout de l'aile l'eau dormante des marais, hein?
Qu'est-ce qui bouge le cul des Andalouses? C'est le mur!
Contre quoi j'me tourne pour dormir tranquille? Contre le mur!
C'est le mur, c'est le mur, mur, mur, mur!
Et puis à quoi serviraient les échelles s'il n'y avait plus de murs? A rien, je vous le dis tout net, sans compter la tête des pompiers, en voyant qu'ils n'ont rien pour appuyer la grande échelle!
Sans mur, la vie serait moins drôle, car sans mur, plus de pieds au mur!
Ici en Israël, nous sommes beaucoup plus en sécurité à Jérusalem et un peu partout depuis la construction de ce mur: n'en déplaise aux gauchistes et autres amateurs de belles idées simplistes, le nombre de vies humaines ainsi sauvées est difficile à évaluer, mais il est certainement important, vu la chute spectaculaire du nombre des attentats dans mon pays depuis son édification. Vous n'aimez pas? Vous nous reprochez de vouloir nous protéger des Fous de Dieu (mais quel Dieu, en vérité?) et préféreriez qu'il n'ait jamais été édifié?
Allons donc! Confessez alors que vous êtes de ceux qui souhaitent la destruction de l'Etat juif, et Dieu sait s'il sont nombreux, et avouez-vous ouvertement pour l'assassinat des miens, en ce cas.
Bien sûr, mur, ça fait tout de suite mur de Berlin, encore que la comparaison ait ses limites...Certains, conscients de ce que le vocable transporte d'idées toutes faites, préfèrent parler de "barrière de sécurité", à mon avis il vaut mieux appeler un chat un chat, un mur un mur, même si la mode est aux périphrases, et que d'aucuns préfèrent dire "technicienne de surface" plutôt que femme de ménage.
C'est donc un mur, ne vous en déplaise. Vous n'aimez pas ce mur? Bon. Et alors? Les faits sont là: les attentats, les meurtres de civils innocents ont quasiment disparu depuis que nous avons ce mur pour nous protéger des assassins. Vos théories sur ce mur de séparation ne m'intéressent pas. En pratique, il nous protège, et il n'y a pas de honte à se protéger. Si?
Moi, j'aime les murs, tous les murs, Dieu fasse qu'ils se dressent, toujours, pour nous offrir leur ombre fraîche, et un appui pour nos dos fatigués.
Je vous laisse là, j'ai rendez-vous. Au Mur, mais oui. Comment l'avez-vous deviné?
Avec une copine. Elle débarque à Jéru, elle connait rien, alors le Kotel, c'est ce qu'il y avait de plus facile pour se retrouver.
Allez, sans rancune, shalom et yom tov chez vous.
Catherine Stora