Cet article fait suite a celui de JCDurbant du 02/02/2010
> Retour sur une polémique : Pouquoi les alliés n'ont pas bombardé Auschwitz
Par Le Colonel Hervé de Weck
Parution juin-juillet 2006 dans la Revue Militaire Suisse
Les exécutions massives de juifs et leur gazage à Chlemno commencent à la fin de l’année 1941 en territoire soviétique occupé, alors que le 75 à 80% des victimes de la Solution finale sont encore en vie à la mi-mars 1942. Ils sont effectuées par les SS, lesEinsatzgruppen, les formations de la Police d’ordre et des policiers auxiliaires baltes.
Seule une partie des officiers de la Police d’ordre fait partie de la SS mais pas la troupe. La «Solution finale», au sens strict du terme, n’est pas mise en œuvre à grande échelle avant le deuxième semestre 1942, décidée à la conférence de Wansee le 21 janvier 1942.
Dans Secrets officiels. Ce que les nazis planifiaient, ce que les Britanniques et les Américains savaient [1], l’Américain Richard Breitman en véritable historien, sans jouer au procureur, exploite une source inédite: les décryptages réalisés en Grande-Bretagne de messages radio de la police d’ordre et du SS Wirtschaft-Verwaltungshauptamt. Son ouvrage, fruit d’un travail de bénédictin, démontre que les décideurs ont toujours beaucoup de peine à croire une information qui ne correspond pas à leur vision des choses et qu’ils semblent avoir peur de la vérité. A propos de la Shoah, ce ne sont pas les renseignements qui font défaut, mais la capacité des responsables alliés de les accepter comme vrais et de rassembler les pièces du puzzle pour avoir une image claire et cohérente de la situation. Ils ont tendance à détourner le regard parce qu’ils ne croient pas. Il faut admettre que les informations exigent le plus souvent d’être interprétées en les comparant à l’ensemble des données disponibles [2].
Il s’avère encore difficile aujourd’hui d’évaluer de manière exhaustive la façon dont les services de renseignements britanniques et américains ont réagi à l’Holocauste. Certains rapports peuvent avoir été détruits, la plupart restent classifiés mais il y en a assez pour se faire une bonne idée. L’OSS, qui disposait d’informations moins nombreuses et moins fiables que le MI 8 et le MI 14 à Londres, n’a pas été en mesure de représenter correctement la «Solution finale» avant la fin de l’année 1942.
Londres dispose d’informations fiables…
Dès 1941, les services de renseignements britanniques disposent d’informations crédibles sur les massacres de juifs par les nazis. A partir de 1937, ils ont en effet réussi à déchiffrer certains codes allemands, entre autres ceux de la Police d’ordre qui, depuis septembre 1939, passe des messages radio concernant les transferts de main-d’œuvre dans le Gouvernement général de Pologne et, depuis juin 1941, les liquidations de juifs dans les territoires soviétiques. Dès le début de la guerre, les services britanniques ont percé certaines clés utilisées avec la machine de codage sophistiquée Enigma, entre autres une de celles du SS Wirtschaft-Verwaltungshauptamt en charge des camps de concentration, puis d’extermination. En revanche, ils ne sont pas parvenus à percer les clés Enigma de la Gestapo et du Sicherheitsdienst, qui servent à crypter les messages des Einsatzgruppen.
Les analystes militaires britanniques comprennent que les fonctionnaires nazis recourent à l’euphémisme et au camouflage lorsqu’ils évoquent des mesures extrêmes. «Umsiedlung» (réinstallation) ou «Sonderbehandlung» signifie exécution de juifs ou de Russes. Entre l’été et l’automne 1941, ils déchiffrent des douzaines de rapports clairs concernant des exécutions massives. Le 30 août, le chef SS Bach-Zelewski se vante que, dans sa région, les exécutions dépassent les trente mille. Le chef du Secret Intelligence Service envoie chaque semaine à Winston Churchill des résumés en anglais des activités de la police allemande sur territoire soviétique. Certains messages déchiffrés figurent dans les rapports quotidiens soumis au Premier ministre.
