La liste est longue : Oman, Bahreïn et Yémen à l’Est, Libye, Tunisie et Maroc à l’Ouest, Syrie et Irak au Nord
dimanche 27 février 2011 - 18h31, par

Le vent de révolte populaire qui souffle sur les pays arabes se transforme en tempête et menace de plus en plus de régimes qui s’estimaient à l’abri. Le réveil des peuples arabes, trop longtemps écrasés par les dictatures, semble irréversible et incontrôlable. Leur désir de changement est proportionnel à la longue privation.
Entre la Tunisie et l’Egypte, l’autre dictature vieille de 42 ans compte ses derniers jours, ou dernières heures. Naturellement, et contrairement à Ben Ali et surtout à Moubarak, Mouammar Kadhafi n’a pas résisté à la déferlante populaire. Car en effet, les trois régimes n’ont rien en commun. Même l’exercice et l’intensité de la dictature y étaient différents. La Libye est quasiment le seul pays de la planète où n’existe aucune structure étatique digne de ce nom, avec le modèle personnel imposé par Kadhafi : le système jamahirien. Même l’armée y a été mise en déroute en quelques heures, en dépit des investissements colossaux en matière d’armements (chars, avions, missiles, navettes, armes chimiques et bactériologiques...).
La chute des trois régimes de l’Afrique du Nord fait des jaloux dans la région et au-delà. A l’Ouest du monde arabe, les Algériens tentent de se mobiliser - sans grande réussite pour l’instant. Les manifestations au Maroc ne faiblissent pas. La mobilisation oblige le roi Mohammed VI à sacrifier son Premier ministre au profit d’un technocrate pour contenir la colère. A l’Est, la vague de contestation menace le Yémen, où plusieurs morts ont été enregistrés à Aden et dans le Sud, et où les tribus, traditionnellement proches du régime, semblent le lâcher. De ce fait, le compte à rebours semble enclenché, et le départ du président Ali Abdallah Saleh serait acquis.
A Bahreïn, les concessions du roi Hamad Ben Issa ne calment pas les ardeurs de l’opposition. L’entrée au gouvernement d’un nouveau ministre chiite à la faveur du remaniement annoncé hier samedi n’a pas empêché le bloc parlementaire chiite (Al-Wifak), qui compte 18 députés, d’officialiser sa démission, ce dimanche, provoquant une nouvelle crise politique et institutionnelle dans le royaume. Non loin de là, à Oman, au moins deux personnes ont été tuées et cinq autres blessés dans des accrochages entre les forces de l’ordre et des manifestants à Sahar, à 200 km au nord de Mascate. Les manifestants réclament des réformes politiques et économiques en profondeur. Pourtant, hier, le Sultan Qabous avait annoncé une hausse des allocations versées aux étudiants et une baisse des cotisations salariales. Rien à faire, les Omanais, qui ne sont pas les moins bien lotis, demandent davantage de participation à la vie politique, et ne se contentent plus de la générosité de l’Etat.
Le même scénario touche l’Arabie saoudite. Les mesures socioéconomiques annoncées mercredi par le roi Abdallah, pour un montant de 35 milliards de dollars ne satisfont pas les Saoudiens. Aujourd’hui, Riyad vient de décréter la confirmation dans leurs fonctions de tous les emplois précaires, pour résorber la colère. Mais les Saoudiens demandent des libertés et de la démocratie. Les pétitions se multiplient réclamant au roi une séparation des pouvoirs entre la Monarchie et l’Exécutif, l’organisation d’élections, et la transformation de l’Arabie en Monarchie constitutionnelle.
Le Nord du monde arabe n’est pas à l’abri de la contestation. L’Irak a connu de violentes manifestations vendredi, qui ont fait cinq morts. La plus importante raffinerie du pays a été incendiée. Les manifestants dénonçaient les conditions de vie déplorables, notamment la multiplication des pénuries d’eau et d’électricité, dans un pays qui regorge de ressources en eau et en pétrole, mais qui est victime des gaspillages et de la corruption.
Enfin, en Syrie, le régime vit dans une très vive tension, alors que trois manifestations hostiles ont été organisées ces trois dernières semaines. Les Syriens se disent plus courageux que les Tunisiens, les Egyptiens et les Libyens, et qu’ils vont le prouver bientôt. D’autant plus que le contentieux qui les oppose au régime est bien plus lourd et plus sanglant. Ils relativisent les échecs des trois dernières tentatives, et affirment qu’il s’agit de reculer pour mieux sauter. Ils auraient ainsi testé la réactivité du régime pour mieux l’éviter aux prochaines fois. C’est justement pour éviter ce scénario que Bachar Al-Assad vient de tendre la main, une nouvelle fois, à Israël, à travers les Américains, pour relancer les négociations de paix. Mais pour le peuple syrien, la pilule ne passe plus.
L’effet domino, parti de Tunis, n’épargne aucun pays. Les peuples arabes, trop longtemps absents de la scène, entendent rattraper le temps perdu. Ils risquent de faire des jaloux en Occident, où les diplomaties sont d’ores et déjà dans l’embarras pour leur gestion chaotique des crises. Si le Quai d’Orsay doit changer de locataire ce dimanche, et la diplomatie française parallèle doit subir une profonde mutation, l’Italie et la Grande-Bretagne ne seraient pas à l’abri de l’onde de choc provoquée par la chute imminente de Kadhafi. Rome et Londres ayant entretenu des relations plus qu’ambigües avec Tripoli.
Khaled Asmar
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