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19 mai 2010 3 19 /05 /mai /2010 21:03

Islamophobie: Les temps sont durs pour les musulmans en Occident 

19 mai, 2010
islamophobieLes croisades et l’invasion de l’Europe par les Turcs avaient déjà engendré une suspicion permanente entre le monde de l’islam et l’Occident. Ensuite, le colonialisme qui, sous le visage du christianisme, s’est imposé à l’Orient a aggravé le malentendu. J’insiste sur ce terme de malentendu car la vraie nature de l’islam et de l’Orient, comme celle de l’Occident et du christianisme n’ont rien d’antagoniste. Dans le passé ils ont beaucoup appris l’un de l’autre. Les guerres étaient économiques et politiques, mais comme les guerriers se réclamaient de l’islam et du christianisme, le conflit s’est étendu aux religions. Le 11-Septembre a tout précipité. Et ce pour deux raisons. D’abord, les terroristes qui ont mis en danger la vie d’innocents ont commis leur crime au nom de l’islam, dénaturant une religion qui prône miséricorde et compassion. Ensuite, ceux qui poursuivent des politiques bellicistes ont pris prétexte de ces crimes pour attiser une sorte d’islamophobie en Occident, justifiant leurs visées expansionnistes. Mohammad Khatami (le Monde, 28.09.06)
L’islamophobie (…) réfère à une hostilité non fondée et à la peur envers l’islam, et en conséquence la peur et l’aversion envers tous les musulmans ou la majorité d’entre eux. Il se réfère également aux conséquences pratiques de cette hostilité en termes de discrimination, préjugés et traitement inégal dont sont victimes les musulmans (individus et communautés) et leur exclusion des sphères politiques et sociales importantes. Ce terme a été inventé pour répondre à une nouvelle réalité: la discrimination croissante contre les musulmans qui s’est développée ces dernières années. Doudou Diène (rapporteur spécial des Nations unies, 2007)
L’équation fondamentale qui sous-tend ce soupçon est celle-ci : ‘Islam = non intégration + violence + antisémitisme + oppression de la femme. Laurent Mucchielli

 

On assiste à l’émergence d’une ‘nouvelle islamophobie’, rejet spécifique de l’Islam et de ses valeurs, distinct du ressentiment anti-immigrés, masqué sous les dehors d’une défense de la laïcité et des valeurs républicaines. Dans les deux cas c’est le contexte international qui viendrait altérer les perceptions des groupes en cause, avec l’amalgame entre musulmans, ‘islamisme’ radical et terrorisme d’un côté et entre juifs, Israéliens et ‘sonisme’de l’autre. Dans les deux cas, c’est l’autonomie de ces attitudes par rapport aux préjugés anciens, à fondements religieux, racial ou nationaliste, qui est postulée. Enfin tant le profil des judéophobes que des ‘islamophobes’ trancherait par rapport à celui des racistes ordinaires. Ces derniers sont socialement et culturellement défavorisés et plus nombreux à droite et à l’extrême droite. Ces nouveaux préjugés se développeraient au contraire dans les milieux intellectuels et cultivés, et dans les cercles de la gauche et de l’extrême gauche, parfois au nom même des valeurs laïques et antiracistes qu’ils défendent. Vincent Geisser

Le vote de la loi Stasi interdisant le port de signes religieux à l’école, loi souvent perçue comme ‘islamophobe’, a provoqué un débat plus large sur la place de l’Islam et l’intégration des musulmans dans la société française. Le débat s’est nourri de l’actualité internationale, avec en Irak la prise en otage des deux journalistes français Christian Chesnot et Georges Malbruneau durant l’été, et la solidarité manifestée par les musulmans de France à cette occasion, les attentats du 11 septembre à Madrid, l’assassinat du cinéaste Théo Van Gogh aux Pays-Bas par un fanatique musulman. Nona Meyer et Guy Michelat(Cevipof)

La requalification, par des chercheurs et des fonctionnaires onusiens, du racisme et de la xénophobie en « islamophobie » permet de ramener la question du racisme à une dimension étroitement religieuse, obligeant la victime à s’identifier elle-même prioritairement comme musulmane pour faire entendre sa voix citoyenne. Cette perspective induit inévitablement une visibilité de l’appartenance religieuse dans l’espace public où s’exprimeraient les discriminations et violences anti-musulmanes, cela autorise alors à cibler les pays laïcs cherchant à pacifier le “vivre-ensemble” en rendant leur espace public neutre en matière de religion. Barabara Lefèbvre

Victime des banques arrêté pour avoir voulu exercé, par voiture piégée interposée, son droit de réponse contre une chaine de télévision de Times Square ayant insulté le Prophète …

Père de famille nantais inquiété pour ses maitresses …

Femme en voile intégral trainée en justice pour avoir vengé son honneur bafoué dans un commerce de la région nantaise …

Réalisateur menacé pour avoir tenté de rétablir la vérité historique …

Activiste grossièrement diffamé, dans son éthique professionnelle et à la veille de son procès, par un film présenté à Cannes …

Militants molestés en Suède pour avoir tenté de corriger aux cris d’Allah akbar un dessinateur qui avait insulté leur religion …

Membres d’un mouvement pro-palestinien empêchés de défendre leurs idées par les forces de l’ordre à Montreuil …

Menaces d’interdiction des apéros géants du vendredi matin dans les rues du 18e arrondissement de Paris …

Iraniens expulsés de France pour avoir puni comme il se doit un ancien premier ministre du Shah ou pour simple shopping nucléaire …

Interdiction de hijab intégral pour joueuses de football iraniennes aux premiers Jeux Olympiques de la Jeunesse de Singapour d’août prochain …

Star de l’équipe de France de football honteusement conspué pour un mariage de quelques heures avec une call girl qui avait dépassé 17 ans …

Jeune collégien interpellé pour “jeux interdits”dans un cimetière de Tarascon …

Jeune fille poursuivie pour avoir manifesté un peu vigoureusement sa désapprobation suite au refus d’une conductrice de bus de la déposer là où elle voulait descendre …

Champions d’Europe privés de Coupe du monde pour cause de “caractère difficile, égo sur-dimensionné, absence de respect des autres et des coutumes en vigueur au sein de l’équipe de France” …

Lauréate du concours de beauté Miss America montrée du doigt
 pour une vielle vidéo de dance à la barre …

Porteuses de voile intégral enceintes soupçonnées
 de priver leurs futurs bébés de vitamine D …

Les temps sont durs, on le voit en ce jour où un projet d’interdiction du voile intégral est présenté en Conseil des ministres, pour les musulmans européens et occidentaux …

Montée des sentiments anti-islamiques suite aux restrictions sur le voile
Edward Cody
The Washington Post
15 mai 2010
traduit par Bivouac

Depuis qu’elle a commencé à porter le voile intégral il y a 6 semaines, nous dit Selma, les gens la fixent, froncent les sourcil ou marmonnent sur son passage, elle se fait traiter de fantôme, et un policier l’a forcée à soulever son voile pour montrer son visage.

