L’antisémitisme en Espagne une réalité vivace |
By ELIAS LEVY, Reporter cjnews | |
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Dans l’Espagne démocratique du début du XXIe siècle, l’antisémitisme est toujours “un phénomène funeste et bien réel”, rappelle en entrevue Jacobo Israel Garzon, président de la Fédération des Communautés juives d’Espagne et ancien président de la Communauté juive de Madrid. Jacobo Israel Garzon (à gauche), président de la Fédération des Communautés juives d’Espagne, en compagnie de Judah Castiel, président de l’Institut de la Culture sépharade de Montréal. “Malheureusement, pour les Juifs espagnols, la lutte contre l’antisémitisme est un combat de tous les instants. Nous devons être très vigilants. L’an ti sémi tisme est toujours enfoui dans la mentalité et dans l’insconscient des Espa gnols. Trois siècles et demi d’Inquisition catholique ont laissé leurs traces dans la psyché du peuple espagnol. L’an ti sémi tisme en Espagne est moins virulent que dans d’autres pays européens, notamment la France. Les actes antisémites en Espagne sont peu nombreux. Par contre, un antisémitisme sulfureux émane de plusieurs mouvements et groupuscules de la société espagnole. Cette judéophobie est souvent véhiculée sans ambages par des médias espagnols farouchement anti-israéliens”, constate Jacobo Israel Garzon. Ancien directeur de l’excellente revue intellectuelle juive espagnole Raices et auteur de nombreux ouvrages historiques très érudits sur les Juifs d’Espagne, Jacobo Israel Garzon est l’une des figures majeures de l’intelligentsia juive espa gnole. Ce Sépharade natif de Tétouan, ville située dans le Nord du Maroc, vit en Espagne depuis cinquante ans. La commémoration en 1992 du 500ème anniversaire de l’expulsion des Juifs d’Espagne par les Rois catholiques, Isabel et Ferdinand d’Aragon, n’a-t-elle pas contribué à réhabiliter positivement l’image des Juifs dans la société espa gnole? “Les commémorations de Sefarad 1492 ont été surtout un grand feu d’artifice et une occasion pour les leaders communautaires juifs sépharades de se chicaner! Mais, ces manifestations solennelles n’ont pas mis en branle une dynamique pédagogique permanente. Il est vrai que le sinistre épisode de Sefarad 1492 a été enfin consigné dans les manuels d’histoire utilisés dans les écoles primaires et secondaires espa gnoles. La majorité des Espagnols savent désormais qu’il a existé, et qu’il existe toujours, une Communauté juive en Espagne porteuse d’une culture très riche plusieurs fois millénaire. Mais ce travail de sensibilisation à l’histoire et au legs culturel des Juifs d’Espagne est insuffisant. Les préjugés tenaces sur les Juifs ont toujours pignon sur rue dans l’Espagne post-franquiste.” D’après Jacobo Israel Garzon, l’an ti sio nisme profond des mouvements politiques, syndicaux et sociaux sous la houlette de la gauche espagnole, exa cerbé par les aléas du conflit israélo-palestinien, engendre “un anti sémi tisme frontal et virulent” qui a beaucoup de difficulté à se camoufler sous les oripeaux du progressisme humaniste. “La gauche et l’ultra-gauche espa gnoles vili pendent avec véhémence l’État d’Israël. C’est un de leurs credos idéologiques favoris, dit-il. Les Juifs espagnols ne se ruent pas dans les brancards chaque fois qu’Israël est critiqué. Ils font bien la distinction entre l’an ti sémi tisme et l’anti sio nisme le plus radical. Claironner qu’on déteste Ehoud Barak, Tzipi Livni ou Benyamin Netanyahou, ce n’est pas un acte anti sé mite. Par contre, déclarer sans la moindre gêne que l’État d’Israël est une entité politique fasciste ou nazie qui n’a pas le droit d’exister, ça c’est de l’an ti sémi tisme pur et dur! C’est pourtant la position d’une partie de la gauche espagnole.” En Espagne, la droite politique est-elle plus proisraélienne et plus philo sé mite que la gauche? “Il est vrai que le Partido Popular (P.P.) sous la gouverne de son ancien chef, José Maria Aznar, avait une position claire et favorable à l’État d’Israël. Mais la position d’Aznar vis-à-vis des Juifs était quasiment inexistante, même vis-à-vis des Juifs espagnols, dit-il. La position du Parti Socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero sur Israël est des plus floues. Zapatero et les socialistes espagnols se positionnent en fonction des résultats des enquêtes d’opinion. Ils suivent l’humeur de l’opinion publique. Si les Espagnols sont exaspérés par les politiques du gouvernement d’Israël, ce qui a été le cas durant l’Opération militaire “Plomb durci” lancée par Israël en décembre 2008 contre le Hamas à Gaza, alors le gouvernement Zapatero hausse le ton et apostrophe durement Israël. La dernière guerre à Gaza a sensiblement terni l’image de l’État d’Israël dans l’opinion publique espa gnole.” Mais, en ce qui a trait aux Juifs et à l’épineuse question de l’anti sémi tisme, le gouvernement socialiste de Zapatero a été la première formation politique espagnole à adopter, en 2004, à las Cortes -Parlement espagnol- un décret de loi instaurant une Journée du Souvenir dédiée aux six milions de Juifs exter mi nés par les nazis pendant la Deuxième Guerre mondiale, souligne Jacobo Israel Garzon. C’est aussi durant le mandat du gouvernement socialiste de Zapatero qu’a été créée la Casa Sefarad- Israel, une institution favorisant le rapprochement et les échanges culturels entre les sociétés espagnole et israélienne, et la Fondation Plura lisme et Coexistence, dont le principal mandat est de financer des projets initiés par les trois principales minorités religieuses vivant en Espagne, les Juifs, les Musulmans et les Évangélistes. La Fondation Pluralisme et Coexistence alloue chaque année à la Communauté juive espagnole quelque 600000 euros pour financer divers projets culturels, sociaux et cultuels. Quelque 40000 Juifs vivent aujourd’hui en Espagne, dont la population est de 45 millions. La Fédération des Communautés juives d’Espagne est l’instance représentative officielle de 15 Communautés juives et 5 Communautés et institutions associées, dont la Communauté réformiste de Barcelone et la Communauté massorti de Madrid. Les Communautés et les institutions associées n’ont pas droit de vote. Quel est le plus grand défi auquel les Juifs d’Espagne sont aujourd’hui confrontés? “Comme dans la majorité des Communautés juives de la Diaspora, retenir nos jeunes. Beaucoup de jeunes Juifs espagnols, surtout les plus pratiquants, font leur Aliya. Découragés par l’atmosphère très antisioniste qui règne dans les campus des universités espagnoles, bon nombre de jeunes Juifs partent aussi poursuivre leurs études supérieures à l’étran ger, notamment en Israël, en Angleterre et aux États-Unis. Ce phé no mène nous préoccupe beaucoup parce qu’une Communauté sans une jeunesse impliquée n’a pas des perspectives d’avenir prometteuses”, conclut l’air soucieux Jacobo Israel Garzon. In an interview, Spanish Jewish federation president Jacobo Israel Garzon talks about Jewish life in Spain |