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La quête identitaire permanente des Israéliens
Daniel Haïk
Depuis 62 ans, la société israélienne est en perpétuelle mutation. Pour des millions d'Israéliens, ces mutations sont le reflet d'une réelle quête identitaire que l'on pourrait définir au travers des principaux courants politiques qui ont traversé l'État d'Israël depuis sa création en 1948. Les épreuves conduises aujourd'hui de plus en plus d'Israéliens laïcs à se rapprocher de leur racines et à revendiquer fièrement un judaïsme qui leur paraissait, il y a peu encore, anachronique. Une analyse porteuse d'espoir….
Entre 1948 et 1977, l'idéologie dominante est celle de la gauche socialiste, celles des pères fondateurs, de Ben Gourion à Rabin. Elle va donner à l'État son aspect séculier tout en pactisant avec les formations religieuses et orthodoxes préoccupées par le respect du fameux statu quo en matière religieuse.
La guerre omniprésente va persuader de nombreux Israéliens laïcs que l'aspiration à une " normalité israélienne " devra attendre des jours meilleurs. Tsahal sera au cœur du consensus national comme instrument de la Défense d'Israël. Ce seront trente années d'hégémonie travailliste qui vont laisser une empreinte indélébile. La victoire du Likoud de Menahem Begin en 1977 ouvre la voie à 15 années de domination nationaliste de Droite.
Elles vont permettre à des hommes comme Ariel Sharon, et comme Its’hak Shamir de concrétiser le projet d'implantations des dizaines de milliers de Juifs sur les terres ancestrales de Judée et Samarie. Sur le plan économique, le socialisme égalitaire caractérisé par les kibboutzim va céder la place au libéralisme et au capitalisme prôné par les conservateurs du Likoud.
C'est en 1992-1993, avec la signature des accords d'Oslo, que se produit la principale cassure au sein de la société israélienne : la gauche prétend qu'Oslo va apporter la paix, la droite affirme que ces accords sont le prélude à de nouvelles guerres.
Mais pour des millions d'Israéliens, le processus d'Oslo va donner le sentiment qu'enfin l'État d'Israël, qui n'a cessé de vivre dans la guerre, va pouvoir devenir un État normal. De facto, pendant sept années d'incertitude, de 1993 à 2000, marquées d'une part par des négociations et de l'autre par une recrudescence du terrorisme, la société israélienne qui jusque là avait conservé un cachet spécifique va se transformer en copie des grandes sociétés occidentales.
Le sentiment de collectivité va céder le pas à un individualisme forcené. Les officiers israéliens vont être remplacés au panthéon des héros par les vedettes de la "Tv réalité" et la seconde chaîne de télévision naissante, va s'imposer comme le puissant vecteur d'une culture superficielle grossière et médiocre au point que certains appellent l'État d'Israël " Medinat Aroutz 2 ", l'État de la seconde chaîne.
L'échec du sommet de Camp David et le déclenchement de l'Intifada vont rappeler aux Israéliens que la " normalité d'Israël " était une nouvelle fois prématurée.
Après avoir unifié la société israélienne face à l'adversité palestinienne, et après avoir conduit au démantèlement du Goush Katif, Ariel Sharon va proposer aux Israéliens une nouvelle manière d'être " normaux " : les pragmatismes de la gauche israélienne, ceux qui ne croient plus en une " Paix maintenant ", fusionnent avec ceux de la Droite qui ne croient plus au " Grand Israël " pour former le courant centriste et désidéologisé représenté par Kadima.
Ce courant va d'abord prôner l'unilatéralisme comme doctrine politique et prétendre qu'il suffit à Israël de se replier sur lui-même pour régler ses problèmes avec son environnement hostile. La capture de Guilad Shalit le 25 juin 2006 par le Hamas sunnite et celle de Eldad Reguev et Ehoud Goldvasser le 12juillet par le Hezbollah chiite prouvent qu’il n’en est rien.
Au lieu de profiter du retrait unilatéral d'Israël du Sud Liban en mai 2000 et du retrait unilatéral de Tsahal de Gaza en août 2005, ces deux mouvements continuent à prôner la destruction d'Israël. Cette seconde guerre du Liban, un échec cuisant de plus pour ceux qui aspiraient à la normalité d'Israël. Après les ratés de la gauche, les impasses de la droite, même le centre cartésien s'avère incapable de d'offrir à Israël ce caractère d'État comme les autres.
Depuis cette guerre, de plus en plus d'Israéliens s'interrogent sur les raisons de leur présence sur cette terre, sur les causes de l'opposition farouche du monde arabe à tout État juif dans un espace proche-oriental musulman. Devenus incrédules face à un processus de paix moribond, ils ne croient pas que la fameuse solution des deux États apportera la paix tant attendue.
Ces interrogations les poussent à se redéfinir. Dans leur quête identitaire, beaucoup redécouvrent leurs racines historiques et le patrimoine du peuple d'Israël. Soudain l'identité juive semble reprendre une place de choix chez ceux qui se définissaient avant tout comme des Israéliens. Ils sont de plus en plus nombreux à retrouver la voie de l'étude et celle de la téchouva. Bien sûr, il ne s'agit pas (encore) d'un raz de marée. Mais dans une société israélienne qui semble avoir perdu certains de ses repères idéologiques, cette " secousse " identitaire est nettement perceptible dans certains milieux.
Un exemple parmi d'autres : au cours des dernières années, de plus en plus de chanteurs israéliens puisent leurs textes parmi des passages de la téfila et des Psaumes et leurs chansons soulèvent un enthousiasme inattendu dans des milieux non-religieux. Certains de ces chanteurs se disent émus par ces paroles, d'autres vont plus loin et adoptent un mode de vie religieux. Ainsi, le célèbre chanteur Eviatar Banaï a fait Téchouva, il y a trois ans. Récemment, l'une des chansons de son dernier album a connu un succès exceptionnel et inattendu auprès de l'ensemble de la jeunesse israélienne. Son titre était hautement symbolique: "Oraïta", la Torah….