En août 1941, le problème juif ne se trouve pourtant pas au centre des préoccupations de Churchill, qui lie les atrocités nazies à l’âpre résistance soviétique et met en relation les exécutions de dizaines de milliers de patriotes russes avec l’irritation des responsables allemands face aux pertes de la Wehrmacht. A ce moment, il pourrait pourtant déceler un nombre et un pourcentage grandissants de victimes juives. En ce qui concerne les juifs, le Premier ministre, les gouvernants et les spécialistes initiés se montrent peu enclins à croire les rapports les plus alarmistes.
Les mises en garde des services d’Himmler concernant la vulnérabilité des transmissions radio réduisent considérablement les indiscrétions. Comparés à ceux de l’été et de l’automne 1941, les messages transmis par la Ordnungspolizei en 1942 comprennent beaucoup moins de données sur les exécutions massives de juifs et d’autres victimes dans les territoires soviétiques. En revanche, ils évoquent souvent le sérieux manque de main-d’œuvre dont souffre le Reich, qui amène la décision d’exploiter les juifs aptes au travail au lieu de les exécuter immédiatement.
Le décryptage de messages radio diffusés par le SS Wirtschaft-Verwaltungshauptamtdonne des indications de première main sur les camps d’extermination et le processus industriel d’extermination. A Auschwitz-Birkenau, on liquide dans les meilleurs délais les nouveaux arrivants mais, dans le camp, il se trouve aussi des contingents de juifs travailleurs forcés, ce qui brouille les pistes. En 1942, les responsables SS transmettent par radio un compte rendu presque quotidiennement du nombre d’individus ajoutés ou retranchés à la population du camp. Quoi qu’il en soit,
«au milieu de l’année 1942, et à partir de ces seuls décryptages, il eût été très difficile pour les analystes britanniques de faire le lien entre les transports de juifs vers Auschwitz et les nouvelles installations[nouveaux fours crématoires] qui s’y trouvaient. Rien n’indique que les services secrets l’aient fait.»
Mais d’autres renseignements auraient pu être exploités, par exemple ceux de la résistance polonaise…
Les messages radio décryptés de la police d’ordre et de la SS sont diffusés d’une manière très restreinte, vraisemblablement pour éviter de divulguer des sources majeures. Cette restriction empêche des hauts fonctionnaires du Foreign Office de comprendre le génocide décidé par les nazis. Malgré ces messages et les autres sources annonçant la disparition et l’exécution de juifs, le Gouvernement britannique opte pour le silence face à la politique nazie à l’égard des juifs. «Pour autant qu’on puisse en juger, écrit Richard Breitman, la Grande-Bretagne a tout simplement mis en réserve les informations relatives aux débuts de ce qu’on appelle maintenant la Shoah, obtenues par l’intermédiaire des messages décodés ou de toute autre source.»
Les Etats-Unis ne bénéficient pas des décryptages
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la collaboration américano-britannique dans le domaine du renseignement, si elle commence avant l’entrée en guerre des Etats-Unis, reste peu intense. Les deux communautés ont leur caractère propre et des particularités qui font qu’elles sont peu en phase avec les relations politiques entre les deux Etats. Les services de renseignements gardent traditionnellement les secrets qu’ils découvrent, ils les exploitent sans les partager. Jusqu’en 1945, les autorités civiles et militaires américaines ne connaissent pas les succès britanniques touchant à Enigma et les décryptages des messages radio de la Police d’ordre allemande; elles ne reçoivent que quelques documents de synthèse émis par les Britanniques. En revanche, elles disposent de l’enregistrement des conversations entre prisonniers allemands. L’ambassade américaine à Berlin prévoit, à fin octobre 1941, que tous les juifs d’Allemagne seront déportés «en l’espace de quelques mois», ajoutant à la mi-novembre, que les individus valides sont transférés d’Allemagne en Russie comme travailleurs forcés. L’attaché militaire rapporte que des unités SS exécutent des juifs dans de nombreuses localités occupées de Russie.
