Pour aschkel.info et lessakele
Merci Laurence pour ce témoignage
Esplanade Ben Gourion,
Un mois après …
Par Laurence Nguyen
Membre du Comité Directeur de l’ Association France-Israël, Alliance général Koenig.
Jeudi 15 Avril.... c'était l'inauguration de l'esplanade Ben Gourion, belle avenue arborée, face aux miroirs du musée Branly, le long de la Seine. Un noble lieu de repos et de mémoire pour cet homme hors du commun, Père d'Israël. L'habile discours de Monsieur Delanoé, Maire de Paris, le beau récit de Monsieur Shimon Péres, Président de l'Etat d'Israël, et la présence d’une foule enthousiaste, une cérémonie qui restera dans nos souvenirs, à peine troublée par quelques opposants, « pro-palestiniens », selon la formule, qu'il me semble avisé de traduire par « anti-israéliens »
Samedi 14 Mai ….
Même lieu, même heure, même ciel frisquet, même allée paisible où se promènent familles et enfants. Seule la présence de plusieurs cars de police et d'agents en poste devant les plaques de la Ville de Paris signalant « Esplanade Ben Gourion » prouvent l'arrivée imminente de ceux qui ont convié leur public à une commémoration de la Nakba, entendez la catastrophe, celle qui a frappé les habitants arabes de la Palestine Mandataire en Mai 1948. Quelques jeunes gens et jeunes filles arrivent, installent un drap mal repassé sur lequel il est écrit : «Ben Gourion criminel » et « Delanoe collabo ». Ils collent sur le muret du quai des simili-plaques de nom de rue annonçant: « Place de la Nakba, en mémoire de l'expulsion des 800.000 palestiniens et de la destruction des 542 villages arabes, en 1948, par le criminel de guerre David Ben Gourion, pour la création de l'Etat d'Israël »
Puis, s'installe, un peu plus loin sur le muret, une grande banderole, moins artisanale, du Comité BDS: Boycott. Israël. Apartheid .
Arrivent quelques sympathisants mais les badauds ne s'attardent guère. Un militant nous met un peu de musique orientale, c'est joli, ça va peut-être créer une ambiance? Car elle n'y est pas l'ambiance, les jeunes gens en keffieh sont moroses, la petite fille (6ans/7 ans) qui scande à mi-voix « Israël assassin » ne prête pas à sourire, les ancêtres un peu négligés qui nous rejoignent, sous la bannière du Parti Communiste, non plus. Quelques dames, qu'on croirait respectables, arborant un sarouël folklorique à souhait, distribuent timidement des tracts «Gaza, on n'oublie pas».
Comme je stagne en ce lieu depuis une heure, notant tout ce que j'observe sur mon petit carnet, un Monsieur de type arabe m'interroge. Voici le dialogue :
Le Monsieur : Vous êtes journaliste?
Moi: Non, mais j'observe et je réfléchis à ce que je vois et entends
Le Monsieur: Vous êtes sympathisante?
Moi: Non, pas vraiment, mais je voudrais vous comprendre. Je ressens dans votre attitude, plus de haine d'Israël que d'amour des palestiniens.
Le Monsieur: Pourtant, vous savez bien qu'en 1945 (sic) la création de leur état par les juifs (re-sic) a chassé tous les palestiniens ?
Moi: Vous ne pensez pas que la date serait plutôt 1948 et que …
Le Monsieur a tourné le dos. Vexé ?
Un grand morceau de papier kraft couvre à son tour le muret. Hiérarchie dans le mensonge : Célébration du nettoyage ethnique.
Nouvelle attraction, un groupe déploie, non sans peine, un immense drapeau palestinien, au ras du sol, le vent souffle et l'énorme tissu menace de s'envoler, ils sont au moins dix à tenter de le maîtriser, il veut s'envoler, j'imagine, vers chez lui, vers le soleil ; ça amuse la petite fille ....
Je m'ennuie, alors je nous compte : 58 personnes plus moi .