«En Belgique, il est interdit d’afficher et de pousser ses convictions religieuses jusqu’à leur aboutissement logique», ajoute-elle. Cette jeune bruxelloise de 22 ans a demandé que son nom ne soit pas révélé pour éviter des problèmes à sa famille.

Les temps sont malaisés pour les 15 millions de musulmans d’Europe de l’Ouest, non seulement pour les fondamentalistes comme Selma, mais aussi pour la grande majorité de ceux qui veulent trouver leur place en tant que musulmans sans entrer en conflit avec les traditions séculaires et les traditions chrétiennes du continent qu’ils ont adopté pour y élire domicile.

En réponse à une vague de ressentiment qui traverse les sociétés européennes, plusieurs gouvernements ont commencé à légiférer et à imposer des restrictions sur la plus visible des pratiques islamiques : le voile intégral.

Sorti des lambris des parlements et des ministères, les sentiments anti-islamiques [en Europe] remontent à la surface en une déferlante d’insultes sur Internet ou d’attaques contre les symboles musulmans.

En Belgique, la Chambre des représentant a voté le 29 avril une interdiction du voile intégral en public, une décision qui en fait le premier pays d’Europe Occidentale à prendre une telle mesure. Certaines municipalités, dont Bruxelles, ont adopté des réglementations anti-voile au niveau local. Les législateurs expliquent qu’ils ont voulu envoyer un signal aux fondamentalistes musulmans, et préserver la dignité et le droit des femmes.

En France, reprenant les mêmes arguments, l’Assemblée Nationale a voté à une large majorité un texte déclarant le voile intégral “contraire aux valeurs de la république“. Les députés considèrent la décision comme un premier pas vers une loi similaire à celle votée en Belgique. Le gouvernement conservateur de Nicolas Sarkozy a déclaré son intention de faire voter une loi interdisant le voile, malgré l’avis contraire de la Cour Constitutionnelle française, qui juge une telle décision anticonstitutionnelle et contraire à la règlementation sur les droits de l’homme.

En France, pays où les musulmans sont estimés à 5 millions de personnes (la plus large communauté d’Europe), la population a apporté un large soutien à cette volonté affichée du gouvernement Sarkozy. De récents sondages indiquent que deux tiers des personnes interrogées sont en faveur d’une interdiction partielle ou totale du voile intégral.

Des propositions de loi identiques ont été déposées aux Pays-Bas et en Italie, bien que l’adoption de ces textes soit plus incertaine. Dans ces deux pays, plusieurs villes ont imposé des interdictions locales. Une immigrant tunisienne a ainsi récemment reçu une amende de 500 euros à Novara, dans le nord de l’Italie, pour avoir circulé dans la rue le visage couvert.

En Suisse, où la construction de minarets est interdite depuis novembre dernier, la ministre de la justice a déclaré que le gouvernement avait l’intention d’user des mêmes méthodes pour interdire le voile intégral.

Pour Isabel Soumaya [photo ci-contre], vice-présidente de l’Association des Musulmans de Belgique, seules quelques douzaines de femmes sur les 600.000 musulmans du pays, portent le voile intégral.

Convertie à l’islam il y a 20 ans, Soumaya porte un voile qui lui couvre les cheveux, mais pas de voile intégral. «En désignant du doigt ces femmes», déclare-t-elle, le législateur belge «exploite les peurs de l’électorat». «C‘est du racisme, et une forme d’islamophobie. Les tensions se font plus vives, déclare-t-elle, car les immigrés d’Afrique du Nord, venues dans les années 60 et 70, ont maintenant des enfants et des petits enfants qui ont grandi ici».

«Et, ajoute-elle, la 2e et la 3e génération de musulmans, n’ont pas l’intention de retourner en Afrique du nord et ne ressentent plus le besoin de baisser la tête comme leurs prédécesseurs».

(source) Traduit par Jeannot pour Bivouac-ID.

Voir aussi

L’Europe foyer du racisme anti islamique ?
Barbara Lefèbvre
Le Meilleur des mondes
Septembre 2007
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Le 14 septembre dernier, aux palais des Nations Unies à Genève, Doudou Diène a présenté au Conseil des droits de l’Homme son dernier rapport, publié le 21 août dans la perspective de cette 6ème session du CDH. Une fois encore, l’attention du Rapporteur spécial s’est fixée sur « l’islamophobie » décrite comme la forme de racisme ayant le plus progressé « depuis les évènements du 11 septembre ». Aux fins d’objectivité, il n’ignore pas les autres formes de racisme puisqu’il précise en introduction qu’il « n’établit aucune hiérarchie dans la discrimination qui vise les différentes religions » ; il évoque l’antisémitisme et la « christianophobie », non sans ambiguïté. Néanmoins, en étudiant ce texte, on relève que selon Doudou Diène c’est l’Islam et les musulmans qui sont aujourd’hui les principales victimes du racisme dans le monde, ou plus exactement dans la sphère occidentale. Sur les 48 paragraphes consacrés aux « formes de discrimination des religions », 21 concernent ce qu’il nomme « l’islamophobie », 7 à l’antisémitisme, 5 à la « christianophobie » et 6 pour « les autres formes de discriminations religieuses » (hindouisme, bouddhisme, syncrétismes etc.)

Le plus frappant reste la localisation du phénomène « islamophobie ». Comme dans tous les précédents rapports rédigés par M. Diène depuis 2002, celui de la 6ème session cible les démocraties occidentales, singulièrement l’Europe qui apparaît comme le foyer du racisme anti-islamique. On trouvera dans la réception du rapport par l’Assemblée du CHD un indice de son objectivité : un concert de félicitations chaleureuses et de surenchères d’exemples accusant l’Occident, venues de « démocraties » où le racisme n’existe pas telles que l’Iran, l’Algérie, la Syrie, le Soudan, rejointes par des nations membres du groupe des Non Alignés. Seuls la Belgique et les Pays-Bas ont critiqué ouvertement le rapport, la France, plus timide, s’est contentée d’une clarification sur les points du rapport la concernant.

Doudou Diène reprend dans le rapport d’août 2007, l’essentiel de ce qu’il écrivait déjà en 2003 et les années suivantes. Son constat demeure inchangé et se résume ainsi : après les attentats du 11 septembre 2001, une vague d’islamophobie a submergé le monde occidental où l’on assimile désormais islam et terrorisme, musulman et auteur potentiel d’attentat. La profondeur de cette « islamophobie » est telle qu’au fil des ans ce racisme a gagné les classes politiques, intellectuelles et médiatiques des démocraties occidentales conduisant à la stigmatisation et à la discrimination institutionnalisées des minorités musulmanes. Son constat est partagé par l’ensemble des pays membres du NAM (Mouvement des Non Alignés), soit 69% des membres de l’ONU, et de l’OIC (Conférence des Organisations islamiques)(1).

