La persécutions des Juifs de Syrie.
Reut R. Cohen
Article original : The Persecution of Jews in Syria
Traduit par Sacha Bergheim avec l'aimable autorisation de l'auteur.
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Il est important de remarquer que des pays comme l'Arabie Saoudite, le Yemen, Oman, la Jordanie, la Syrie, le Liban, l'Iraq et le Koweit n'existaient pas aux débuts du 20e siècle. La Syrie, par exemple, a été constituée en avril 1946, le Liban le 26 novembre 1941, même s'il n'a été reconnu que le 22 novembre 1943.
Israel, souvent désigné comme Palestine (un terme qui remonte aux colonies de l'Empire romain plutôt qu'à l'histoire des Arabes) a une existence attestée dans l'histoire comme Royaume juif.
L'essentiel du Proche-Orient a été dominé par l'Empire ottoman, puis les Britanniques ont plus tard pris le contrôle de la région et ont créé de nouveaux pays, installé des royaumes, tel que le Royaume hachémite de Jordanie qui n'avait jamais auparavant existé. De nombreux peuples non-musulmans vivaient dans ces régions et représentaient une part significative de la population de villes comme Bagdad, le Caire, Damas, avant l'émergence du mouvement nationaliste arabe. Les Juifs étaient ceux, parmi ces peuples, qui ont eu une présence continue de Jérusalem à Hébron, jusqu'au Yémen et à l'Iraq d'aujourd'hui.
Sous le joug islamique les Juifs vivaient en Syrie en tant de dhimmis et avaient de ce fait des droits sociaux et juridiques moindres que les musulmans. La situation des Juifs dans les années 1940 s'est détériorée en raison du mouvement national arabe. Des émeutes eurent lieu à plusieurs reprises à Damas. Le pillage des maisons et le viol des femmes juives étaient courants. Ma grand-mère maternelle qui vivait à Damas s'est enfuie de Syrie au milieu des années 1940. Ses parents étaient décédés et elle était contrainte de vivre avec une soeur aînée. Ma grand-mère était consciente que la vie pour les Juifs devenait dans les années 1940 plus difficile. Sous le joug colonial français, les Juifs étaient un peu plus acceptés en Syrie, mais l'avènement du nationalisme arabe a vu la situation des Juifs se dégrader rapidement.
À l'âge de 16 ans, ma courageuse grand-mère a décidé de faire un long et pénible voyage pour rejoindre Israel, en payant un homme druze avec l'or que sa mère lui avait laissé.
Reut Cohen avec sa grand-mère en 1998
Ma grand-mère et d'autres Juifs qui partaient de Syrie vers Israel devaient marcher la nuit car les autorités syriennes incarcéraient tout Juif fuyant en direction d'Israel. Pour beaucoup de Juifs, il était donc presque impossible de s'enfuir. Les derniers Juifs de Syrie ont pu s'échapper au début des années 1990. Nos proches parents, qui sont arrivés en Israel à ce moment, nous ont reconnu ce qu'ils ont vécu. Ils avaient été arrêtés par les autorités syriennes, torturés pendant des années et subissant des crimes innommables, perpétrés par la police syrienne.
Une famille juive dans leur ancienne maison en 1901 à Damas alors sous domination turque.
Avant 1947, il y avait plus de 30 000 Juifs vivant en Syrie. Les trois principaux groupes étaient composés des Juifs Mizrahi de Damas, des Juifs kurdophones de Kamishli, et des Juifs d'Alep liés à l'Espagne.
L'histoire de la présence juive en Syrie peut être retracée jusqu'avant même l'introduction du christianisme et de l'islam. À certains moments, la situation des Juifs en Syrie fut relativement bonne. Par exemple, Menashe Ibrahim el Kazzaz dirigea l'administration syrienne et garantit aux Juifs la possibilité de tenir des positions au gouvernement.
Mariage juive à Alep en Syrie, 1914.
À la suite de l'indépendance syrienne en 1946, les attaques contre les Juifs et leurs biens s'accentuèrent et culminèrent à plusieurs reprises dans des pogromes sanglants. Le pogrome de 1947, par exemple, laissa tous les magasins et les synagogues d'Alep en ruine. Les Juifs furent déclarés « ennemis du gouvernement ». Des milliers de Juifs fuirent alors le pays en dépit des menaces du gouvernement syrien d'incarcération et d'assassinat contre tous ceux qui oseraient s'échapper. Les maisons et les biens des Juifs furent saisis par les musulmans locaux et les autorités.
Le Juifs de Syrie qui restaient se trouvèrent dans l'impossibilité de s'échapper. Ils étaient otages d'un régime fasciste. On leur disait qu'ils ne pourraient quitter la Syrie qu'à la condition d'abandonner des membres de leur famille. C'est pourquoi la communauté vécut alors enfermée et sous la peur, surveillée par la police secrète.
Le dernier exode des Juifs syriens a eu lieu aux environs d'octobre 1994 lorsque des Juifs s'en allèrent avec leur grand rabbin. 1 262 Juifs syriens ont été sauvé et conduit en Israel. Rabbi Avraham Hamra, leader spirituel de la communauté juive syrienne, fit parti de ceux qui quittèrent le pays et immigrèrent à New York. Il vit aujourd'hui en Israel.
Il reste aujourd'hui moins de 100 Juifs en Syrie. Les Juifs y sont la seule minorité avec des passeports et des cartes d'identité indiquant leur religion.
Sources:
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Singer, David and Lawrence Grossman. American Jewish Year Book 2003. American Jewish Committee, 2003.
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Yadin, Yigael. Bar-Kokhba; the Rediscovery of the Legendary Hero of the Last Jewish Revolt against Imperial Rome. London: Weidenfeld and Nicolson, 1971.
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