Jérusalem et les magiciens par Pierre Lefebvre | |
4000 ans que Jérusalem dérange Alors que Paris et New York étaient des marécages grouillants et insalubres, une ville resplendissait déjà de toutes ses lumières. Elle faisait cadeau au monde des seuls écrits, les seuls qui, aujourd’hui encore, servent de base à ce que les politiques nomment le « vivre ensemble », les fondements même de toute société. La récente déclaration du chef de Gaza, Ismael Haniyeh ne surprendra que les imbéciles. Il serait tellement plus agréable de croire les Palestiniens plus attachés à la paix qu’à la mort de leurs ennemis. « Nous voulons un État palestinien avec Jérusalem comme capitale ». Il affirme cela alors qu’il vient de signer un accord historique avec son ennemi juré, Mahmoud Abbas le « modéré ». Pourtant dans l’inconscient collectif arabe, modéré ou non, les Juifs n’ont rien à faire en Israël en général et à Jérusalem en particulier. Au nom d’un dogme suranné, ils prétendent avoir des droits religieux intangibles sur cette ville alors que le Coran ne cite jamais le nom d’Al Qods, si chère à Ahmadinejad et feu Ben Laden. Alors que la Bible cite plus de 600 fois le nom de Jérusalem. Contre toute attente, la première mention de Jérusalem n’est pas dans le texte biblique. Il y a 4000 ans, les affaires du Proche-Orient étaient à peu près dans le même état qu’aujourd’hui. C’est la même poudrière à ceci près que les moyens de destruction étaient un peu plus rudimentaires. L’Égypte, grande puissance du moment, fait face à d’immenses bouleversements au sein de son empire. Le pharaon Sésostris III étend son protectorat jusqu’à la Syrie. L’influence culturelle et politique de l’Égypte est alors considérable et va s’affirmant tout le long de la côte syro-palestinienne. Mais elle a de plus en plus de mal à faire face à la montée et aux infiltrations des populations qui se sédentarisent. Si la côte lui demeure soumise, l’intérieur des terres échappe peu à peu à son contrôle. Le Pharaon s’est entouré, comme tous les monarques, rois, présidents, d’une cour de flatteurs, de profiteurs, de courtisans et de magiciens. Très important, la magie, surtout quand les armes ne suffisent plus ! Magie du verbe, des songes creux et des paroles définitives. Les magiciens officiels étaient craints et participaient à la mise en coupe réglée des pensées et des esprits. La liberté d'expression n'existait que pour les nantis. Ces magiciens avaient pour habitude de graver les noms des ennemis du royaume sur des tablettes en argile avant de les briser lors de cérémonies populacières devant le maître de l’Égypte. Il s’agit des Textes d’Exécration, un ensemble de vases et de statuettes en argile. Le pharaon faisait graver le nom des princes, de pays et des villes dont il avait la charge. Il faisait accompagner le nom d’une série de malédictions, toutes plus horribles les unes que les autres. Puis ces vases étaient brisés et enterrés selon des rites religieux bien définis. Parmi les noms des villes qui figurent dans ces textes découverts par les archéologues des milliers d’années plus tard, on retrouve les noms d’Ashkelon et de Urusalim. Ces villes, indépendantes économiquement, étaient une menace pour l’intégrité de l’empire. C’est à cette époque qu’Abram, de l’autre côté de l’Égypte, partit de la cité d’Ur pour devenir Abraham, père des croyants et fondateur du peuple hébreu. Lors de ces pérégrinations, il fut reçu par un certain Melkicedeq qui l’accueille dans sa ville de Salem et lui rend honneur en partageant avec lui le pain et le vin. En l’an 1000, le roi David s’installe à Jérusalem, construit les fortifications. Il a y quelques années, les archéologues israéliens mirent à jour, au grand dam de l’Autorité palestinienne qui fit tout pour empêcher les travaux, la cité antique de David. Celle-ci se trouve à la frontière de Jérusalem Est. La sortie du souterrain par lequel les Juifs venaient chercher, pendant des générations, l’eau d’une des seules sources de Jérusalem débouche sur un quartier palestinien, construit sans permis à l’époque de la domination jordanienne, avant 1967. En – 587 eut lieu la grande déportation. Nabuchodonosor, roi de Babylone, prit la ville, l’incendia et déporta les habitants en Mésopotamie. Cinquante ans plus tard, son successeur, Cyrus, autorisa les exilés à rentrer chez eux. Le peuple juif peut revenir sur sa terre. Néhémie reconstruit les fortifications et le temple. Un autre conquérant, Alexandre le Grand annexe la Syrie et l’ensemble du Moyen Orient. C’est le début de la période grecque. Il prend Jérusalem. Une fois encore, les