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24 mars 2010 3 24 /03 /mars /2010 06:33





IRAN - PAKISTAN - YÉMEN - ARABIE SAOUDITE : LE JEU COMPLIQUE DE LA GUERRE SECRÈTE

Alain Rodier
22-03-2010

Début mars 2010, les autorités iraniennes annonçaient avoir capturé Abdolmalek Righi, le chef du mouvement d'opposition armé Jundallah (Armée d'Allah) aussi connu sous le vocable de Mouvement de résistance populaire d'Iran (MRPI). Ce mouvement politico-religieux-mafieux iranien qui réclame une plus grande liberté pour le peuple baloutche de confession sunnite s'est livré depuis 2003 à des opérations terroristes sur le territoire iranien et plus particulièrement dans la province du Sistan-Baloutchistan. Le 18 octobre 2009 à Pishin, un kamikaze parvenait même à tuer quarante deux personnes dont des hauts responsables du régime parmi lesquels figuraient quinze pasdaran [1]. Ne pouvant plus tolérer cet état de fait, Téhéran a alors entamé un véritable « jeu de billard à trois bandes » digne des meilleurs romans d'espionnage. L'objectif de l'opération consistait à s'emparer de la personne d'Abdolmalek Righi.

Il y avait longtemps que les services de renseignement iraniens (Vevak, Vezarat-e Ettela'at va Amniyat Keshvar , Ministère du renseignement et de la sécurité nationale) avaient « logé » Righi au sud-ouest du Pakistan où ce dernier bénéficiait d'un accueil bienveillant de la part des autorités pakistanaises. En effet, Islamabad qui a toujours considéré que l'Iran chiite était son plus grand adversaire juste après l'Inde a accueilli -et continue d'accueillir- des opposants au régime iranien sur son sol.

Ne pouvant faire pression directement sur Islamabad car ne possédant pas les bonnes cartes pour cela, Téhéran s'est tourné vers l'Arabie saoudite, puissant allié du Pakistan. Comme par hasard, l'insurrection chiite latente au Nord-Yémen  menée par le clan des al-Houthi (al-Huthiyun) [2] et soutenue secrètement par Téhéran a considérablement accru ses activités à partir de novembre 2009, deux semaines après l'attentat du 18 octobre qui était considéré par Téhéran comme l'action terroriste de trop. Afin d'être certain que Riyad comprenait bien le message, des incursions des rebelles yéménites ont même eu lieu en territoire saoudien au cours desquelles des militaires saoudiens ont été faits prisonniers pour servir d'otages.

 

Abdolmalek Righi après son arrestation en Iran
Abdolmalek Righi après son arrestation en Iran

 

Déjà confrontée au problème d'Al-Qaida sur son propre sol, la famille royale des Al Saoud ne pouvait se permettre de laisser s'étendre des désordres dus à un mouvement chiite à sa frontière sud-ouest avec le Yémen. C'est à ce moment là que, par des voies détournées, Téhéran a demandé à Riyad de faire pression sur Islamabad pour que Righi lui soit livré. En échange, l'Iran s'engageait à faire son possible pour ramener le calme au Nord-Yémen. Les services spéciaux pakistanais (ISI, Inter Services Intelligence ) se sont alors  fait un peu tirer l'oreille par leurs homologues saoudiens du Al Mukhabarat Al A'amah , mais les enjeux pécuniaires étant tels (l'Arabie saoudite est le premier partenaire financier du Pakistan), il a été décidé que Righi ferait les frais de la « raison d'Etat ».

Afin de sauver les apparences en ne livrant pas directement Righi aux Iraniens, un scénario a été monté de toutes pièces au début février 2010 lors de la visite au Pakistan du général de division Mohammad Ali Jafari, le commandant du Corps des gardiens de la Révolution iraniens. Pour une raison non connue, Righi utilisant une fausse identité afghane fournie par l'ISI, a été amené à prendre le 23 février le vol QH 454 des Kyrgystan Airways qui reliait Dubaï à Bichkek-Manas. Or l'itinéraire de ce vol passe au dessus de l'espace aérien iranien. Les forces aériennes iraniennes dûment informées par les Pakistanais de la présence à bord de Righi n'ont eu qu'à faire intercepter le Boeing 737 kyrghise par deux F-4E Phantom et à le faire se poser à Bandar Abbas en territoire iranien pour s'emparer de lui. Une fois l'arrestation effectuée, le vol a pu reprendre sans encombre. Pour couronner le tout, les autorités kyrghises qui n'étaient pas dans le coup ont été vivement sermonnées par Téhéran pour avoir accueilli un terroriste sur un de leurs vols! Pour sa part, Righi a ensuite été transféré vers un lieu de détention inconnu à bord d'un Falcon 20E dépendant de la composante aérienne des pasdaran.

Juste après cette arrestation rocambolesque [3], tous les « prisonniers » saoudiens détenus au Yémen par le clan al-Houthi ont été libérés et l'agitation régnant dans la région a soudain baissé en intensité... Téhéran a ainsi honoré sa part de l'accord.

Bien sûr, cette version de l'affaire ne pourra jamais être confirmée par Righi qui a déjà commencé à « avouer » ses crimes (ils sont bien réels, et pour certains, d'une cruauté sans nom) et ses liens avec les services américains et britanniques (ce qui est faux). De toute façon, il sait que, selon la loi en vigueur en Iran, il va finir au bout d'une corde. Ce qui compte désormais pour lui est que la période de rémission qui le sépare de son exécution inéluctable soit la moins « inconfortable » possible. En plus, les Iraniens détiennent déjà son jeune frère qui a été condamné à mort. Il peut aussi représenter un moyen de pression sur lui. Quant au Jundallah, un nouveau chef a pris sa tête. Il s'agit de Muhammad Dahir qui, jusqu'à présent était un parfait inconnu.


  • [1] Voir Note d'Actualité n°196 du 1er décembre-2009.
  • [2] Le clan chiite zaïdite des al-Houthis, aussi appelé les Al-Shabab al-Muminin (les jeunes croyants), est entré en rébellion en 2004. Il regrouperait plusieurs milliers de combattants commandés par Abdul-Malik al-Houthi ; son père Yahia Badreddin al-Houthi en est le leader spirituel. Ce mouvement est actif au nord-ouest du pays autour de la ville de Sa'dah. Il s'appuie sur les services secrets iraniens qui lui fournissent une aide logistique importante
  • [3] Il est possible que Righi ait été livré à l'Iran avant l'interception du Boeing kyrghize qui n'aurait alors servi que de scénario à présenter à la presse. Un élément va dans ce sens puisque Bichkek affirme qu'aucun passager ne manquait à l'appel à l'arrivée.



     
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