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24 novembre 2009 2 24 /11 /novembre /2009 16:28
La course contre la montre de l'Arabie Saoudite
Par PR. ZVI MAZEL 
23.11.09



L'Arabie Saoudite est l'un des régimes les plus autoritaires au monde : politique de discrimination à l'égard des femmes, désintérêt total pour les droits de l'Homme et manque cruel de démocratie. L'application stricte de la loi islamique, la sharia, conduit à des atrocités dignes d'un autre âge : femmes tuées à coups de pierres, voleurs aux mains coupées et exécutions capitales à la chaîne. Le pays est le temple du wahhabisme, l'islam le plus radical. Il arrose avec ses pétrodollars les mosquées et les centres islamiques qui enseignent à travers le monde les interprétations les plus extrémistes de la religion musulmane.


Desserrer l'étau pour les femmes 
Ainsi, l'Arabie Saoudite a prêté main-forte aux Talibans en Afghanistan et au Hamas à Gaza avant de faire machine arrière après avoir réalisé l'énorme menace que ces mouvements font peser sur sa stabilité intérieure. Des événements qui n'ont pas joué en faveur de l'image saoudienne à travers le monde, lourdement ternie après le 11 septembre 2001 : seize des dix-neuf terroristes de New York étaient des citoyens saoudiens. Suite à cette révélation, de nombreuses voix aux Etats-Unis ont appelé à une rupture des relations avec le royaume de la péninsule arabique. Depuis, le roi Abdallah bin Abdoul Aziz tente désespérément d'améliorer l'image de son pays à l'étranger. Il a donc lancé une vague de réformes tout en faisant face à deux menaces mortelles pour son royaume : Al-Qaïda et l'Iran.

Le royaume de l'or noir est une monarchie absolue. Selon la Loi fondamentale de 1992, il ne peut être gouverné que par les descendants du roi Abdel Aziz Al Saud. Et doit par ailleurs respecter les principes de la loi islamique. Des facteurs qui, sur le papier, font de l'Arabie Saoudite l'un des Etats arabes les plus hermétiques aux influences occidentales. Mais l'évolution est un phénomène inévitable. Le roi Abdallah est suffisamment avisé pour comprendre que sa famille risque au bout du compte de payer le prix fort s'il n'initie pas les réformes demandées par les jeunes générations, en particulier les femmes. Dès son accession au trône en 2005, il enclenche des réformes dans les secteurs religieux, judiciaire et culturel afin de desserrer l'étau du wahhabisme. L'une de ses premières décisions : nommer des personnalités plus jeunes et plus libérales au sein du ministère de l'Education pour donner un coup de jeune à l'enseignement.

Mais il est difficile d'en évaluer les résultats. L'une des filles du roi, la princesse Adala, s'est également portée en première ligne pour défendre les conditions des femmes. Sous son action, la gymnastique a fait son entrée dans les écoles publiques et privées pour filles, des clubs de sport destinés aux femmes ont vu le jour et les sportives sont autorisées à concourir aussi bien dans les compétitions nationales qu'internationales.

Le mois dernier, le roi a inauguré la nouvelle université de Science et de Technologie. Une véritable révolution culturelle : l'établissement brise l'étau conservateur en permettant des classes mixtes. Par ailleurs, si les femmes ne peuvent pas conduire dans l'ensemble du royaume, elles y sont autorisées sur le campus.

Ces petites avancées ne vont pas changer la face de l'Arabie Saoudite. Mais constituent un pas dans la bonne direction. Cela ne surprendra personne : ces réformes ont affronté de solides résistances de la part des conservateurs. Mais le roi, qui a le plein soutien des libéraux et des intellectuels, n'a pas cédé. Preuve qu'Abdallah ne tolère aucune dissension : il a relevé de ses fonctions l'un des leaders religieux les plus populaires, cheikh Saad Bin Nasser al-Shetri. Ce dernier avait vigoureusement condamné la mixité de la nouvelle université. Une décision en signe d'avertissement pour les autres irréductibles.

Le roi affronte également des signes d'opposition dans son propre clan. La rébellion est menée par le ministre de l'Intérieur, le prince Naef. Il s'est prononcé publiquement contre la libéralisation du statut de la femme. Mais le monarque a également de nombreux soutiens au sein de la famille royale. Et ils le font savoir. Le prince Walid bin Talal, bien connu en Occident pour ses opinions libérales, a été filmé aux côtés de sa femme. Celle-ci conduit régulièrement à l'extérieur des frontières et attend impatiemment le jour où elle pourra être enfin libre de le faire dans son propre pays. Il ne fait aucun doute que le roi lui-même a donné sa bénédiction à de telles confessions publiques. En parallèle, Abdallah a pris d'autres mesures chocs. Il a démis de ses fonctions le président de la Cour suprême ainsi que plusieurs autres personnalités de premier plan de l'Office du Mufti (Dar el- Iftaa), perçues comme autant de déclarations de guerre à la forteresse islamique.