Une jeune fille, très jolie sous un voile qui laisse quand même voir ses yeux, son nez et sa bouche, porte un brassard «Israël, état raciste ».
Une autre jeune fille, entortillée dans un keffieh fort seyant, prend le micro. J’affûte mon stylo.
Elle ne sait pas parler dans le micro et nous annonce qu'il y a « du pain sur la planche » et qu'elle va laisser la parole à d'autres orateurs. Ouf, me dis-je, enfin des orateurs.
Première oratrice: « Heu, heu, je me présente, Fatima, Génération Palestine »... elle « cite » Ben Gourion à sa façon et réévoque la destruction des 532 villages par Tsahal (re-re-re-sic) et accuse le plan de partage car « c'est sa faute s'il n'y a pas de pays palestinien et que les gens sont enfermés à Gaza ».
Deuxième orateur: «Il est de notre devoir d'être le relais de la voix des palestiniens en Europe. Un ami qui vit dans un camp près de Bethléem m'a dit que ça lui fait chaud au coeur que vous ne lâchiez pas la main que vous avez su nous tendre». Applaudissements pour cette belle formule.
D'autres orateurs se succèdent rapidement et rappellent, pour ceux qui n'auraient pas encore compris: «le nettoyage ethnique, le génocide, la catastrophe, la discrimination atroce, la communauté internationale coupable... »
Une dame, enfin, s'exprime bien, celle-là ne bouscule pas l'histoire, mais plaide pour la défense de valeurs morales, de combat pour la justice, avec son petit accent à la Leila Shahid, elle est écoutée.
Le jeune Rachid du NPA, récite un beau discours: «le sionisme, utopie religieuse devenue utopie politique a réussi son coup (rappel des 532 villages rasés). C'est la Nakba permanente. Que faire face à cette provocation de la Mairie de Paris, une résurgence du discours colonial ?». Puis il évoque la guerre d'Algérie, on nage dans le délire ; enfin, commencent les slogans, qu'on nous invite à répéter en choeur, en frappant dans nos mains :
Israël, Apartheid, Boycott
Israël assassin, Sarkozy complice
Palestine vivra, Palestine vaincra
Ben Gourion casse toi, Paris n'est pas à toi
Gaza, Gaza on ne t'oublie pas .
Un étudiant, de l'Union des Etudiants Palestiniens en France reprend le micro: «le sionisme a chassé notre peuple pour lui voler sa terre … tous les jours on menace nos lieux saints... l'épuration ethnique continue … ». Il nous propose de nous unir contre la politique capitaliste, contre le racisme, contre la guerre! Un beau programme !
Je vais partir, j'ai soudain la sensation d'avoir mieux à faire. Alors je regarde une dernière fois cette petite centaine de militants: les arabes sont plutôt jeunes, bien sapés, dans leur regard brille l'excitation de se sentir un héros, le super-héros d'un peuple dont ils fantasment la souffrance à l'excès pour justifier leur engagement, en s'exaltant au travers de mots qu'ils maîtrisent mal: génocide, épuration ethnique... les gaulois sont plutôt vieux, en jeans destroys, ex-fans des sixties, ex-amants des années 68, révolutionnaires lassés mais encore en quête d'une cause à défendre, n'importe laquelle pourvu qu'ils soient «contre», opposés à tous les pouvoirs, défenseurs/rêveurs de victimes imaginaires, fac-similés fatigués de José Bové et pâles fantômes d’un Che inaccessible, pathétiques plus qu'inquiétants.
Voilà un compte rendu, je voulais voir et j’ai vu. Je n’ai pas eu peur de cette petite rencontre de l’ignorance et de la bêtise réunies. Pourtant je sais que cette libération de la parole antisémite sous couvert d’antisionisme trace son chemin, que le boycott des produits israéliens rappelle l’affiche jaune sur les magasins juifs, et surtout que d’autres, plus instruits, plus puissants, plus riches s’emploient à la délégitimation systématique de l’Etat d’Israël. Alors j’ai peur.
Le site de l'association France-Israel ICI
