JERUSALEM N’EST PAS, N’A PAS ETE ET NE SERA JAMAIS LA CAPITALE DE LA PALESTINE
Par Maître Bertrand Ramas-Muhlbach
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Ce 2 novembre 2010, l'Etat d'Israël a, une nouvelle fois, opposé aux palestiniens sa souveraineté pleine et entière sur Jérusalem tout en affirmant, dans le même temps, son refus d'envisager un quelconque transfert partiel de ses prérogatives sur sa capitale éternelle. Dans les faits, le Premier Ministre de l'Autorité palestinienne, Salam Fayyad, devait de rendre à Dahiat al-Salam, un quartier situé à Jérusalem-est, pour inaugurer une école palestinienne dont la restauration a été financée par l’Autorité Palestinienne. A priori anecdotique, cet événement était en réalité lourd de conséquence en ce qu'il pouvait laisser entendre que les palestiniens disposaient également, sur Jérusalem, d'une forme de souveraineté partagée. Celle-ci aurait alors été illustrée par l’organisation d’une manifestation palestinienne, dans un établissement d’enseignement palestinien, rénové par l’Autorité Palestinienne. L’Etat hébreu n'est pas tombé dans le piège et a opportunément pris toutes les mesures pour l'en empêcher. Le Ministre israélien de la sécurité publique, Yitzhak Aharonovitch, a, la veille, signé, un décret interdisant aux palestiniens d’organiser des événements liés aux activités de l’Autorité Palestinienne dans l’enceinte de Jérusalem, et menacé toute violation de cette interdiction, d’une intervention de la police : « la police sera là pour empêcher de telles activités si elles devaient avoir lieu ». Pour sa part, le Cabinet du Premier Ministre Benjamin Netanyahou a pris une mesure plus radicale encore : dans la soirée du 1er novembre, il a confirmé l’ordre donné aux forces de police par le Ministre de l’Intérieur, d'empêcher purement et simplement Salam Fayyad, de rentrer dans Jérusalem. Enfin, lorsque la police s’est rendue, le 2 novembre, dans l’établissement où était attendue la réception de l'Autorité Palestinienne, elle a tout bonnement interdit aux propriétaires d’accueillir la cérémonie, sous peine de fermeture pendant une durée de un an.
Si donc le Premier Ministre palestinien n’a pas été autorisé à participer à l’inauguration d’écoles arabes de la partie orientale de Jérusalem, il en est en revanche autrement des officiels israéliens. Divers députés, des responsables du Ministère israélien de l'Education, des membres de la mairie de Jérusalem y ont assisté. Il en est de même du Vice-président de la Knesset Danny Danon (parti Likoud) qui a, lors de la manifestation, rappelé qui était le véritable titulaire de la souveraineté sur Jérusalem. Dans un avertissement solennel, il a lancé : « Nous n'allons pas fermer les yeux ou garder le silence lorsque l'Autorité Palestinienne organise des menées subversives sur le territoire souverain d'Israël, même si celles-ci visent uniquement à publier une photo dans le journal. Toute tentative palestinienne de créer des faits accomplis sur le terrain se heurtera à une vive réponse d'Israël ».
Cette fermeté israélienne a particulièrement déplu aux palestiniens, et notamment au membre du Conseil révolutionnaire du Fatah Dimitri Dalyani, qui a néanmoins tenté d'expliquer que la construction d'infrastructures à Jérusalem-est était vitale pour la population et la résistance, et qu'en aucun cas, Israël ne pourrait les arrêter : « C'est l'essence même de notre résistance, basée sur notre droit légitime à développer notre capitale et venir en aide à nos citoyens ». Contestant la souveraineté israélienne sur sa capitale, il a même affirmé que la décision par l’Etat hébreux d'empêcher l'accès de Jérusalem à Salam Fayyad était « illégitime et sans fondement ».
Bien évidemment, ces propos n’ont pas suffit à contester les droits naturels d’Israël sur sa capitale, ce qu’a implicitement admis le Premier Ministre Palestinien en se pliant à la décision israélienne et en acceptant de modifier son programme.
