Iran, Algérie, Tunisie…
Par Alain Rubin
Pour aschkel.info et lessakele
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Hier soir, les télévisions nous ont longuement montré des Tunisiens de Kasserine. On a pu voir les bâtiments officiels incendiés, des chars dans les rues, et aussi des familles de victimes de la répression. On nous a aussi montré des Tunisiens de Belleville, quelques centaines, arborant le drapeau tunisien, réclamant le départ de « Ben Ali l’assassin ».
Par contre, à la télévision ce même soir, point d’Algériens, point d’image de manifestants dans les rues d’Algérie, pas d’interview de parents des victimes de la répression, et surtout, pas d’image de manifestations de franco algériens dénonçant la dictature FLN.
Mais peut-être qu’il ne se passe rien en Algérie ? Peut-être que les Algériens de France et les Franco-algérien sont-ils tous, unanimes, derrière le gouvernement prédateur du FLN ?
Parce qu’il ne se passe rien en Algérie ?
Curieux, non ?!
Vous ne trouvez pas que l’absence, dans les rues françaises, de ces milliers de jeunes, souvent si prompts à s’enflammer et à sortir manifester bruyamment et brutalement, drapeau algérien en avant, -drapeau algérien déployé et opposé au drapeau de la république française qui devrait lui céder la place-, ça a de quoi étonner ? Cela ne vous étonne pas ? Moi ça m’interpelle.
Le gouvernement algérien serait-il intouchable ?
Les manifestants Algéro-niçois, Marseillais ou autres, capables de dévaster les rues commerçantes de nombreuses agglomérations, belliqueux pour dénoncer les méchants sionistes, pour injurier les équipes de football ayant eu l’impertinence de battre l’équipe algérienne, ou pour toute autre motif, ces mêmes « jeunes » n’ont, jusqu’à ce jour, pas levé ne serait-ce qu’un cil pour dénoncer la répression et pour se déclarer solidaires des Algériens condamnés au chômage à vie, opprimés et/ou surexploités dans leur pays.
Et les Kabyles ?
Ce silence des médias télévisés, ce mercredi soir 12 janvier, jour du nouvel an berbère, a de quoi surprendre. Il est d’autant moins compréhensible que, mardi 11 janvier en soirée, le MAK, qui a constitué un gouvernement Kabyle en exil, réunissait dans une mairie parisienne plusieurs centaines de ses membres et sympathisants. Son leader, chef du gouvernement en exil, y commentera les manifestations qui secouent l’Algérie. Il annonçait : la Marche pacifique des Kabyles qui aurait lieu mardi matin à Tizi Ouzou.
Il y a un quart de siècle, les Kabyles ont ébranlé la dictature qui étouffe le peuple algérien. Il y a un quart de siècle, ils défiaient la dictature de Boumediene. Le gouvernement et l’islamisme se sont partagé les rôles pour l’estourbir. Par le mensonge et la répression policière pour les uns, par les massacres d’innocents (par et pour le djihad) pour les autres, ils se sont ingénié à briser le mouvement du peuple berbère kabyle. Ils n’y sont cependant pas parvenus.
« Les Kabyles sont dans les rues, pour leur dignité, pour la liberté, pour leur culture et leur langue, pas seulement pour demander la baisse du prix de l’huile et de deux trois autres produits ».
Un autre silence étrange...
Ce message du chef du gouvernement Kabyle en exil, nos médias français ont estimé qu’il ne devait pas être répercuté. Il devrait rester ignoré du plus grand nombre. Ce silence est un silence complice.
Les militants Kabyles combattent pour la Démocratie. Ils mènent aussi le combat pour la liberté de conscience et d’opinion. Ils mènent combat pour la liberté politique et religieuse, pour l’absence de tout monopole politique et religieux.
Comme nous l’avons rappelé devant les sympathisants et les militants du MAK, présents à la mairie du 16ème arrondissement mardi soir, leur combat est celui commencé au début des années vingt par la « glorieuse Etoile nord-africaine » : Souveraineté nationale, souveraineté populaire, construction et défense des outils de la souveraineté du peuple (presse libre, liberté d’organisation des partis, des associations, des syndicats indépendants de l’état, parlement souverain...), liberté religieuse dans le cadre de l’absence de monopole d’un culte, respect des cultures et de la langue des autochtones (langues berbères).
Nous avons rappelé : que pour nous, depuis notre enfance dans un quartier ouvrier parisien, les Kabyles ont toujours été des amis, des proches, généralement des ouvriers et toujours partie prenante du combat de la classe ouvrière française, comme en 1936 lors du grand mouvement de grèves d’occupation des entreprises (3,5 millions de grévistes) qui permettra au gouvernement de Léon Blum de faire voter les grandes lois ouvrières de juillet 1936.
Un autre absent dans les médias, hasard, étourderie ?
Dans un précédent article, je donnais des éléments sur la vague de grèves de masse qui soulève la classe ouvrière d’Iran ; grèves soutenues par la majorité des populations de la vaste et sinistre prison des peuples qu’est devenue l’Iran torturé par la contre révolution du fascisme khomeyniste.
Je donnais les noms des deux dirigeants syndicalistes du plus important syndicat ouvrier reconstruit, malgré et en dépit de la féroce dictature.
Libérez Massoud ! libérez Reza !!
A Téhéran, les travailleurs du transport sont entrés en grève totale, pour obtenir la libération du Président et du vice-président de leur syndicat.
Aucune information n’a transpirée dans les médias. Ces grèves, pour s’opposer à ces persécutions de syndicalistes, n’existent pas pour l’AFP et pour tous ceux qui, suivant un chemin qui fut celui des staliniens, quand il y eu la révolution de 1956 en Hongrie, quand se développa le mouvement du printemps de Prague en 1968, choisirent de dénoncer ces mouvements de la classe ouvrière et des peuples en prétextant : qu’ils seraient suscités, manipulés ou instrumentalisés par l’impérialisme américain, allemand ou autre...
Le lourd et coupable silence, face à ces événements iraniens, laissent à penser que les orphelins enthousiastes et/ou critiques, voire même très, très, critiques des gouvernements de la « patrie des travailleurs » (l’URSS du stalinisme et ses satellites) se sont trouvés une nouvelle « patrie des travailleurs », un pôle bien peu reluisant de « résistance à l’impérialisme US », en s’alignant derrière le pendeur- fusilleur Ahmadinejad.
Le silence des médias et de certaines formations politiques, devant les actions des travailleurs et des peuples d’Iran, a-t-il une autre signification ?
Malgré le silence complaisant, la crise se poursuit dans les sommets et les rouages de la dictature. Les hommes, chargés de réprimer, matraquer et tirer sur la foule, sont massivement victimes de dépressions. Le moral n’y est plus.
Des hommes, ayant volontairement optés pour devenir Bassidji ou pasdarans, vont se plaindre à leur médecin, souffrant de tristesse et de remords. C’est un signe parmi tant d’autres, qu’en haut, au sommet du fascisme en Iran, on ne peut plus gouverner comme avant, tandis qu’en bas, s’est largement engagée la reconstruction du mouvement ouvrier ; un mouvement ouvrier qui refuse de faire allégeance à la dictature ; un mouvement ouvrier et des grèves de masses, des grèves qui durent des semaines et bloquent des secteurs entiers.
Ce sont les signes nombreux qu’en bas on ne peut plus et on ne veut plus vivre comme depuis 31 ans et que l’on est capable d’actions énergiques...
Bref, n’en déplaise aux médias silencieux et aux politiciens aveugles ou complaisants, l’Iran est à la veille d’une libération de la société par elle-même.
Alain Rubin