Qu’est-ce que « l’islamophobie » selon le Rapporteur spécial ?

Comme le rappelle Malka Marcovich, le concept d’islamophobie a fait son apparition dès le lendemain des attentats du 11 septembre, par la voix du président iranien Khatami qui voyait dans le 11/09 le début d’un courant anti-musulman conduit par l’Occident. La guerre contre le terrorisme est alors devenue l’argument récurent pour expliquer le racisme anti-musulman occidental. Les gouvernements occidentaux profiteraient du contexte international pour réprimer leurs minorités musulmanes.

Le prédécesseur de Doudou Diène, Maurice Glélé-Ahanzo l’affirme déjà dans son rapport de mars 2002, tout comme le Rapporteur spécial contre le terrorisme, Martin Sheinin, en octobre 2006. En 2004, M. Diène proposait à la CDH une définition qu’il réitère cette année : « Ce terme réfère à une hostilité non fondée et à la peur envers l’Islam, et en conséquence la peur et l’aversion envers tous les musulmans ou la majorité d’entre eux. Il se réfère également aux conséquences pratiques de cette hostilité en termes de discrimination, préjugés et traitement inégal dont sont victimes les musulmans (individus et communautés) et leur exclusion des sphères politiques et sociales importantes. Ce terme a été inventé pour répondre à une nouvelle réalité: la discrimination croissante contre les musulmans qui s’est développée ces dernières années ».

Nier l’existence d’un racisme à l’égard des individus de culture musulmane serait faux, mais ce qui pose problème dans cette définition c’est l’essentialisation opérée par le qualificatif « musulmans ». Cela induit en effet que chaque individu s’identifie lui-même et est identifié par la collectivité en fonction de son appartenance religieuse. Comment M. Diène peut-il caractériser certaines discriminations comme relevant de l’islamophobie et non du racisme au faciès le plus courant ? Parce qu’il semble que pour le Rapporteur spécial, la religion est l’identifiant primordial d’un individu. Ainsi, pour désigner les victimes du racisme, le mot « citoyen » n’apparaît nulle part dans son rapport. Cela est révélateur de l’inquiétante focalisation du CDH sur la dimension religieuse de tous problèmes politiques, économiques ou sociaux. Cette attention est le résultat pour partie de l’action des pays membres de l’OIC ayant entamé, depuis 2001, un efficace lobbying pour voir « la diffamation des religions » (entendre l’islam) définie comme un racisme.

En France, le terme « islamophobie » a été popularisé fin 2003 par Vincent Geisser dans un ouvrage intitulé La nouvelle islamophobie, se voulant une réponse à l’étude de Pierre-André Taguieff sur les nouvelles formes de l’antisémitisme, La nouvelle judéophobie publiée en 2002. Cette mise en regard n’est pas un hasard et se retrouve dans les assemblées onusiennes de Genève comme dans les rapports de M. Diène. Par le parallèle entre antisémitisme et « islamophobie » est établie, en creux, une concurrence visant à valoriser l’importance du second phénomène. La hiérarchisation entre les racismes est donc pratiquée par le Rapporteur spécial bien qu’il s’en défende. En minimisant la portée et la réalité des nouveaux visages de l’antisémitisme, M. Diène, à l’instar de l’OIC, espère porter davantage l’attention de l’opinion sur ce qui est tenu, désormais, au CDH, pour la véritable mutation contemporaine du racisme : « l’islamophobie ». Souvent, cela conduit à dévoyer et instrumentaliser la définition de l’antisémitisme pour l’appliquer à la rhétorique raciste anti-islamique. Ainsi, à l’ONU, des pays comme la Syrie, l’Egypte ou l’Algérie énoncent régulièrement que « les Arabes » sont, autant que les Juifs, victimes de l’antisémitisme puisqu’ils sont « des Sémites ». On ne reprendra pas ici le non-sens de l’analogie. Rappelons simplement que le mot « antisémitisme » fut inventé en Europe à la fin du 19ème siècle, époque où la terminologie racialiste est omniprésente pour caractériser les groupes humains. Mais le sens du mot se limite au racisme anti-juif tel qu’il est apparu à l’époque contemporaine, mêlant les caractères de l’anti-judaïsme religieux à des considérations politiques (les Juifs comme peuple et non comme religion) décrivant les Juifs comme un peuple perverti, cosmopolite, comploteur et oppresseur par excellence.

La requalification, par des chercheurs et des fonctionnaires onusiens, du racisme et de la xénophobie en « islamophobie » permet de ramener la question du racisme à une dimension étroitement religieuse, obligeant la victime à s’identifier elle-même prioritairement comme musulmane pour faire entendre sa voix citoyenne. Cette perspective induit inévitablement une visibilité de l’appartenance religieuse dans l’espace public où s’exprimeraient les discriminations et violences anti-musulmanes, cela autorise alors à cibler les pays laïcs cherchant à pacifier le « vivre-ensemble » en rendant leur espace public neutre en matière de religion.
Qu’entend le Rapporteur spécial par « diffamation des religions » ?

La première partie du rapport est consacrée au « contexte politique et idéologique actuel » dont M. Diène nous indique qu’il est marqué par « une tendance croissante » à la « diffamation des religions ». Rien de nouveau, ces précédents rapports relevaient déjà ce point, en écho aux demandes de résolution présentées à plusieurs reprises par l’OIC depuis 2003 visant à « lutter contre la diffamation des religions ». Celles-ci ont abouti à la suite de l’affaire des caricatures fin 2005 qui a constitué pour le CDH l’illustration de « l’islamophobie » occidental contre laquelle il fallait concentrer l’action onusienne toute affaire cessante (le Soudan, le Tibet, Cuba, la Tchétchénie, etc.)

En mars 2007, lors de la 4ème session du CDH, une résolution présentée par le Pakistan au nom de l’OIC est adoptée(2). Elle rappelle la « profonde préoccupation face à la montée de la discrimination à l’égard des musulmans » exprimé par la Conférence islamique de décembre 2005 (on relèvera l’indétermination, notamment géographique, de cette « montée »). L’affiliation de l’islam « avec le terrorisme, la violence et les violations des droits de l’homme » est dénoncée comme caractéristique de ces attaques. Cette résolution commandait également au Rapporteur spécial, M. Doudou Diène, de se pencher sur « toutes les manifestations de la diffamation des religions et en particulier sur les incidences graves de l’islamophobie sur l’exercice de tous les droits ».

