Le remaniement ministériel, effectué dans l’urgence et annoncé ce dimanche, porte Alain Juppé à la tête du Quai d’ Orsay. Il y succède à Michèle Alliot-Marie, victime d’une escapade irréfléchie dans la Tunisie de Ben Ali. Le Canard Enchaîné a fait le reste. Alain Juppé est, à n’en pas douter, un homme d’expérience qui a déjà occupé ce poste,où il a laissé une excellente trace. Que faut –il lui souhaiter ? Qu’il ne mette pas trop vite ses pas et son intelligence dans ce bourbier que l’on nomme : « la- politique- arabe- de –la- France ».
La preuve que cette politique n’en est pas vraiment une, c’est que la France n’a rien vu ou n’a rien compris des bouleversements qui s’annonçaient à quelques encablures de Marseille. Cette cécité a de quoi engendrer amertume et anxiété, mais il faut savoir maintenant ne pas accumuler les erreurs. Car l’autre erreur consisterait à se soulager de cette anxiété en faisant de l’Etat d’Israël la cause élective pour ne pas dire le bouc– émissaire de ces soulèvements dont nul ne saurait prédire l’issue. Car de nouvelles violences ont éclaté en Tunisie, où l’on découvre qu’il ne suffit pas de renverser un dictateur pour obtenir du jour au lendemain emplois et logements.
Il y a, sans doute, de l’idée dans le projet d’Union pour la Méditerranée, dans cette UPM revenue depuis dimanche à l’ordre du jour et qui comporte, comme par hasard les mêmes initiales que l’UMP. De l’idée, mais aussi beaucoup d’illusion à croire que le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, pour nous y limiter, ont de vrais points communs. Et que dire de l’impasse faite dans ce jeu de Mécano sur l’Etat d’ Israël ! Comme le monde serait beau, comme la planète serait facile à gérer sans ce sacré Etat juif et qui entend le rester … Un Etat qui doit repenser toute sa géostratégie , comme la France y est également contrainte. Car l’on relèvera beaucoup d’inconséquence à vouloir la chute des régimes qualifiés de dictatoriaux en refusant les répliques migratoires qui en résultent.
La comparaison avec la chute du mur de Berlin est d’une stupidité achevée. Lorsque ce Mur est tombé en novembre 1989, l’Allemagne de l’Ouest était en mesure d’absorber sur place et sans délai l’Allemagne de l’ Est, ce qui n’est pas le cas de l’Europe face aux possibles « tsunamis » migratoires en provenance d’Afrique du Nord et de l’ Afrique subsaharienne. La situation présente, si mouvante, commande alors deux attitudes complémentaires :
- bien sûr, la circonspection dans l’analyse de ces mouvements insurrectionnels et de leurs péripéties désormais internes,
- mais aussi, comme on l’a dit, le rappel de véritables repères.