Les médias américains publient de nombreuses informations. Le principal correspondant allemand de l’Associated Press écrit à fin octobre 1941 que l’élimination totale des juifs est «une politique allemande déterminée» et que le sort des déportés reste inconnu. Le New York Journal American, à la mi-novembre, fait un gros titre en première page de l’assassinat par les Roumains de 25000 juifs à Odessa: en réalité le chiffre est beaucoup plus élevé. A la fin du mois, le New York Herald Tribune, qui veut rester prudent, évoque certains rapports provenant d’Europe centrale qui «parlent de massacres de juifs par les Allemands». The New York Time annonce en mars 1942 que la Gestapo a assassiné 24000 juifs déportés en Ukraine; le Daily Telegraph, dans un grand article paru en juin, mentionne l’utilisation par les nazis de chambre à gaz mobiles. Le New York Herald Tribune, le 25 novembre, titre «Hitler a donné l’ordre de tuer 4 millions de juifs en 1942». Mais la presse américaine traite en général avec scepticisme toute information concernant les exécutions de juifs.
Aux Etats-Unis, de réels obstacles empêchent de croire à l’existence de l’Holocauste. La barbarie nazie se produit à des milliers de kilomètres. La «Solution finale», sans précédent, paraît inconcevable jusqu’en automne 1942 dans les hautes sphères du département d’Etat et chez les proches du Président. Même au Congrès juif américain, on doute de la véracité des informations dont on dispose. Comment imaginer que des êtres humains puissent avoir de tels comportements ? Le Gouvernement américain dit avoir besoin de faits soigneusement documentés ne laissant planer aucun doute sur leur authenticité, Au milieu de l’année 1942, il ne croit pas encore en disposer, alors que des informations fiables passent pour des «rumeurs délirantes inspirées par les peurs juives». Les articles de journaux ne suffisent pas à convaincre l’opinion, d’autant plus qu’ils sont souvent écrits en termes modérés, voire sceptiques…
Les raisons de cette attitude
Face aux informations relatives aux assassinats massifs de juifs par les Allemands, les responsables américains et britanniques se rappellent les rumeurs de la Première Guerre mondiale, lorsque des officines du camp de l’Entente fabriquaient de toutes pièces des atrocités allemandes prétendument commises en Belgique et dans le nord de la France, afin de retourner l’opinion mondiale contre le IIe Reich [3]. Les Allemands auraient transformé les cadavres en produits chimiques ! Ce qui est faux pendant la Première Guerre mondiale s’avère vrai pendant la Seconde…
Les dirigeants alliés ne veulent pas donner l’impression qu’ils manipulent leur opinion publique, et ils soupçonnent les réseaux d’information juifs et polonais d’exagérer les crimes nazis afin d’obtenir de secours pour leurs peuples. En août 1943, c’est toujours la conviction de Victor Cavendish-Bentinck, patron du Britsh Joint Intelligence Committee, alors qu’il a en main des preuves indiscutables de certains épisodes de l’Holocauste.
Même Churchill, qui est pro-sioniste, craint d’officialiser le massacre des juifs, ce qui risquerait de circonscrire la cause antinazie, voire de la compromettre, vu l’antisémitisme culturel [4] régnant en Grande-Bretagne comme partout en Europe, ainsi que l’hostilité envers les juifs chez les Arabes du Commonwealth. Se focaliser sur la question juive accréditerait également la thèse de la propagande allemande selon laquelle les Alliés mènent la guerre pour le compte des juifs. Il faut donc attendre le 17 décembre 1942 pour que les gouvernements alliés, pour la première et la dernière fois, publient une condamnation formelle «de la mise en pratique de la menace maintes fois répétée par Hitler de détruire le peuple juif [5]».