Dans son rapport, M. Diène décrit le contexte prévalant à cette « diffamation des religions » qui, au fil des pages, se transforme en « discrimination religieuse ». Il y stigmatise les démocraties occidentales où « la banalisation du racisme et de la xénophobie par leur instrumentalisation politique et électorale » a conduit les partis, les médias et finalement les opinions publiques à se rallier aux arguments des « promoteurs d’idées nationalistes et d’extrême-droite » ; les « partis démocratiques traditionnels » étant selon M. Diène « de plus en plus nombreux » à cibler « les minorités ethniques et religieuses, et les immigrés et réfugiés en particulier ». Ainsi, se dessine l’image de pays occidentaux n’ayant plus de démocratique que le titre tant ils apparaissent gangrenés par le racisme véhiculé par « le concept manichéen d’un choc des civilisations et des religions ». Ce concept est, d’après le Rapporteur spécial, totalement intégré au « mode de pensée et à la rhétorique des élites politiques, intellectuelles et médiatiques ».

Doudou Diène, passant de la diffamation à la « discrimination religieuse », considère qu’elles relèvent toutes deux d’une « violence idéologique encouragée par des élites », le « rôle légitimant de la violence intellectuelle » banaliserait alors le racisme anti-religieux et favoriserait le passage à l’acte : « agressions contre les adeptes d’une religion ou attaques contre leur lieu de culte et de culture et, de plus en plus leur utilisation de signes religieux ».

Selon le Rapporteur spécial, la « diffamation des religions » joue donc un rôle éminent « dans la légitimation des discours discriminatoires et racistes » qui semblent être la prérogative des démocraties occidentales. De ce fait, l’équation « diffamation des religions = racisme » est admise par les institutions onusiennes, étant entendu que le sens du mot « diffamation » n’est jamais éclairci. Il semble que le terme s’étende au-delà du sens originel (porter atteinte à l’honneur, à la réputation de quelqu’un) pour qualifier toutes les formes de critiques politiques ou philosophiques d’une religion. Les écrivains, journalistes, essayistes qui émettent, en particulier, des critiques sur l’instrumentalisation politique d’une religion à des fins de haine et de terreur doivent être mis à l’index puisqu’en vertu de cette nouvelle norme internationale, ils portent atteinte « à l’honneur de l’ensemble d’une communauté religieuse ». L’Inquisition, version ONU-Genève 2007 !

Les combats démocratiques qui furent menés pour la liberté de critiquer les dérives du pouvoir religieux, notamment en Europe, au cours des siècles passés, que des hommes et des femmes mènent encore au péril de leur vie dans de nombreux pays, sont battus en brèche par le CDH onusien sous la pression d’une majorité de membres y instrumentalisant le droit international pour y voir valider leur vision sociale et politique d’un autre âge.

Ce qui est extrêmement inquiétant, c’est la régulière mise en accusation de la liberté d’expression par le Rapporteur spécial, rejoignant ici la Rapporteure spécial sur la tolérance religieuse, Asma Jahangir et le Rapporteur spécial sur la liberté d’expression, Ambeyi Ligabo. Tous deux observent, en Occident, une « instrumentalisation croissante de la liberté d’expression » visant à diffamer l’islam et les musulmans et à rendre acceptables les discriminations et agressions à leur encontre. Au sein du CDH, dans la perspective ouverte par le lobbying de l’OIC, l’objectif de ces émissaires est de contraindre les pays démocratiques à limiter la liberté d’expression en terme de critique des religions, en l’occurrence l’islam. Pour cela, dès son introduction, Doudou Diène « appelle tous les acteurs concernés à s’interroger sur la complémentarité entre la liberté d’expression et la liberté de religion et sur l’équilibre à préserver entre ces deux droits ». La formulation est habilement jargonneuse mais illustre la confusion, entretenue et volontaire, entre le droit à la critique d’une religion et le droit de culte. Dans quel pays d’Europe, M. Diène a-t-il constaté des législations interdisant à des fidèles de pratiquer individuellement et collectivement leur culte ? Les quelques débats municipaux qu’il évoquent relatifs à l’érection de minaret n’ont pas conduit pour autant au strict refus de construire de mosquées. Lorsque ce fut le cas, les communautés ont eu recours à la justice administrative.

Le racisme anti-musulman intrinsèque à l’Europe

Malka Marcovich l’a souligné dans sa synthèse : depuis 2003, Doudou Diène réitère les mêmes constats sur cette « violence intellectuelle » censée légitimer la diffamation des religions, banaliser et encourager le racisme anti-musulman. Cette « légitimation intellectuelle du racisme » (rapport 2004), il la voit à l’œuvre spécifiquement dans les démocraties occidentales.

Il convient de souligner la méthode et la rhétorique du Rapporteur spécial. Ces constats restent d’ordre général et, concernant « l’islamophobie », ne sont incarnés qu’au travers d’exemples européens. Ainsi, en terminant la lecture de ce rapport, le lecteur a le sentiment que les faits présentés au fil des pages ne sont imputables qu’à l’espace civilisationnel occidental. Et cela, bien que M. Diène s’insurge contre la vision d’une « civilisation européenne » fondée sur « le dogme du caractère chrétien » qu’il affirme très prégnant au sein des sociétés européennes. M. Diène ne s’attarde pas sur la distinction entre les pays européens où l’imprégnation religieuse est très variable. En effet, quel point commun entre les sociétés hollandaise ou française largement athées et la société polonaise profondément catholique?

D’un côté, donc, M. Diène décrit une Europe en proie à une « crise de l’identité européenne » dont « témoigne la montée de l’islamophobie ». Une Europe qui apparaît campée sur des positions rétrogrades tel le nationalisme, toujours présenté comme négatif puisqu’associé aux courants d’extrême-droite, et l’ethnocentrisme (« une idéologie manichéenne du type guerre froide (…) le nous face à eux, les lumières face à l’obscurantisme, la civilisation face à la barbarie »). De l’autre, il entend démontrer que l’Europe ne peut revendiquer une identité propre puisque « la place de l’islam est une question de plus en plus centrale dans la construction de la nouvelle identité européenne ». Selon lui, des forces travaillent à ralentir l’évolution inéluctable de ce qu’il nomme « le multiculturalisme » : « la reconnaissance et l’acceptation de l’identité multiculturelle de la nouvelle Europe ont également été freinées ». Les mots employés par M. Diène pour décrire ce qu’il appelle « la crise de l’identité européenne » peuvent sembler anodins, mais ils suggèrent en fait une alliance idéologique contre-nature entre les mouvements nationalistes d’extrême-droite et ce qu’il qualifie de « rhétorique laïciste virulente », dirigée exclusivement contre l’islam.

M. Diène ne perçoit visiblement pas que « l’identité européenne », que défendent les démocrates en s’insurgeant contre les intégrismes religieux, est fondée non pas sur la culture chrétienne ou le rejet de l’Autre, mais sur une longue histoire de luttes pour la paix et le respect des droits humains. Cette identité européenne là, a de quoi nous rendre fiers, et elle s’incarne notamment, depuis 1957, dans le projet européen.

