L'après J CALL Pierre Lefebvre | |
L'après J CALL Les portes du Parlement européen se sont refermées. Les employés ramassent les derniers tracts, les parapluies oubliés qu’ils vont, fatalistes, porter au bureau des objets perdus. Une relative indifférence des médias vis-à-vis de JCALL est à noter en ce lendemain d’appel. Pas un mot dans la presse mis à part l’inamovible rengaine de Leila Shahid dans Le Nouvel Obs. Mot pour mot, elle assène les mêmes contrevérités que depuis 30 ans. A défaut d’intelligence de l’histoire, elle assène depuis des décennies la même pédagogie de la répétition qui essaie d’annihiler l’intelligence tout court. Les Juifs pour la paix (UJFP), constituant un autre groupuscule anticolonialiste, antisioniste et anti-tout, sont juifs, certes, mais ils n’ont pas non plus signé l’Appel à la Raison. Motif : il ne fait pas assez droit aux exigences palestiniennes. Pour l’Union des Juifs Français pour la Paix, le fait même de discuter entre Juifs est interdit. C’est dire leur attachement à toute idée de démocratie. Eux auraient voulu que cet appel fasse entendre un peu plus la voix des oubliés, en bref, des Palestiniens. C’est un peu comme si un sondage demandait aux Ardéchois ce qu’ils pensent des plans du grand Paris de Sarkozy. Quand aux exigences palestiniennes, on les connait : droit au retour, arrêt des « colonisations », départ de Jérusalem-Est, et, si possible, le départ, un peu plus définitif, celui-là, des juifs vivant entre le Jourdain et la Méditerranée, autrement dit, la fin d’Israël. Il faut noter que l’UJFP est très active sur Internet mais bien peu représentative au plan associatif. Heureusement pour elle, il y a EuroPalestine, Dieudonné et les représentants du Hamas et du Hezbollah en France pour doper leur audience. Un échec Plus personne ne parle de cet « appel à la raison ». Le JCALL est donc un échec, médiatiquement parlant. Ne s’en souviennent désormais que les huissiers au Parlement européen qui ont eu à placer tant de personnalités diverses aux bons endroits, aux places réservées. Mais ils s’en foutent, ces huissiers. Ils sont payés pour cela. Demain, ils vont recevoir les pêcheurs, les agriculteurs, les représentants du tabac, des classes de lycées français, espagnols, tchèques, les hommes d’affaires des groupes agroalimentaires, ceux des grandes surfaces. Bref, tous ces groupes et représentants que les députés européens font régulièrement venir pour améliorer leur image auprès des électeurs. Les appels à la raison, ces huissiers en entendent tous les jours et de la part de toutes les corporations et de tous les corporatismes. Et le silence vint BHL doit être furieux. Daniel Cohn Bendit, lui, est retourné à Europe Ecologie voir quelle crasse il pourrait faire à la petite Cécile Duflot. Pour ces intellectuels juifs qui ont signé cet appel, peu à peu la raison reviendra. Et ils se rendront compte qu’ils se sont fait avoir dans les grandes largeurs. Ils n’auront pas eu les faveurs de l’audimat. Pour la plupart, il faut être juste, ce n’est pas ce qu’ils recherchaient. Les grands pontes s’en retourneront vaquer à leurs occupations favorites, leurs mondanités, entre l’écriture d’un livre, l’apparition évanescente sur un plateau télé avec la chemise entrouverte et la rédaction d’un article dans lequel ils en viendront, dans les semaines qui viennent, à affirmer exactement le contraire de qu’ils ont tenté de promouvoir au sein de JCALL. Mais gageons qu’ils trouveront, en même temps, les mots pour masquer cette impéritie. Durant cette courte période d’effervescence, ils auront eu le temps d’affirmer que ceux qui étaient contre JCALL étaient manipulés par l’extrême droite israélienne, par les autorités juives, par les responsables communautaires, bref, par tout ce qui constitue le lobby juif depuis les Sages de Sion. Etre pour JCALL, selon eux, c’est être de gauche. Comme être sioniste et tenir à préserver un espace vital israélien, c’est être de droite. Curieux tout de même, pour des intellectuels, de tenir un raisonnement aussi primaire. D’autant plus curieux qu’ils n’ont cessé d’évoquer la « raison » certainement dans son acception philosophique, afin de bien masquer leurs élans affectifs. Et la raison est la faculté de comprendre les choses, de les expliquer. Ils auront eu le temps de s’apercevoir que Kant ne disait pas que des conneries: il en écrivait aussi. Et l’universalité de la raison n’existe que dans leur imaginaire de petits planqués de la vie. Car des esprits avisés ont lancé en un temps record un contre-appel, "Raison garder". En deux fois moins de temps, il a recueilli le double de signatures. Mais ces signataires-là, comme l’explique doctement Esther Benbassa sur Rue 89, ne sont au mieux que des gens qui n’ont rien compris à l’avenir du Proche Orient, au pire qu’ils ne représentent que la droite de l’extrême-droite ultra-sioniste. Esther Benbassa n’est pas avare de termes pompeux et incompréhensibles pour expliquer sa signature au bas de l’appel à la “raison”. La pauvre n’a pas saisi que les signatures n’étaient sollicitées qu’auprès des intellectuels, dont elle croit encore faire partie. Ceux-ci n’ont pas cru devoir la détromper. La réalité est venue timidement se rappeler aux bons souvenirs de tous ces cérébraux qui ont suivi les pas d’Hegel en s’autoproclamant les tenants d’une raison sans extériorité. Les autorités palestiniennes modérées se réunissent sous un nouveau drapeau depuis leur dernier congrès. Celui-ci représente le territoire palestinien dont ils rêvent. Ce territoire englobe Israël. Heureusement que ce sont des modérés ! De nouveau se serrer la main avant de se serrer les coudes En France, la communauté juive ressort de cette affaire un peu plus divisée, un peu moins certaine d’être UNE. Les optimistes diront que, comme d’habitude, elle se retrouvera au premier drame, au premier péril. Les pessimistes pensent que les blessures laissent toujours des cicatrices. Et que celles-ci auraient pu être évitées. Il aurait fallu un peu de pédagogie, du temps. Encore fallait-il pour cela « raison garder » ! Ceux qui sont au delà du pessimisme pensent que tout est déjà fichu depuis longtemps, que la dernière guerre, celle du respect des nations pour Israël, est perdue. Un peu de patience ! Rien n'est éternel ni vraiment irrémédiable. Pour empêcher un chariot de monter ou de descendre une côte, il suffit souvent d'un petit caillou. Il ne faudrait pas oublier trop vite qu'un petit volcan islandais a mis le monde à genoux pendant une semaine. Il suffirait de peu, à l'échelle de l'Histoire, pour qu'Israël retrouve le statut de premier rempart contre la barbarie qu'il n'a jamais cessé d'être depuis 3000 ans. Pierre Lefebvre | |
| Pierre Lefebvre © Primo, 05-05-2010 |