Pourtant, malgré ces avancées, le roi est toujours attaqué par ceux qui l'accusent d'agir trop en douceur. Il y a plusieurs mois, les Saoudiens en faveur d'une monarchie constitutionnelle ont appelé le monarque à autoriser des roturiers à occuper des postes de premier plan, dont celui de Premier ministre. Sur un autre front, le royaume s'est retrouvé sous le feu des critiques d'une organisation locale de défense des droits de l'Homme. Dans son rapport annuel, l'association critiquait publiquement et pour la première fois les institutions gouvernementales, en particulier le ministère de l'Intérieur, qui violent les droits élémentaires.

Le roi a pris en considération ces remarques et signé, la semaine dernière, une nouvelle loi pour obliger les institutions étatiques à promouvoir la "culture des droits de l'Homme", un corpus de principes compatibles avec la loi islamique. Mais le débat reste entier sur l'efficacité réelle de ces réformes. Récemment, deux journaux islamiques opposés à la modernisation ont été obligés de fermer leurs portes. Par ailleurs, les zones tribales, où les traditions religieuses demeurent très fortes, sont peu enclines à suivre ce vent de libertés, en particulier celles accordées aux femmes.

Le combat d'Al-Qaïda contre les "infidèles"

Manifestations en Arabie Saoudite. 
PHOTO: BLOOMBERG , JPOST

Mais les menaces intérieures ne sont rien à côté des deux dangers mortels de l'Arabie Saoudite : Al-Qaïda et l'Iran. Le mouvement terroriste a commandité une série d'attentats suicides ces cinq dernières années avec l'objectif affiché de renverser la monarchie coupable de "trahir l'islam". Son crime : avoir accueilli sur son sol des bases militaires américaines. Depuis, les installations ont été transférées au Qatar mais pour le mouvement terroriste, cette démarche est loin d'être suffisante. Les étrangers sont toujours autorisés à vivre dans la Péninsule arabique et pour Al-Qaïda, il s'agit d'une transgression impardonnable : impossible d'autoriser des "infidèles" à vivre sur la terre du prophète Mahomet. Il faut donc instaurer un régime islamique strict en lieu et place de la monarchie. Abdallah a fait du combat contre Al-Qaïda l'une de ses priorités.

L'année dernière, ses services de sécurité ont tué ou arrêté un certain nombre de ses membres. En parallèle, le mouvement a commis une grave erreur : il a tenté d'assassiner le prince Mohammad Bin Naef, le fils du ministre de l'Intérieur, en charge de la lutte contre le terrorisme. Choqués par ce "sacrilège", les chefs tribaux se sont détachés d'Al-Qaïda pour renouer avec le régime saoudien.

Le potentiel de nuisance iranien

L'autre menace extérieure : l'Iran chiite. Téhéran perçoit Riyad, le cœur de l'islam sunnite, comme le principal obstacle à sa révolution islamique. Le plus grand danger : le programme nucléaire iranien. Si Téhéran possédait la bombe atomique, l'Arabie Saoudite se retrouverait sans défense et sans protection américaine. En réalité, le royaume espère secrètement qu'Israël réglera le problème iranien. Mais plus encore que la menace nucléaire encore lointaine, l'Iran pose des défis plus immédiats, en particulier plusieurs tentatives de déstabilisation des provinces saoudiennes de l'est, riches en pétrole et qui abritent une importante minorité chiite. Si l'Iran parvenait à retourner cette minorité contre Riyad, les conséquences pourraient être catastrophiques pour le royaume. Sans ses réserves pétrolières, l'Arabie Saoudite cesserait d'être une puissance de premier plan.

