L'initiative de paix par Mordéchaï KEDAR
Adapté de l'hébreu par Danilette
Précédent texte de Mordékhai Kédar
Une initiative humiliante et sans substance
Al Zulfa a fait valoir avec insistance qu'Israël devrait accepter le plan mot par mot sans en retirer une seule lettre et c'est seulement après la mise en pratique du plan que les Arabes pourraient accepter de parler à Israël. Les Arabes ne négocieraient pas avec Israël sur quoi que ce soit avant la fin de la mise en place de ce plan. Al Zulfa a déclaré qu'il s'agissait d'une condition non négociable.
L'initiative de paix arabe (API) comprend à la fois des aspects positifs et des aspects négatifs sur lequel j'ai beaucoup de choses à dire. Mais je préfère décrire une expérience que j'ai eue et qui reflète je crois, l'objectif réel de l'API .
Il y a quelques années, j'ai participé à un débat sur l'API de la chaîne Al-Hurra, une chaîne satellitaire en arabe dirigé par le département d'État américain. Y participait également depuis Riyad en Arabie Saoudite, le Dr. Mohamed Al Zulfa, conseiller diplomatique du roi Abdallah. Je crois, non sans raison, qu'il a été à l'origine de l'initiative de paix arabe qui est connue du public comme l'initiative saoudienne présentée au sommet de la ligue Arabe en mars 2002 à Beyrouth.
Dans la discussion, j'ai dit que cette initiative avait des aspects positifs comme la reconnaissance d'Israël et un traité de paix global entre nous et les Arabes et que la ligue Arabe devrait engager des négociations avec Israël concernant les détails. Al Zulfa a fait valoir avec insistance qu'Israël devrait accepter le plan mot par mot sans en retirer une seule lettre et c'est seulement après la mise en pratique du plan que les Arabes pourraient accepter de parler à Israël. Les Arabes ne négocieraient pas avec Israël sur quoi que ce soit avant la fin de la mise en place de ce plan. Al Zulfa a déclaré qu'il s'agissait d'une condition non négociable.
J'ai alors dit ce que je pensais de cette approche en posant une question simple : est-ce que l'Arabie Saoudite accepterait et mettrait en pratique une proposition quelle qu'elle soit sur des sujets fondamentaux sans avoir participé à la rédaction et déterminé les conditions ? Est-ce qu'un autre État arabe accepterait d'obéir à des conditions dictées par une entité étrangère ? Comment peut-il être concevable qu'Israël accepte un document concernant sa sécurité nationale qui soit rédigée par un sommet arabe sans avoir le droit de changer le moindre mot ?
Ce projet, tel qu'il est présenté par un acteur très important de la politique étrangère saoudienne, révèle un sentiment de supériorité et de mépris et diffuse l'intention claire de mettre Israël à genoux, de lui dénier le droit à la sécurité et de le faire retourner aux frontières de 1948 absolument indéfendable (les frontières d'Auschwitz, selon Abba Eban). Le désir arabe de prendre le contrôle de la vieille ville de Jérusalem, capitale du peuple juif pendant 3000 ans, reflète clairement le refus musulman de reconnaître la légitimité de la religion juive (et de la religion chrétienne) et son refus de coexistence.
À mon sens, l'intention cachée de l'API telle que présentée dans cette discussion par son initiateur, est de créer une situation irréversible qui verrait tout d'abord Israël renoncer à ses atouts territoriaux puis l'ensemble des arabes ou une partie d'entre eux trouver des excuses pour ne pas mettre en application la partie de l'accord les concernant. Ils pourraient mettre en avant le non-retour de zones démilitarisées séparant Israël et la Syrie avant 1967 ou la terre au nord de Gaza sur laquelle se trouve le moshav Nativ HaAsara ou bien quelques aspects du problème des réfugiés qu'il est impossible de résoudre selon les exigences palestiniennes.
Al Zulfa sait bien que la ligue Arabe n'a pas la capacité d'imposer quoi que ce soit à ses membres car même les décisions prises à l'unanimité du sommet par tous les pays arabes réunis ne peuvent être appliqués que si les gouvernements de chaque pays ont intérêt à les faire respecter. Par conséquent la décision de faire la paix avec Israël même si elle est prise à l'unanimité n'en garantit pas son application par les pays arabes.
En ce moment de plus en plus de voix se font entendre en Égypte appelant à l'annulation du traité de paix et Israël n'a aucune garantie à long terme que cette paix, même froide et partielle, survivra à la révolution. Le sort de la Jordanie est aussi incertain en raison de la vague de protestations qui souffle sur le monde arabe.
Israël aurait une attitude vraiment suicidaire s'il entrait aujourd'hui dans un processus qui permette l'établissement d'un autre État palestinien en Judée et Samarie après la mise en place d'un État terroriste à Gaza tourmentant Israël avec ses roquettes et ses missiles fabriqués sur place ou arrivés en contrebande d'Iran. Il n'y a aucun pays au monde qui puisse garantir que l'engagement de la ligue Arabe à reconnaître Israël sera honoré par un nouvel État palestinien, en particulier si le Hamas prend à nouveau le pouvoir par des élections comme en janvier 2006 ou par un coup d'état militaire comme en juin 2007. Est-ce que les armées d'Arabie Saoudite, du Yémen et de Libye interviendront sur le territoire d'un État palestinien pour disperser les brigades Izzedine al-Qassam ou confisquer les missiles et les mortiers du Jihad islamique ?
Si la Ligue arabe, conduite par son sommet, veut convaincre Israël d'accepter l'API, elle doit traiter Israël comme un partenaire de négociations et s'engager dans des discussions sérieuses sur les conditions de la paix. Une fois parvenue à un accord sur les grandes lignes et les phases du processus de paix, il sera alors possible de discuter de la substance de la paix. Mais le discours de Mohammad Al Zulfa, adressé à la nation arabe, vise un résultat différent : les Saoudiens et le Sommet arabe n'ont pas renoncé à leur intention de vaincre Israël, cette fois sans combattre au moyen de fausses promesses sans engagement concret.
Compte tenu de l'état déplorable du monde arabe d'aujourd'hui, avec les principaux Etats arabes confrontés à des défis sans précédent, Israël et le monde doivent attendre patiemment jusqu'à ce que la fumée se dissipe. Ce n'est qu'alors, et pas avant, qu'il sera possible de discuter de négociations dans lesquelles Israël pourrait renoncer à des positions stratégiques.
Mordechai Kedar est chargé de cours au département d'arabe et chercheur associé au Centre Begin-Sadate d'Etudes Stratégiques, Université Bar-Ilan.
Adapté de l'hébreu par Danilette