Exclusif : Des attentats en Syrie pour sauver le régime d’Assad ?
Révélations inquiétantes d’un officier syrien : le régime a plusieurs flèches à son arc
dimanche 30 janvier 2011 - 18h10, par Khaled Asmar - Beyrouth
Le régime de Damas redoute, dans les prochains jours, une intifada populaire en Syrie, d’autant plus que "l’élasticité" du peuple a atteint ses limites et il ne supporte plus la compression subie par le Baas depuis le Mouvement de redressement, en mars 1963.
La crainte d’Assad s’est exprimée par sa décision de renforcer la censure, de couper internet et les SMS, de déployer les renseignements, de canaliser les prêches dans les mosquées, de débloquer des fonds pour nourrir les millions de pauvres qui constituent une véritable bombe à retardement, et de faire appel aux officiers retraités qui ont une longue expérience de la répression (notamment ceux qui, sous les ordres de son père Hafez Assad, avaient massacré 40.000 citoyens à Hama en 1982).
Mais ces mesures, destinées à anesthésier la population et à prévenir contre toute mobilisation, ne suffisent pas. Assad sait que rien n’arrêtera le vent de liberté qui a soufflé en Tunisie. La tempête se renforce et se transforme en ouragan qui ravage tout sur son passage, comme en atteste l’actualité égyptienne. Les deux précédents de Ben Ali et de Moubarak ne rassurent pas. Assad doit « innover » et développer son imagination machiavélique pour reporter sa chute, qui devient inéluctable. A cet effet, le président syrien a réuni les chefs des services et les a chargés de mettre en place toutes les mesures susceptibles d’éviter les scénarios tunisiens et égyptiens. Un officier syrien de haut rang confie, en privé, que le plan de survie du régime comporte plusieurs volets.
Traitement à huis clos : Notre interlocuteur insiste en priorité sur le traitement à huis clos de ce qui peut survenir dans le pays, lors et après les manifestations prévues le 5 février pour commémorer les massacres de Hama, ou en mars pour commémorer la répression des provinces kurdes de l’Est (Rikka, Hasaka, Al-Jazirah...) et l’arabisation forcée depuis mars 1963. De ce point de vue, souligne l’officier, Damas n’aura pas de mal à interdire les médias étrangers, à couper internet et la téléphonie mobile (ce qui est déjà en partie fait). Etant l’alliée du Qatar, la Syrie pense bénéficier de la bienveillance de la télévision « Al Jazeera », qui a joué un rôle moteur dans les révolutions tunisienne et égyptienne, et qui vient d’être interdite au pays du Nil pour cette raison.
Alliance avec Al-Qaïda : Notre source, qui est au cœur du dispositif syrien, rappelle que la Syrie, contrairement à la Tunisie et à l’Egypte, n’a pas eu à combattre frontalement les islamistes djihadistes d’Al-Qaïda, bien qu’elle ait décapité les idéologues des Frères musulmans dans les années 1980. Bien au contraire, Damas s’est allié à Al-Qaïda, l’a exploitée en Irak contre les Américains, et au Liban contre les Souverainistes. C’est le moment de capitaliser en l’exploitant sur le sol syrien. De ce fait, notre source n’écarte pas que des attentats soient commis en Syrie contre les adversaires du régime (Sunnites, Kurdes...) et contre des représentations étrangères (entreprises, ambassades...), afin d’amplifier la « fausse menace terroriste » et d’obtenir une complicité occidentale pour mieux réprimer la population au nom de la lutte contre le terrorisme. Un tel scénario permettrait à Damas d’empêcher le peuple de manifester. De ce fait, des vrais-faux attentats pourraient intervenir durant la semaine précédant le 5 février.
Fuite en avant : Dans la même logique, et pour détourner l’opinion publique sur la très haute tension qui règne en Syrie, Assad pourrait s’engager dans une fuite en avant. Il pourrait commanditer des attentats en Syrie et au Liban, et de les attribuer aux radicaux qu’il avait lui-même mis en place au Pays du Cèdre (Denniyeh au nord, Mejdel Anjar dans la Békaa). Ainsi, au nom de la lutte contre le terrorisme au Liban, qui menace la sécurité syrienne, Assad pourrait ordonner une nouvelle invasion du Liban, du moins des régions limitrophes. Beyrouth ayant été soumis à travers le Hezbollah, et les institutions de l’Etat libanais sont acquises par le Président Michel Sleiman, le Premier ministre Najib Mikati, le Président du Parlement Nabih Berri, et le commandant en chef de l’armée, Jean Kahwaji. Avec cette fuite en avant prévisible, Assad compte réalisera d’une pierre plusieurs coups : contrôler définitivement le Liban ; tourner la page de l’humiliation subie en 2005, lors de son retrait forcé du Liban ; faire oublier le Tribunal international et la culpabilité syrienne et du Hezbollah ; et enfin, éviter tout soulèvement populaire en Syrie, en remobilisant le peuple derrière de fausses causes nationalistes.
C’est dans ce cadre qu’il convient d’interpréter l’enregistrement mis en ligne aujourd’hui par Abou Soufyan al-Azdi, un responsable d’Al-Qaïda pour la Péninsule arabique, dans lequel il met en garde « les sunnites contre l’alliance conclue entre les chrétiens et les chiites au Liban et dans la région ». Un message qui confirme les scénarios avancés par l’officier syrien.
De ce qui précède, il convient de retenir plusieurs conclusions : la première concerne la certitude que le président Assad se sait menacé ; la seconde porte sur le fait que le régime est conscient de ce qu’il a commis contre son propre peuple durant les 48 dernières années et qu’il craint la vengeance de celui-ci ; la troisième est que Damas dévoile au grand jour son alliance avec Al-Qaïda et le terrorisme sunnite, au même titre que son alliance avec le terrorisme chiite du Hezbollah ; la quatrième conclusion est que les relations entre le Hezbollah et Al-Qaïda varient selon les circonstances entre concurrence et complémentarité ; [Lire ici l’avis de la CIA :l'alliance entre l’alliance entre radicaux sunnites et chiites] ; la cinquième atteste que le régime syrien n’a jamais abandonné son rêve d’annexer le Liban ; et enfin, que toutes les promesses de Bachar Al-Assad et ses engagements à reconnaitre la souveraineté et l’indépendance du Liban étaient fausses, et elles ont simplement servi à anesthésier et à extorquer ses interlocuteurs européens, et plus spécifiquement français.
Seul le peuple syrien détient la réponse à ces questions. Les Syriens prennent-ils leur courage à deux mains, malgré les menaces, et affrontent-ils la tyrannie du Baas pour s’inscrire dans le registre des peuples libérés ? Ou au contraire, avalent-ils de nouvelles couleuvres et se laissent-ils berner par les manœuvres d’Assad ? Les prochaines semaines nous le diront.
Khaled Asmar
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