Le roi Abdallah espère régler le problème en dégainant le porte-monnaie pour améliorer les infrastructures de ces provinces. Mais la région demeure une zone potentielle d'instabilité. En effet, de l'autre côté de la frontière, le Yémen affronte le clan rebelle des Huthis, soutenu par l'Iran. Cette violence pourrait se déverser en Arabie Saoudite. Riyad a tenté de prendre les devants : contrer l'influence iranienne par d'intenses tractations diplomatiques. Mais ses efforts demeurent peu productifs. Le royaume essaie de resserrer les liens économiques et politiques entre les pays du Golfe, à travers le Conseil de Coopération. Néanmoins, ces Etats ont une puissance militaire très limitée et demeurent dépendants de la protection des Etats-Unis. Le Qatar abrite des bases américaines et les plus grandes installations navales de Washington se trouvent au Bahreïn. Les troupes américaines transitent par le Koweït avant de se rendre en Irak. Pour autant, il ne s'agit pas d'un front solide. Le Qatar se rapproche de l'Iran tout comme Oman.

Autre méthode pour endiguer la menace iranienne : gagner les faveurs de la Syrie. Les relations entre Riyad et Damas se sont refroidies après l'assassinat en 2005 de l'ancien Premier ministre libanais, Rafik Hariri, un ami proche de la famille royale. Associée à l'Egypte, l'Arabie Saoudite s'est donné comme objectif d'isoler Damas. Une initiative soutenue par des Etats arabes pragmatiques, comme la Jordanie ou le Maroc, mais surtout par les Etats-Unis qui ont imposé des sanctions économiques et rappelé leur ambassadeur, à l'image de l'Union européenne.
Depuis, le vent diplomatique a tourné. Le président français Nicolas Sarkozy a fait un pas en direction de Damas en invitant son dirigeant Bachar el-Assad à Paris pour le lancement de son grand projet d'"Union pour la Méditerranée". Le président américain Barack Obama a embrayé en relançant le dialogue avec Damas. L'Arabie Saoudite a été contrainte de suivre le mouvement et le mois dernier, le roi Abdallah s'est rendu en personne dans la capitale syrienne. Avec pour seul résultat tangible : l'échange d'ambassadeurs entre Riyad et Damas, une mesure déjà amorcée avant la visite.

Roi cherche héritier

Les tensions entre l'Iran chiite et l'Arabie Saoudite sunnite ne sont jamais aussi fortes que lors des pèlerinages religieux. Récemment le leader suprême de la Révolution islamique, l'ayatollah Ali Khamenei, a promis de lourdes conséquences si les fidèles iraniens étaient sujets à un harcèlement des autorités saoudiennes lors du "hadj", le pèlerinage saint à La Mecque. Riyad a analysé cette menace verbale comme le signe de futurs débordements des Iraniens dans la ville sainte. Les autorités saoudiennes ont dénoncé des tentatives de récupération du pèlerinage à des fins politiques. De telles tensions reposent sur un précédent. En 1987, les manifestations de pèlerins iraniens à La Mecque avaient nécessité l'intervention de la Garde nationale saoudienne. Bilan : plusieurs centaines de morts et de blessés. Probablement en souvenir de cet événement, Téhéran a précisé qu'aucune manifestation iranienne n'était prévue dans la ville sainte.

Le monarque assiégé Abdallah sait que le temps joue contre lui. Il a 86 ans et ses successeurs potentiels sont loin d'être dans la force de l'âge. Le prince Sultan, un autre des fils du roi Saud, a 83 ans et souffre de problèmes de santé. En 2006, la famille royale a donc décidé de mettre sur pied un "Comité d'allégeance" pour diriger le pays avant qu'un successeur capable de prendre la relève soit choisi. Un autre des fils du roi Saud et candidat au trône : le prince Naef Bin Abdoul Aziz. Seulement cinquième dans l'ordre de succession, il a été nommé second vice-Premier ministre, soit la troisième personne la plus puissante du royaume. Mais à 76 ans il officie au poste de ministre de l'Intérieur depuis quatre décennies. En dépit de son âge avancé, il pourrait bien être le prochain roi d'Arabie Saoudite.

En attendant, le vieux monarque Abdallah travaille d'arrache-pied pour laisser derrière lui un pays viable. Une course contre la montre. Le roi est réformiste par nécessité et non pas par croyance. Elevé dans une éducation ultra-conservative baignée dans l'islam wahhabite, son âge et son éducation ne font pas de lui le meilleur défenseur de la monarchie constitutionnelle. Ses mains de fer ont permis à l'Arabie Saoudite de rester un îlot de stabilité et de pragmatisme au Moyen-Orient face aux tentatives de l'islam radical et de l'Iran. Trois facteurs ont permis au royaume de résister : le pétrole, le soutien américain et la prudente gouvernance de la famille royale.
Le pays continuera-t-il sur le même chemin ?

Telle est toute la question.

L'auteur de cet article est l'ancien ambassadeur d'Israël en Egypte et en Suède.


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