Juifs sont massacrés. À sa mort, la tribu des Séleucides prend le pouvoir. Jérusalem va de nouveau faire les frais de ces luttes partisanes. De - 169 à – 167, Antiochos IV persécute les Juifs, pille le temple et y instaure le culte de Jupiter. En – 63, un nouveau conquérant prend le contrôle du monde antique. Les troupes de Pompée prennent la ville d’assaut. Hérode, qui n'est pas juif mais allié des Romains, s’en rend totalement maître et construit un temple magnifique pour s’attirer les bonnes grâces de la population locale. Mais ce n’est pas encore l’indépendance à laquelle aspire le peuple juif depuis des centaines d’années. En l’an 70 de notre ère, au mois d’avril, les troupes de Titus, nouvel empereur romain assiègent Jérusalem, la pillent à nouveau, détruisent une nouvelle fois le temple. La ville n’est plus que ruine et désolation. Titus installe, dans les décombres du palais d’Hérode, la « Légio décima frétensis » qui va faire régner la terreur sur les Juifs survivants. Ces survivants devront affronter ensuite, et durant des siècles, nos 'saintes croisades' occidentales. Jérusalem devient, au cours de cette Histoire chahutée, la personnification d’Israël. Les deux ne forment qu’une seule et même réalité. Le sort de l’un deviendra le sort de l’autre. Pendant plus de 2000 ans, les Juifs ont chanté Jérusalem, ont prié pour elle, ont espéré leur prochain retour dans ses murs. Comme le dit Elie Wiesel en 2002 : « Ce ne sont pas seulement les Israéliens qui sont concernés par sa destinée mais aussi tous les Juifs de la Diaspora dont je fais partie. Le fait que je n'y vive pas est tout à fait secondaire; Jérusalem vit en moi. Elle est le propre même de ma judéité et occupe le centre de mes engagements et de mes rêves ». Pendant ces deux millénaires, les Juifs ont été pourchassés, pogromisés, massacrés sur à peu près tous les continents et par toutes les autorités, qu’elles soient égyptienne, romaine, catholique, slave, orthodoxe, grecque, ottomane et arabe. Cela , jusqu’à la « solution finale », cette épouvante absolue qui n’a pas d’équivalent dans le langage humain. Ce n’est qu’en 1967, à la fin de la guerre des Six jours qu’ils n’avaient pas déclarée, que les Juifs ont pu enfin aller pleurer devant le Mur des Lamentations. Les nouveaux textes d’Exécration Affirmer aujourd’hui qu’Israël n’a aucun droit sur Jérusalem est une des nombreuses inepties proférées par les nouveaux magiciens de la parole. Ceux-là ne perdent pas leur temps à graver sur des vases en argile les malédictions à l’encontre des Juifs. Ils utilisent Internet, les médias, les journaux et les réseaux propagandistes des pro-palestiniens d’aujourd’hui. C'est plus rapide et plus efficace. La diplomatie occidentale prend fait et cause pour une partition qui ne laissera à Israël aucun espace vital et stratégique et qui le dépossédera de sa ville, son lieu, son havre de paix. Jérusalem, fondation de paix, est toujours disputée. La nation musulmane dont prétend faire partie le 'peuple palestinien' (de création récente), et notamment le Hamas, réclame Jérusalem au nom du Coran. C’est donc par pure soumission à un dogme religieux revanchard que la communauté internationale s’apprête à diviser Jérusalem pour en donner une partie à une « Autorité palestinienne » dont on ne sait encore quels seront ses plans. Ce dont on peut être certain, en revanche, c'est que le futur Etat palestinien ne se contentera pas d'une partie seulement mais revendiquera l'ensemble du territoire. On ne peut transiger avec l’Histoire. Sinon, celle-ci se retourne contre vous. Comme elle s’est retournée contre les différents empires qui, depuis 4000 ans, n’existent désormais plus que dans les livres. Sacrés magiciens ! Car il faut l’être tout de même un peu, pour parvenir à convaincre nos contemporains qu’Israël n’aurait plus aucun droit sur Jérusalem, ou alors qu’un droit partiel. Il faut savoir utiliser la magie de la propagande pour arriver ainsi à provoquer la satisfaction de l’assentiment béat. Il faut savoir ressasser les choses avec talent pour que la présence juive à Jérusalem soit désormais perçue comme incongrue. Il faut dominer la science du verbe pour assimiler le Sionisme (Sion, autre nom de Jérusalem) au racisme et à l'apartheid. Oui, sacrés magiciens, mais tellement minables et incultes, nos historiens, nos journalistes, nos diplomates, nos responsables politiques quand ils pratiquent l’exécration totale, la haine viscérale du peuple nous ayant donné l’un des seuls commandements qui vaille : « Tu ne tueras point ». | |
| Pierre Lefebvre © Primo, 14-05-2011 |