Le Gouvernement britannique refuse d’envoyer des secours aux juifs qui meurent de faim, entre autres dans les ghettos polonais, parce que cela n’empêcherait pas les nazis de liquider ces populations et que la stratégie choisie par la Grande-Bretagne implique d’obliger l’Allemagne à nourrir les peuples qu’elle a conquis. Faire quitter l’Allemagne et les territoires occupés à des enfants, des femmes, des personnes âgées allégerait pour le pouvoir nazi l’obligation de subvenir aux besoins des résidents. Des envois de nourriture ou de médicaments permettraient à l’Allemagne de consacrer des ressources supplémentaires pour son effort de guerre, ce qui risquerait de retarder son effondrement. Pour les Alliés, il faut que le blocus déploie ses pleins effets et que l’on continue à faire la guerre sans soulager les souffrances des civils sous la botte ennemie.
Surtout, il faut admettre qu’il s’avère très difficile de reconnaître un fait qui excède les limites de l’entendement. Comment croire à l’inhumanité illogique des nazis qui ont décidé de liquider tous les juifs d’Europe, alors que le Reich manque de main-d’œuvre ? Le décalage entre les informations disponibles et le crédit qu’on leur attribue constitue un problème de psychologie sociale durant toute la Seconde Guerre mondiale. Ce n’est pas avant le second semestre 1942, prétend Richard Breitman, que des informations en provenance de plusieurs sources permettent qu’à Londres et à Washington, on comprenne la monstrueuse entreprise nazie, particulièrement la volonté d’anéantir la totalité des juifs résidant en Europe. Même à ce moment, plusieurs responsables du Foreign Office et du département d’Etat restent sceptiques face aux preuves de l’existence de la Shoah.
Cette impossibilité de voir la réalité se rencontre également dans les milieux juifs. A fin 1943, le consistoire juif français prend soigneusement note de toutes les informations à sa disposition, mais rien n’indique qu’il en saisisse la véritable signification. Deux évadés d’Auschwitz décrivent à des résistants de Nice la réalité du camp de la mort. On ne les croit pas, on les prend pour des individus traumatisés par leurs malheurs [6]…
Ni Churchill, ni Roosevelt, qui ont pourtant reconnu très tôt les méfaits du nazisme et ont pris des risques énormes pour s’opposer à l’Allemagne, n’expliqueront pas leur attitude de réserve face au génocide des juifs. Les autorités britanniques et américaines refusent d’utiliser les récits d’atrocités, d’informer le peuple allemand de ce qui se passe pour contraindre les nazis à stopper les massacres, voire de décider des bombardements aériens de représailles sur des villes allemandes. Cette dernière mesure risquerait de mettre en question la légitimité des attaques aériennes normales sur les villes considérées comme des cibles militaires.
Aux Etats-Unis, cette absence de réactions semble s’expliquer par la crainte de mesures de rétorsion touchant les prisonniers alliés dans les pays ennemis, par le fait qu’on n’a pas compris ce que signifie concrètement l’extermination ou qu’on est décidé à ne pas distinguer les meurtres en masse de juifs de la souffrance des autres victimes. Décrire la situation désespérée des juifs entrave la guerre psychologique américaine : les juifs étrangers ne figurent pas parmi les groupes les plus populaires dans le pays, et la propagande nazie accuse les Alliés de mener la guerre pour le compte des juifs.