M. Diène ajoute que « l’islamophobie » est si anciennement ancrée sur le continent européen que nos sociétés ne peuvent s’apercevoir de l’enracinement du racisme antimusulman. Son travail consiste à nous ouvrir les yeux. Ainsi pour replacer les faits dans la longue durée : « l’islamophobie se caractérise en Europe par sa profondeur historique ». Il remonte au temps des croisades, et dans un rapport de février 2006 à la Reconquista du 15ème siècle. Il souhaite éclairer le lecteur sur les racines de ce racisme que nous aurions tort de considérer comme nouveau puisqu’il est presque aussi ancien que l’Europe. Et le Rapporteur spécial de s’improviser psychanalyste de l’inconscient des masses, nous serions face au « retour du refoulé historique de l’imaginaire islamophobe en Occident » (2006). Il reprend l’exemple du « refoulé » des croisades moyenâgeuses dans son rapport d’août 2007 mais complète sa « réflexion » : « Si au cours des siècles passés, le moteur de l’islamophobie était la religion, il semble que ce soit la dimension politique qui domine aujourd’hui ». On ne peut s’empêcher de reconnaître le procédé créant une analogie entre l’antisémitisme occidental et ce qu’il nomme « islamophobie ». Quant au « refoulé » de l’esprit de croisades, on pourrait conseiller à M. Diène de visiter quelques collèges et lycées de France, d’Italie ou du Royaume-Uni pour qu’il constate la réalité des connaissances historiques de la jeunesse européenne sur les croisades, bien loin – et c’est heureux – d’être galvanisée par les récits de leurs professeurs à la gloire des moines-soldats et autres chevaliers progromistes.

Dans le rapport présenté à la 6ème session, les quelques exemples précis « d’islamophobie » donnés par M. Diène concernent toujours un pays européen, puisque c’est là que se trouvent les fondamentaux de ce racisme anti-musulman :

* La « légitimation de la violence intellectuelle », traduire par libre exercice du droit à critiquer les religions, M. Diène confondant a priori islamisme et islam.
* L’instrumentalisation de la guerre contre le terrorisme pour « restreindre ou méconnaître l’exercice des droits civils et politique » des minorités musulmanes ; il précise que les « droits économiques, sociaux et culturels, en particulier ceux des minorités, des immigrés et des étrangers, ont été délibérément bafoués ou relégués au second plan au nom de la protection de l’identité nationale ».
* Le « refus de la diversité » avec une « défense de l’identité fondées sur des valeurs intangibles ». Selon M. Diène, « la montée de l’islamophobie témoigne d’une crise de l’identité européenne », par le « rejet dogmatique du multiculturalisme », « la reconnaissance et l’acceptation de l’identité multiculturelle de la nouvelle Europe ont également été freinées ». Il faut entendre par « multiculturalisme » non pas la prise en compte de la diversité ethnique et culturelle européenne, mais l’acceptation d’une équivalence en droit entre les valeurs démocratiques universelles adoptées au cours de l’histoire européenne et des valeurs religieuses prétendument fondées sur une vérité révélée.
* Une « opinion publique prédisposée à se montrer discriminatoire à l’égard d’une communauté religieuse ».
* Cette prédisposition s’expliquant par l’activisme idéologique de « certains prétendus intellectuels et observateurs politiques et sociaux » qui tiennent des « propos explicitement diffamatoires à l’égard de l’islam » en associant « islam et terrorisme » et par « la manipulation et citation sélective de textes sacrés, en particulier du Coran »
* Cette propagande « islamophobe » largement pratiquée en Europe est due à la recrudescence d’une « rhétorique laïciste virulente entraînant une plus grandes discrimination des musulmans ».

Le tableau, dressé par M. Diène au fil de son rapport, sur le climat régnant en Europe est quasiment apocalyptique en matière de respect des droits de l’Homme. A le lire, on se demande pourquoi l’Europe continue d’être une terre d’asile et d’exil rêvée pour des milliers de migrants venus du monde musulman en quête d’un refuge ou d’un emploi ? Si personne, a fortiori la LICRA qui lutte depuis 80 ans contre le racisme, ne pourrait nier l’existence de mouvements racistes et la réalité de pratiques discriminatoires en Europe, on ne peut souscrire à l’outrance de la description faite par le Rapporteur spécial. Il dépeint des sociétés européennes où règne une violence raciste permanente, « institutionnalisée » et largement diffusée par des « élites » manipulatrices et acceptée par une opinion publique travaillée par des « peurs anciennes qui découlent soit de l’ignorance soit d’un esprit de croisade refoulé ».

M. Diène affirme avoir constaté une recrudescence des « violences et voies de fait dont leurs lieux de culte, leurs centres culturels, leurs commerces et entreprises et leurs biens sont la cible depuis les évènements du 11 septembre ». Plus loin, il prévient de l’imminence d’une « violence religieuse perpétrée sur une grande échelle, comme les massacres et les pogroms ». Aux agressions physiques contre des femmes dont on arracherait le voile « en public », s’ajoutent la difficulté pour les seules minorités musulmanes européennes « d’observer leurs pratiques religieuses (régimes alimentaires, rites funéraires etc.) ». Le « etc. » comprend bien entendu la question du port du hijab, le voile islamique, dans certains espaces publics et pour les agents de l’Etat.

Nous l’avons compris, la laïcité est la cible principale du Rapporteur spécial, rejoignant ici les pays musulmans membres du NAM et bien sûr de l’OIC, qui multiplient depuis des années leurs attaques contre le principe de laïcité qui ne serait rien d’autre que discriminante et raciste. Doudou Diène écrivait dans un précédent rapport que « la laïcité avait mené à la suspicion de la croyance religieuse ».

La France, une cible de choix pour M. Diène

On a vu que le Rapporteur spécial s’attache à identifier « islamophobie » et Europe, par extension « espace occidental », mais un pays semble particulièrement ciblé au fil du rapport par des citations directes ou des formules permettant son identification. La France est en effet le seul exemple récurent du rapport, tandis que des faits relevant de « l’islamophobie » en Allemagne, Suisse, Pologne ou aux Pays-Bas ne font l’objet que d’une citation. C’est qu’en France, la situation est grave : il y existe une véritable « islamophobie » d’Etat !

Doudou Diène affirme qu’en Europe, les « partis démocratiques » ont intégré dans leurs programmes les idées émanant de « plates-formes racistes et xénophobes ». Ces partis « démocratiques traditionnels sont maintenant de plus en plus nombreux à avoir recours au langage de la crainte et de l’exclusion, prenant pour cible les minorités ethniques ou religieuses en général, et les immigrés et réfugiés en particulier ». On ne peut s’empêcher d’y lire une critique de la campagne présidentielle française au cours de laquelle le candidat Nicolas Sarkozy fut largement accusé d’utiliser le langage du Front National.

