25.03.10
Le ministère de l'Information et de la Diaspora, Yuli Edelstein, veut mettre un grand coup pied dans la fourmilière de la "hasbara" (information) israélienne. Mais a-t-il des chances de réussir ? Son initiative ne se positionne-t-elle pas trop à droite, comme tel était déjà le travers de ces précédentes campagnes israéliennes ces dix dernières années ?
Le ministre de l’Information et de la Diaspora, Yuli Edelstein.
Photo: Ariel Jerozolimski , JPost
Comme nous le savons tous, il n'y a aucun consensus sur ce qui est communément appelé le processus de paix. Alors comment demander aux Israéliens, comme s'il s'agissait d'un bloc homogène, de délivrer un message unique ? De quoi assister aux gags les plus burlesques. Imaginez un Israélien bien ancré à gauche harpaguer un Parisien dans la rue pour dénoncer haut et fort la politique israélienne d'apartheid envers les Palestiniens. Pendant ce temps, de l'autre côté de l'Atlantique, j'ose à peine penser à mon cher épicier Yossi faisant la queue à Walt Disney, tout en expliquant tranquillement à la famille derrière lui que les Arabes ne sont pas dignes de confiance et que la seule solution reste un transfert de population.
Ce concept de "masbirim" (émissaires) peut être salué. Ne serait-ce que pour faire suite à cette idée, vieille de dix ans déjà, que la "hasbara" doit dépasser le conflit israélo-palestinien.
Mais le fait est que le site prévu pour cette initiative, ses affiches et ses conférences, ont déjà envahi le monde politique et encouragent l'Israélien moyen à parler de sujets qu'il ne maîtrise pas, et sur lesquels même le porte-parole le plus aguerri préférerait rester muet.
Cette pratique "café du commerce" ne risque pas d'aider à redorer l'image d'Israël. Pire, elle pourrait faire davantage de dommages à l'étranger. En termes de communication, Israël a encore beaucoup à faire. Le titulaire de cette délicate mission au ministère des Affaires étrangères, Ido Aharoni, évoque un schéma manichéen bien ancré lors de la conférence annuelle sur le Tourisme à Tel-Aviv, le mois dernier. Exemple : une conversation sur
le conflit israélo-palestinien à l'étranger s'achève toujours de la même manière : un tank israélien face à une jeune Palestinien qui jette des pierres à main nue. David contre Goliath. A cela s'ajoute le pouvoir de la télévision.
Difficile d'expliquer avec des mots et en quelques minutes la position israélienne alors que l'image, elle, reste accrochée durablement dans l'imaginaire des téléspectateurs : "Et lorsque nous essayons encore, nous échouons inévitablement parce seule reste l'image de l'enfant devant la machinerie de guerre israélienne", explique Aharoni.
Trouver un juste milieu entre guerre permanente et terre de volupté
Mais qui voulons-nous réellement convaincre lorsque nous évoquons la bonté naturelle d'Israël et sa juste place dans le monde ? Il y aura toujours un petit pourcentage de personnes pour qui l'Etat hébreu sera toujours le méchant. Convaincre un activiste de "la semaine de l'apartheid contre Israël" est une cause perdue. Comme il y aura toujours ces avocats de l'Etat hébreu (en majorité issus des rangs de la droite) pour qui le pays est synonyme de perfection.
Maintenant, il reste cette majorité silencieuse en Europe et aux Etats-Unis qui ne se soucie pas franchement de politique et encore moins de notre minuscule territoire. Commencez à leur parler de la barrière de sécurité, des points de passage et des Kassams, et vous verrez une indifférence totale, voire une certaine apathie envahir leur visage. Mais heureusement, les efforts de cette campagne n'oublient pas de mettre l'accent sur cet "autre" Israël, celui dont les habitants vivent une existence parfaitement normale et font ce que tous les gens civilisés font.
