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6 août 2010 5 06 /08 /août /2010 16:23

 

 

De la manne à la viande
- Depuis quand les Juifs sont-ils carnivores ?

On peut concevoir la vie comme opérant selon deux modes : le premier consiste en l'immersion dans le spirituel, loin du monde. Il suggère que l'on se trouve dans un état de calme et de sérénité, dans une relative inactivité. Cela est comparable au Chabbat. Et puis entre en jeu le second mode, l'entrée dans le monde et l'implication dans la matérialité : il faut faire face à tous les problèmes qu'ils suscitent, se battre pour les améliorer et créer un environnement supérieur, une société plus entière, un monde meilleur.

Le Chabbat et les jours de la semaine nous donnent un exemple de ce double mode de vie. Un autre exemple nous en est fourni par la prière quotidienne, la récitation du Chema et des autres prières, comparée à l'activité incessante d'un jour besogneux.

Ce double processus se trouve illustré dans la Torah. Dans le livre de Devarim (le Deutéronome), le cinquième livre de la Torah, nous trouvons le peuple juif campant dans le désert, sur la rive est du Jourdain, non loin de Jéricho. Ils sont dans la dernière année de leur long séjour dans le désert et leur grand chef, Moïse, qui approche maintenant de l'âge de cent vingt ans, les prépare à entrer en Terre d'Israël.

L'atmosphère dans le vaste campement du peuple juif, comprenant six cent mille foyers et décrit par nos Sages comme s'étendant sur plus de trente kilomètres carrés,1 est extraordinaire. Au centre, se tient le magnifique Sanctuaire, fait d'or, d'argent de bois de cèdre et de riches tapisseries. Il s'agit du prototype du Temple qui sera plus tard édifié à Jérusalem. Une colonne de nuée les escorte le jour, et une colonne de feu la nuit, exprimant la Présence Divine. Bien souvent, le peuple se rassemble et écoute les paroles pleines d'inspiration que leur délivre Moïse, paroles qu'il a également consignées dans le livre de Devarim, une forme unique de transcription de la parole de D.ieu.

Que mange le peuple ? La manne des cieux. Chaque matin, à l'exception du Chabbat, la terre aride qui entoure le campement se trouve couverte de cette douce substance qui ressemble à du cristal et que le peuple va ramasser. C'est là leur alimentation. Elle est délicieuse et, en fait, nos Sages nous disent qu'elle prend le goût de ce que l'on désire manger. Consommer la manne, c'est sentir que l'on participe à une expérience spirituelle. Elle ne possède pas la qualité d'un aliment réel, désirée par des fonctions naturelles. Quand on consomme la manne, on se sent empli de sainteté.

L’atmosphère spirituelle qui règne dans le Camp du désert n'est pas destinée à durer éternellement. Le dessein que D.ieu assigne au Peuple Juif est de pénétrer dans la Terre d'Israël, de semer et de récolter, d'élever du bétail et des troupeaux et lorsqu'il mangera, ce sera, au moins de temps à autre, animé par un réel « désir ». Il appréciera ce qu'il consomme, non seulement spirituellement, mais également physiquement.

Ce changement est symbolisé par le fait que c'est seulement en entrant en Israël que les Juifs vont pouvoir manger de la viande ordinaire. Dans le désert, la viande n'était consommée que comme partie intégrante d'un acte d'offrande dans le Sanctuaire. La Torah comprend un commandement spécifique instruisant le peuple sur le fait de manger « la viande du désir » quand ils vont entrer en Terre Sainte, incluant les lois de la Che'hita, l'abattage rituel nécessaire pour rendre la viande cachère.2

Notre tâche, en tant que Juifs, ne consiste pas à rester dans l'atmosphère spirituelle du désert ou à se délasser dans un Chabbat long de sept jours, pas plus que de passer toute notre vie immergés dans la prière. Certes, nous avons besoin de ces moments, dans notre histoire en tant que peuple et dans nos cycles de vie hebdomadaires et quotidiens. Mais nous devons également être capables de nous lever, d'aller de l'avant et de pénétrer dans le monde du quotidien, de travailler pour l'améliorer. Une partie de ce processus implique de jouir de la vie, y compris de la nourriture et des autres plaisirs, d'une manière pénétrée de sens.

Et c'est ainsi que nous faisons pénétrer la divinité et la sainteté dans le monde pratique, dans les royaumes de notre désir. Les lois de la Torah, comme celles de la Che'hita et de la Cacherout pénètrent nos activités pratiques et terrestres et les élèvent à un nouveau degré de sainteté.

Il ne s'agit pas de la sainteté des quarante années du désert avec les colonnes de nuées et de feu. Cela va au-delà. Il s'agit de transformer ce monde, un monde de plaisir et de désir (et parfois de tentation), en une résidence pour D.ieu. C'est là notre réelle tâche, symbolisée par le passage de la manne à la viande, la transition du mode spirituel vers celui de la vie pratique et de la réalité.3


NOTES
1. Talmud, Sotah 13b.
2. Deutéronome 12,20 ; voir Rachi.
3. Adapté librement du Likoutei Si’hot du Rabbi de Loubavitch, vol. 4, pp. 1108-1114.

habad

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