M. Diène se garde de toute critique frontale contre les régimes autoritaires d’Amérique du sud, d’Asie ou d’Afrique, mais n’épargne pas ces démocrates occidentaux qui « compromettent les droits de l’homme ». en prétextant « protéger la sécurité nationale, des gouvernements ont adopté des politiques qui servent dans la pratique à restreindre ou méconnaitre l’exercice des droits civils et politiques (…) et économiques, sociaux et culturels, en particulier ceux des minorités , des immigrés et des étrangers ». M. Diène appuie son affirmation en précisant que ces droits ont été « bafoués ou relégués au second plan au nom de la protection de l’identité nationale ».

Cette formule qui a fait tant débat en France tout au long de la campagne présidentielle est répétée à maintes reprises dans le rapport permettant au lecteur d’identifier la France comme un de ces Etats officiellement discriminant. C’est un droit, voire un devoir citoyen, de critiquer l’usage politicien du concept d’ « identité nationale ». On est libre de regretter de la voir accolée au nom d’un ministère, de trouver que sa proximité avec le terme « immigration » est plus que maladroite, néanmoins l’idée d’une « identité nationale » n’est pas une ineptie. Elle doit être pensée non comme exclusive et xénophobe, mais en tant que notion sociopolitique, avec des termes permettant de rendre compte de la construction historique d’une identité française ayant donné le jour à notre démocratie moderne. Cette identité française républicaine est constituée de valeurs humaines universelles, dont la laïcité est une des clés de voute. Ces valeurs doivent être comprises, admises et transmises par toute personne aspirant à vivre en France. Mais M. Diène préfère voir dans l’expression « identité nationale » un visage du racisme occidental.En effet, selon son analyse, accepter les principes et les lois du pays d’accueil n’est pas une requête recevable s’il faut en passer par le renoncement ou l’adaptation de certaines de ses traditions coutumières ou culturelles incompatibles avec les valeurs nationales de la société d’accueil. Pour le Rapporteur spécial, une telle exigence est signe « d’islamophobie » : « il s’ensuit un discours qui cherche bien souvent à convaincre les musulmans établis à l’étranger qu’ils doivent ‘assimiler’ les cultures locales, en leur demandant implicitement ou explicitement de renoncer à leur patrimoine culturel et religieux, voire à leur visibilité ». La polygamie, le mariage forcée, le crime d’honneur et autre lapidation, la stigmatisation du corps féminin comme objet de convoitise à cacher sont-ils véritablement les clefs de voute du patrimoine islamique ? Ce serait insulter l’islam et ses croyants que l’insinuer comme le fait involontairement M. Diène. Beaucoup de dissidents de pays musulmans autocratiques luttent chaque jour contre ces pratiques rétrogrades, mais à Genève, dans le confort feutré du CDH, c’est le différentialisme qui règne et conduit à qualifier les démocraties d’intolérance.

Plus loin, ce point est repris : « des questions comme l’immigration, l’identité nationale, la sécurité nationale et la lutte contre le terrorisme sont groupées dans une même rhétorique politique qui sert à justifier une discrimination ouverte à l’égard des musulmans, qu’il soient ou non citoyens du pays ». Pour appuyer son propos, le Rapporteur spécial vise et dénonce « les tentatives de plusieurs pays pour se doter d’un organisme gouvernemental chargé de l’identité nationale et de l’immigration, dont la plus récente est celle de la France ». Pour le Conseil des droits de l’homme qui a validé le constat et félicité son Rapporteur spécial, le ministère français de Brice Hortefeux est une illustration de la «tendance islamophobe » qui se trouve « légitimée idéologiquement » par ce type de structures étatiques.

La France est clairement nommée à deux autres reprises pour des faits « islamophobes » datant de 2006 : l’affaire des 72 (sur 83 000 salariés) employés bagagistes de la zone aéroportuaire de Roissy et la tentative d’incendie criminelle de la mosquée de Quimper. Ces exemples sont donnés sans préciser les faits, les actions en justice des personnes incriminées ou victimes, ou les résultats d’enquête.

La République française est également ciblée à travers les accusations contre le « laïcisme antireligieux » dont elle semble être l’incarnation. M. Diène évoque « une forme particulièrement préoccupante de discrimination à l’égard de l’islam » dans ce qu’il nomme « une hostilité croissante qui vise les signes religieux ». Il relève l’action « en France et en Allemagne de groupes d’extrême droite faisant ouvertement campagne – parfois avec succès – contre la construction de mosquées ». Là encore, ni fait précis, ni exemple daté ne sont rapportés, l’objectif étant de créer le sentiment que, dans ces pays, les institutions démocratiques sont gangrénés par le racisme antimusulman, à l’échelle locale comme nationale. Inutile donc pour M. Diène de rappeler et valoriser les mécanismes de régulation administrative et judiciaire propres à un Etat démocratique qui permettent à toute personne ou communauté religieuse organisée s’estimant discriminées de faire valoir ses droits.

La législation française est mise en cause indirectement lorsque le Rapporteur spécial pointe « la violence idéologique institutionnalisée par des règles écrites ou tacites et par des comportements qui se traduisent dans la pratique par une discrimination sociale et des restrictions à la liberté de religion. Outre les législations de plus en plus ouvertement discriminatoires, différentes mesures » sont évoquées sans précision supplémentaire de l’auteur du rapport, elles viseraient pourtant à restreindre « l’utilisation de signes religieux ». On ne peut s’empêcher d’ y lire une critique de la loi du 15 mars 2004 sur l’interdiction du port ostensible de signes religieux par les élèves dans les établissements publics.

L’enjeu de l’« utilisation de signes religieux » est évoqué à plusieurs reprises par M. Diène, il est intéressant de relever le terme « utilisation ». En effet, un signe religieux se porte, mais quel sens lui donner s’agissant de « utiliser » ? Quelle fin précise sert-il ? Exposer et afficher physiquement vis-à-vis d’autrui qui l’on est, ou servir un culte ? Dans le cas du hijab, son port n’a aucun caractère d’obligation dicté par le droit coranique, il résulte d’une interprétation des textes religieux et d’un usage coutumier visant à limiter la visibilité de la femme dans l’espace public. Néanmoins, dans les pays démocratiques où la religion islamique est minoritaire, il a aussi une vocation de prosélytisme. Il sert de porte-drapeau à la diffusion d’un islam politique, d’abord en direction de coreligionnaires dont les islamistes estiment qu’ils ne pratiquent pas « le vrai islam ». Dans ce cas, il est « utilisé » par les femmes qui l’arborent pour imposer dans l’espace public la vision intégriste de la femme, espérant qu’elle devienne par capillarité et habitude, le signe, voire l’insigne, de LA femme de culture musulmane. M. Diène ne semble jamais dans son rapport entrevoir la possibilité que le signe religieux puisse être oppressif ou discriminant pour celui qui le porte, il s’agit pour lui de l’expression d’un libre choix. Sa connaissance sociologique des populations qu’il dit défendre ne semble donc pas entière.