Mais quelle image voulons-vous réellement donner au monde ? Nous avons certes beaucoup de choses à défendre, comme ces innovations, ces produits et ces services qui, chaque jour, sont utilisés à travers le monde sans que personne ne le sache. Sans être hostiles au pays, nombreux sont ceux qui ont une vision erronée d'Israël. Pour David Sable, le dirigeant de Wunderman, une agence de publicité, les Américains sont encore convaincus que les Israéliens mènent une vie "aux antipodes" de la leur. Aharoni partage les mêmes conclusions. Outre Atlantique, l'Etat hébreu est perçu comme un pays sinistre marqué par la guerre et non comme la terre du high-tech, des cafés animés, et de la plage. C'est pourquoi, il y a dix ans, des visionnaires comme Aharoni et d'autres membres de l'administration israélienne avaient commencé - et tentent aujourd'hui encore - de remodeler en profondeur l'image de leur pays.
Une tâche rude face à la démission aussi bien de la gauche que de la droite. La première pour ne voir que les souffrances des Palestiniens et la seconde pour vouloir travestir le foyer juif en un immense Club Med. La communication actuelle ne fait pas l'impasse sur les réalités en demi-teinte d'Israël : elle demande simplement au monde d'analyser l'Etat hébreu sous toutes ses formes. Trouver un juste milieu entre ceux qui clament qu'Israël est le paradis du plaisir et de la volupté et ceux qui imaginent le conflit à chaque carrefour. Oui, la guerre est une réalité, tout comme les découvertes pharmaceutiques contre le cancer, les percées informatiques, les étendues de sable et les défilés de top-models.
Le monde ne devrait-il pas découvrir Israël à travers ce spectre plutôt qu'à travers le vert militaire ou le noir orthodoxe ? Ne devrions-nous pas aller au-delà des idées reçues, vous, moi, l'activiste de gauche et l'épicier du coin, lorsque nous parlons d'Israël ? Il ne faut pas uniquement blâmer les médias. Nous aussi avons notre part de responsabilité. Nous avons pris l'habitude, jusqu'à devenir une obsession, d'évoquer uniquement le conflit lorsque nous discutons de l'Etat hébreu à l'étranger.
Créer une brèche
Le lancement de cette nouvelle campagne de "masbirim" a peut-être certains mérites, mais ses créateurs agissent comme s'ils étaient les pionniers d'une terre inconnue alors qu'en réalité, depuis dix ans, certains organismes militent discrètement pour fournir des informations qui sortent de la lorgnette du conflit. Je pense à l'organisation ISRAEL21c, une des premières à vouloir détourner l'œil de la caméra du conflit israélo-palestinien et dire au monde qu'Israël n'est pas un endroit parmi tant d'autres, mais une terre d'innovations que le monde regretterait si elle venait à disparaître.
On peut espérer que le fait de combiner ce matériel déjà existant à cette nouvelle initiative d'émissaires israéliens puisse permettre d'accroître les chances de succès.
Et de faire d'une pierre deux coups : éduquer l'Israélien moyen et étoffer ses connaissances sur son propre pays. Imaginons la scène suivante : un couple d'Israéliens discute avec un autre couple britannique. Ils parlent de tout et de rien avant d'évoquer un sujet beaucoup plus sérieux : le cancer. Il s'avère que l'époux anglais a été sauvé par une minuscule caméra à rayons X qui a permis une détection précoce de son cancer du colon. Le couple israélien ne sait absolument pas que la caméra-miracle est une invention de l'Etat hébreu développée par la start-up "Given Imaging" de Yoqneam. Quel dommage. S'il l'avait su, nos compatriotes auraient transformé en une seconde le froid, sinistre et militariste Israël en un pays bienfaiteur aux yeux de leurs interlocuteurs britanniques.
Est-ce que cela aurait changé l'opinion des Britanniques sur l'Etat hébreu ? Peut-être. Ou pas. Mais si cette minuscule caméra pouvait avoir un impact positif sur leur vision des choses le jour où la télévision anglaise diffusera un sujet sur des affrontements entre Palestiniens et policiers israéliens sur le mont du Temple, pourquoi ne pas essayer.