ANALYSE – La faiblesse du dollar est un des symptômes du nouvel ordre économique mondial qui se profile à l’horizon: les Etats-Unis perdent de leur puissance, les pays de la zone euro présentent des faiblesses structurelles et les économies émergentes accélèrent leur développement. Et l’économie israélienne, dans tout ça? Est-elle préparée à affronter les bouleversements engendrés par la crise géopolitique mondiale?
Rechercher des débouchés dans les pays émergents
La crise financière actuelle reflète la perte de puissance de l’économie américaine. Pour Israël, les Etats-Unis représentent son premier client en absorbant 28% de ses exportations; sans compter la coopération technologique, industrielle et militaire, indispensable au développement de l’Etat d’Israël. En Europe aussi, certains pays montrent des difficultés structurelles d’endettement qui affaiblissent l’euro. Or, en absorbant 30% des exportations israéliennes, l’Europe reste le principal bloc commercial pour les entreprises israéliennes.
Face à la faiblesse du dollar et aux fluctuations de l’euro, on assiste à une accélération du développement des économies émergentes, qui deviennent aujourd’hui des puissances à part entière. Il s’agit notamment des « BRIC », c’est-à-dire du Brésil, de la Russie, de l’Inde, et de la Chine. Concrètement, l’économie israélienne est déjà en passe de s’adapter à ce nouvel ordre économique mondial. Au cours des huit premiers mois de 2010, les exportations israéliennes vers les Etats-Unis ont augmenté de 21%; mais durant la même période, les exportations vers la Chine ont fait un bond de 112%. Désormais, les pays émergents, et notamment la Chine, sont devenus des puissances capables d’exporter dans le monde leurs produits, mais aussi leurs capitaux et leurs technologies.
Ne pas produire tout et n’importe quoi
A l’échelle mondiale, l’économie israélienne peut paraître minuscule, tant par sa géographie que sa population. Son marché intérieur est étroit, et son état de guerre permanente avec ses voisins dissuade de nombreux partenaires potentiels. D’où l’importance pour Israël de diversifier ses débouchés extérieurs. Et pas seulement aux Etats-Unis et en Europe; l’Inde et la Chine feraient d’excellents partenaires commerciaux pour Israël.
Dernier exemple en date: les ministres des Finances d’Israël et d’Inde viennent de décider de la création d’une zone de libre-échange entre leurs deux pays. La suppression des droits de douanes réciproques pourrait doper le commerce bilatéral encore trop modeste: de janvier à août 2010, Israël a vendu à l’Inde pour 2 milliards de dollars de marchandises et lui en a acheté pour 1,2 milliard. Sur toute l’année 2010, les échanges commerciaux entre Israël et l’Inde pourraient atteindre les 5 milliards de dollars, contre 3 milliards de dollars en 2009.
En quelques décennies, Israël a connu des transformations radicales: d’un pays exportateur de primeurs, il est devenu une puissance mondiale du high tech. Certes, il s’agit là d’une la tendance mondiale: la spécialisation. Israël n’a pas la taille de la Chine (1,4 milliard d’habitants), de l’Inde (1,2 milliard d’habitants) ou même du Brésil (200 millions d’habitants): il ne peut donc se permettre de produire tout et n’importe quoi. Pour que la Chine, la future puissance hégémonique, ne dicte pas à Israël ce qu’il doit produire, Israël doit prendre les devants.
Transformer un handicap en un avantage comparatif
Les inventeurs israéliens ont donné au monde la « clé USB » (Disk On-Key), le système de communication «ICQ » ou le système d’exploitation « XP ». Des géants mondiaux viennent y implanter leurs centres de recherche et de production, tandis que les start-up nées en Israël se vendent dans le monde au prix fort. Face à la montée des pays émergents, Israël doit encore mettre en valeur son unique avantage comparatif: son capital humain, avec son savoir-faire et ses capacités d’invention et d’innovation.
Les autorités israéliennes doivent revoir l’ordre de priorité de leurs investissements, et pas seulement dans le high tech: il faut déceler les « niches » économiques qui représentent un avantage comparatif pour Israël, et leur orienter la majorité des fonds publics. C’est la condition pour qu’Israël trouve la place qui lui revient dans le nouvel ordre géopolitique mondial qui se met en place.
Jacques Bendelac (Jérusalem)
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