Pour le Rapporteur spécial, toute entrave à « la visibilité » religieuse est un signe de racisme anti-musulman. Il insiste sur une agression qu’il qualifie de « fréquente » consistant à « arracher aux musulmanes leur hijab (foulard) en public, en accompagnant habituellement ce geste d’insultes et de menaces ». M. Diène se garde de donner des précisions sur ce fait grave, l’idée étant de laisser penser que ces comportements répréhensibles sont si courants en Europe qu’il n’est pas nécessaire de les localiser. De même, il choisit d’ignorer les rendus de justice qui auraient rétablies ces victimes dans leur droit de se promener librement coiffées d’une voile islamique. Rappelons que selon le Rapporteur spécial, c’est « la rhétorique laïciste virulente en train de prospérer » qui conduit à « une plus grande discrimination des musulmans ».

Cette présentation de la situation française paraît aujourd’hui validée par les instances onusiennes. On la retrouve ainsi dans le compte-rendu réalisé le 28 septembre dernier par Madame Gay J. Mc Dougall, Experte indépendante des Nations Unies sur les questions relatives aux minorités. Après une semaine en France (Paris, Marseille, Strasbourg et leurs banlieues) fin septembre au cours de laquelle elle a rencontré des représentants du gouvernement, des ONG, des associations, des chefs religieux et diverses personnalités, elle dresse un tableau inquiétant du sort des « nouvelles minorités » à savoir les « populations d’origine nord-africaine, d’Afrique sub-saharienne, les musulmans et celles originaires des DOM-TOM ». Les migrants asiatiques ou est-européens, et leurs descendants nés en France, ne sont pas du tout évoqués, ils semblent épargnés ! En revanche, les minorités précitées « en dépit de leur grand attachement au principe d’égalité et aux valeurs de la France » sont victimes d’une situation catastrophique : « discrimination raciale », « aucun espoir de promotion sociale en raison de la couleur de leur peau, de leur religion, de leur nom de famille ou de leur adresse », des populations « piégées dans des ghettos urbains » qui « se sentent rejetés par une conception rigide de l’identité nationale française qui ne leur correspond pas ».

Madame Mc Dougall met en cause l’opinion publique française et l’Etat en ajoutant que la discrimination est « répandue, enracinée et institutionnalisée ». La France a inscrit dans sa Constitution « la promesse d’égalité » mais selon l’Experte indépendante, ce n’est qu’une « vision et non pas la réalité de la France moderne ». Mais connaît-elle un Etat démocratique où règne une parfaite égalité entre ses citoyens ? Madame Mac Dougall feint d’ignorer qu’une démocratie, consciente de ses imperfections, inscrit ses idéaux dans ses principes fondamentaux afin de s’attacher à leur complète réalisation. Seuls les régimes autocratiques ou totalitaires sont convaincus de la perfection de leur mode de gouvernement et ne se remettent jamais en cause. Que dire de la notion d’égalité dans les constitutions cubaine ou iranienne ?

Personne, la LICRA moins encore que tout autre organisme, ne peut nier la réalité des discriminations vécues par les populations vivant dans les quartiers de relégation sociale que sont les banlieues des agglomérations ou certains quartiers des grandes villes. Il convient de déployer tous les efforts politiques et économiques, à l’échelle locale comme nationale, pour y remédier. Mais les victimes de ces discriminations ne sont pas qualifiables exclusivement à travers un critère ethnique ou religieux contrairement à la méthode de Madame Mc Dougall. Il existe aussi dans ces quartiers populaires d’autres citoyens victimes de cette discrimination socio-économique : Français de plusieurs générations, Français d’origine sud-européenne ou issus de famille rapatriées d’Afrique du Nord, récents migrants asiatiques, sud-américains ou européens. Mais ceux-là n’interpellent pas l’Experte indépendante de l’ONU qui, à l’instar de Doudou Diène, demeure concentrée sur les populations issues des anciennes colonies françaises.

Même si cela n’est pas explicitement évoqué, on comprend que ces observateurs lisent les crises sociales françaises à l’aune des théories des post-colonial studies. Ces dernières sont intéressantes, mais plus complexes que la lecture qui en est faite par ceux qui sont en quête d’une cause et d’une grille de lecture uniques aux problèmes de société traversés depuis quinze ans par tous les pays d’accueil de migrants, qu’ils aient été ou non une ancienne puissance coloniale (voir les cas du Canada, de l’Italie ou du Danemark).

Autre facteur d’explication régulièrement invoqué par M. Diène : les effets du 11 septembre et de la « guerre mondiale contre le terrorisme ». Comme on l’a vu, les vraies victimes en sont les populations musulmanes vivant dans les démocraties ciblées par les terroristes islamistes. Si les problèmes d’intégration des migrants récents et de leurs enfants nés dans le pays d’accueil sont, certes, aggravés par les tensions géopolitiques internationales. L’explication demeure sommaire !

Pour régler tous ces problèmes, Madame Mc Dougall et M. Diène ont la solution : « la discrimination positive » et pour qu’elle s’applique à ceux qui en ont « vraiment » besoin, « la société française » ne doit pas percevoir « comme une menace (…) la reconnaissance de l’origine ethnique, de la religion et de l’héritage de chacun ». Revoilà l’idée de fichiers et quotas ethniques. A quand la mention religieuse sur la carte d’identité ? Se trouve ainsi répudiée l’idée républicaine égalitaire selon laquelle c’est le mérite et la volonté individuelle qui doivent être récompensés et non une gratification socio-économique en fonction de l’origine culturelle. Mais c’est l’objectif des partisans du multiculturalisme version différentialiste aujourd’hui aux commandes des sous-commissions des Nations Unies et qui se voient systématiquement félicités et missionnés par les délégués des autocraties siégeant à l’ONU ou au CDH.

Enfin, on est étonné d’apprendre en fin de compte-rendu que l’Experte indépendante se penchera dans son rapport intégral présenté au CDH sur les situations des « Roms, des Bretons et de la communauté juive ». Pourquoi ces trois groupes ? Impossible d’en savoir davantage. Quid des Corses, des Basques, des Auvergnats, des Chtis, des Bouddhistes, des Sikhs, etc. ?

Les démocraties islamophobes s’exposent aux représailles …

Dans son rapport, M. Diène entend aussi alerter les pays abritant des minorités musulmanes discriminées : « la montée de l’islamophobie augmente les risques de troubles sociaux ». A-t-il à l’esprit les émeutes françaises de novembre 2005 dont les motivations et les facteurs de déclenchement sont demeurés obscurs à l’opinion comme aux politiques ?