En effet, Salam Fayyad s'est finalement rendu dans un autre quartier de Jérusalem Est, en l’occurrence à Dahiat al-Barid, qui est lui, situé dans la partie palestinienne à l’est de la barrière de sécurité. Il s’agissait également d’un évènement consistant dans l'inauguration d’une école palestinienne dont larestauration a été financée par l'Autorité palestinienne pour plus d'un million de Shekels, mais sur une partie du territoire peuplé de palestiniens, se trouvant à l’extérieur du périmètre délimité par la barrière de sécurité, et sur laquelle Israël devrait, à terme se désengager. Dans son discours, il a certes ménagé sa population et réaffirmé les prérogatives de l’Autorité Palestinienne : « il est devoir du gouvernement palestinien d'alléger les souffrances de la population de Jérusalem et de la servir autant que possible », même s’il a, de façon désabusée, fustigé les décisions politiques israélienne. Ainsi, lorsqu’il a été interrogé sur l’interdiction de rentrer dans Jérusalem (c’est à dire dans la partie de Jérusalem située à l’ouest de la clôture de sécurité), le Premier Ministre de l’Autorité palestinienne a répondu : « Qu’attendez-vous? Ceci est l’'occupation! ».
Pour autant, le Premier Ministre Palestinien a bien compris que la capitale du futur Etat palestinien sera assise sur le territoire qu'Israël appelle « Jérusalem Est » mais sur la seule partie qui se situe en deçà de la clôture de sécurité. C’est ce qui ressort de son discours où il a limité à cette zone, l’implantation de la future capitale : « un jour, la périphérie de Jérusalem fera partie intégrante de la capitale éternelle de l'État palestinien », même s’il a ajouté, « Israël est le seul pays à prétendre que l'Autorité palestinienne ne peut opérer à Jérusalem Est».
En d’autres termes, les palestiniens devraient, à terme établir, leur capitale sur une partie du territoire appelé « Jérusalem-est » mais qui ne fait nullement partie de la capitale éternelle du peuple juif. C’est encore le sens de l’annonce faite par, Ghassan Khatib, conseiller du Premier ministre palestinien, qui avait précisé, avant la tenue de l’évènement, que Salam Fayyad se rendrait à l'école de Dahiyat al-Barid « qui se trouve en dehors des limites municipales de Jérusalem », mais qu’il s'abstiendrait en revanche d'inaugurer la route à Anata.
Actuellement, certaines zones de la partie orientale de Jérusalem annexée en 1967 se trouvent au-delà de la barrière de séparation. La municipalité de la Ville Sainte est encore tenue d'y assurer certains services (santé, éducation, urgences, police) mais s’en désengage progressivement. Corrélativement, l'Autorité palestinienne prend en charge le financement de la construction de routes et la rénovation d'écoles, c'est-à-dire y exerce une véritable souveraineté non contestée par Israël. Aussi, et sur le plan du Droit international la situation est tout à fait intéressante : elle démontre que les frontières étatiques ne dépendent pas d’une reconnaissance par la communauté internationale mais d’une situation de fait, en l’occurrence la décision israélienne de limiter ses prérogatives souveraines à la partie située à l’intérieur de la barrière de sécurité.
Ce sera sur ces bases que devrait se conclure l’accord définitif entre palestiniens et israélien. Les palestiniens établiront leur future capitale « al-qods » sur une partie du territoire annexé en 1967 par Israël appelé « Jérualem-Est ». Cette zone ne correspond toutefois pas à l’emplacement de la Jérusalem historique, c’est à dire notamment sur le « mont du temple » qui devrait demeurer sous souveraineté israélienne. La clôture de séparation servira alors de frontière future entre les Etats, et les pourparlers directs entre Israël et le président palestinien Mahmoud Abbas pourront reprendre calmement compte tenu, non plus d’un gel provisoire mais d’un arrêt définitif des constructions sur les parties de Judée-Samarie qui ne seront pas annexées par Israël et qui passeront sous contrôle de l’Autorité Palestinienne.