Selon le Rapporteur spécial, « l’exclusion » s’aggravant est un « cercle vicieux » qui va « conduire en fin de compte à l’extrémisme ». Ce serait le « sentiment d’infériorité culturelle et de vulnérabilité sociale chez les jeunes musulmans » qui place les plus «marginalisés » sous la férule de « certains groupes qui leur offrent une identité réaffirmée et des motifs de fierté ». Qui sont précisément ces « groupes » ? Quels sont leurs objectifs ? Et de quels « motifs de fierté » s’agit-il ? Nous ne le saurons pas. Quoiqu’il en soit, le message est clair : le développement du radicalisme islamiste chez les jeunes générations et les risques potentiels qu’ils font courir à leurs concitoyens dans le cas d’un prosélytisme djihadiste, sont en tout premier lieu imputables à la société d’accueil raciste et discriminante. Le même argument invoqué immédiatement après les attentats du 11 septembre est repris : les Etats-Unis avaient payé au prix fort leur impérialisme outrancier et leur légèreté géostratégique au Moyen-Orient.

Le propos de M. Diène vise à culpabiliser les démocraties et à déculpabiliser ceux qui en contestent les fondements et le mode de vie au nom de la différence culturelle. Si l’universalité des droits humains est parfois maladroitement invoquée par les Etats occidentaux, cela ne remet pas en cause sa validité et ne peut autoriser la contestation systématique de ses fondements à l’origine même de la création de la SDN puis de l’ONU.

L’argumentation du Rapporteur spécial s’étend d’ailleurs aux Etats musulmans qui maltraitent des minorités chrétiennes. Ces dernières attisent le feu par le « prosélytisme virulent de certains groupes évangéliques », et par le fait que la théorie du choc des civilisations émane d’une pensée chrétienne ayant « identifié implicitement l’Occident avec le christianisme ». Par conséquent, M. Diène voit dans les violences contre les chrétiens un des « effets pervers » de la théorie de Huntington. Une fois encore, c’est l’arrogance occidentale qui récolte ce qu’elle sème. Et le Rapporteur spécial de nous répéter plus loin l’origine de ce « prosélytisme virulent » qui expose les minorités chrétiennes aux foudres des majorités musulmanes ou hindouistes : « certains groupes évangéliques, en particulier ceux d’origine nord-américaine ». Qualifiés quelques pages plus loin de « puissants », ils sont également accusés de « mener une vaste campagne (…) pour diaboliser le vaudou en général et le candomblé au Brésil et la Santeria en particulier » ; ces « campagnes de diabolisation (…) ont pour effet de favoriser certaines formes de christianophobie », argument permettant de nouveau de minimiser la responsabilité des agresseurs, à moins qu’il ne s’agisse de laisser entendre que les Etats-Unis seraient partout les fauteurs de trouble ?
Pour conclure

M. Diène conclut son rapport par une série de recommandations où il ne met plus en exergue l’islam mais parle de « religions » de façon générale. Parmi ces recommandations, se trouve l’injonction aux Etats signataires de mettre en application le Programme de Durban (2001) et de créer à l’échelle nationale des structures visant à promouvoir « le dialogue e

ntre les cultures et les religions ». Pour M. Diène, le racisme contemporain est donc avant tout un problème de conflictualité religieuse.

Il revient ensuite sur la problématique liberté d’expression versus liberté de religion pour encourager le CDH à « envisager d’adopter des règles complémentaires sur les relations réciproques entre liberté d’expression, liberté de religion et non-discrimination ». Autant dire qu’il s’agit de limiter de façon normative la première au nom de la seconde grâce à l’invocation de la « diffamation des religions » considérée comme une forme du racisme par le Rapporteur spécial.

Enfin, il renouvelle ses attaques contre la laïcité en appelant à la « vigilance pour maintenir l’équilibre entre la laïcité et le respect de la liberté de religion ». En identifiant la première à « une culture et une rhétorique antireligion », il explique qu’elle est « une source essentielle de diffamation des toutes les religions et de discriminations contre les croyants et les pratiquants ». A aucun moment, M. Diène ne met en valeur la dimension pacificatrice de la pratique sociale laïque. A le lire, elle n’est qu’un moyen autoritaire déployé par une société intolérante et fondamentalement raciste afin d’empêcher la visibilité religieuse des minorités. Le Rapporteur spécial a visiblement beaucoup à apprendre sur le concept de laïcité, qui est marqué par la complexité et une profondeur philosophico-historique. Mais peut-on lui en tenir rigueur lorsqu’en France même, pays ayant développé au fil des siècles une vision et une pratique sociale extrêmement élaborée de sa laïcité, nombre de nos dirigeants, de nos intellectuels ou de nos relais médiatiques en ignorent le sens profond et sont souvent incapables de la défendre à l’extérieur comme à l’intérieur. Pourtant, c’est la laïcité qui a mis fin aux conflits religieux en Europe car elle garantit la sérénité d’un espace public neutre où chacun doit se faire une place pour ce qu’il est, et non ce qu’il paraît être.

QUI EST DOUDOU DIENE ?

M. Diène est né en 1941 au Sénégal. Diplômé en droit public à l’université de Caen et en sciences politique à l’IEP de Paris, il siège à l’Unesco comme représentant du Sénégal de 1972 à 1977, et devient Vice-président et Secrétaire du groupe Afrique puis du groupe des 77. Cette présence et connaissance des rouages internes de la machine onusienne lui permettent d’intégrer l’administration de l’ONU en 1977. C’est à l’Unesco qu’il fait carrière et publie divers ouvrages issus de ses actions dans les années 1980-1990 dans le domaine du Dialogue Interculturel puis Interreligieux. En 2002, la Commission des droits de l’Homme (devenue Conseil des droits de l’Homme en juin 2006) le nomme Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée. En quoi consiste officiellement son mandat ? Examiner tous les incidents illustrant les formes contemporaines de racisme et de discrimination, évaluer les mesures prises par les gouvernements pour y remédier, enfin, remettre un rapport annuel au CHD et à l’Assemblée Générale pour les informer de ces analyses. Où M. Diène trouve-t-il toutes les informations nécessaires à la formulation de ces constats ? Impossible de le savoir en lisant la vingtaine de pages, en moyenne, de ces rapports puisqu’il ne cite aucune source : pas de références chiffrées, mais de fréquentes généralisations à partir d’un fait observé dans un pays et relayé par les médias. D’ailleurs, M. le Rapporteur Spécial semble conscient de cette faiblesse puisque le 14 septembre dernier à la tribune, il concluait en demandant au Président du CDH d’envisager la création d’un « observatoire permettant de quantifier les phénomènes » qu’il étudie pourtant dans ses rapports sans paraître soucieux de leur représentativité. Depuis 2002, M. Diène semble s’astreindre à visiter et auditer en particulier les pays démocratiques (Australie, Etats-Unis, Europe). Sans doute y met-on à sa disposition plus de matériel que dans des pays autoritaires qu’il se garde, le plus souvent, de critiquer nommément.

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