Depuis qu’à la mi-septembre 1941, le Secret Intelligence Service (MI 6) cesse de transmettre ses rapports concernant le sort des juifs en Allemagne à Churchill, celui-ci ne sollicite aucune information; il a délégué la question au Foreign Office. A la mi-décembre 1942, il manifeste cependant la volonté d’en arriver à une décision commune des Alliés concernant l’anéantissement des juifs. Le 17 décembre, les gouvernements alliés dénoncent pour la première fois le massacre des juifs par les nazis, mais cela ne modifiera pas leur stratégie; ils ne prennent pas de mesures destinées à sauver des juifs. Le Ministre britannique de l’Intérieur, le 31 décembre, consent tout au plus à accueillir quelques milliers de réfugiés, rappelant qu’il y en a «environ 100 000 (…) dans le pays, principalement des juifs, et que le problème de l’hébergement, qui est déjà assez difficile, deviendrait critique en cas d’attaques aériennes renouvelées.» Il ajoute qu’il y a «un très fort antisémitisme larvé dans ce pays. S’il y avait un accroissement substantiel du nombre de réfugiés juifs ou si ces réfugiés ne quittaient pas le pays après la guerre, nous serions en sérieuse difficulté.»
En dernière analyse, il semble que les autorités américaines, mais surtout britanniques, craignent que les nazis et leurs satellites puissent libérer un grand nombre de juifs qu’il leur faudrait alors accueillir et entretenir en plein effort de guerre. La position d’Anthony Eden, ministre des Affaires étrangères du Gouvernement Churchill, apparaît significative : toute tentative de négocier le sauvetage de quelques juifs pourrait avoir pour résultat que «Hitler veuille que nous prenions tous les juifs». En revanche, Américains et Britanniques encouragent les neutres à ouvrir leurs frontières…
Le 23 mars 1943, la Chambre des lords débat de la motion de l’archevêque Temple demandant d’accueillir tous les réfugiés pouvant atteindre la Grande-Bretagne. Le Gouvernement la rejette, invoquant les difficultés de ravitaillement et le manque de bateaux disponibles.
Suisse: le Conseil fédéral et la Shoah?
La Commission indépendante d’experts Suisse – Seconde Guerre mondiale, dans ses publications, ne fait pas la moindre allusion à la perception de la «Solution finale» par les gouvernements britanniques et américains entre 1941 et 1945, à leur scepticisme face à des informations et à des renseignements crédibles, leur utilisation de l’argument «La barque est pleine» pour refuser d’accueillir des réfugiés. La Commission ne devait pas comprendre d’expert en Intelligence au sens anglo-saxon du terme ! Quoi qu’il en soit, le lecteur a l’impression que les autorités suisses sont les seules à se montrer sceptiques, puis indifférentes face aux massacres systématiques de juifs par les nazis.
Dans son Rapport définitif publié en 2002, elle se contente d’écrire:
«Dès début août 1942, les autorités ne pourront plus ignorer que les réfugiés juifs sont gravement menacés. Elles ne sauront encore rien de précis sur le fonctionnement des camps d’extermination. Mais, dès la fin 1941, des informations faisant état de massacres systématiques sont parvenues en Suisse par différents canaux (…). Il n’en reste pas moins qu’à l’époque de la fermeture des frontières en août 1942, les autorités suisses savaient parfaitement ce qui se passait [7].»
Là est la grande question à laquelle la Commission ne donne aucune réponse ! Le Conseil fédéral est-il aussi bien renseigné que le Gouvernement britannique? Croit-il les informations et les renseignements à disposition? A quel moment chacun de ses membres prend-il conscience de la Shoah ? Quand le Conseil fédéral, organe exécutif collégial, en fait-il de même ? Dans quelle mesure son silence, son absence de réactions, le maintien de sa politique vis-à-vis des réfugiés s’expliquent-ils par les mêmes raisons qu’à Londres et à Washington qui n’ont pas accueilli, après 1941, de réfugiés juifs en quantités importantes.
«Entre 1933 et 1945, quelque 200 00 réfugiés ont séjourné temporairement au Royaume-Uni dont les dominions n’ont joué pratiquement aucun rôle dans le sauvetage des juifs; le Canada s’est d’ailleurs distingué par un refus presque total d’accueillir des réfugiés, notamment en raison de l’opposition déterminée de la province du Québec. (…) Entre 1933 et 1945 les Etats-Unis ont admis au total quelque 2500 00 réfugiés juifs [8].»
Entre 1933 et septembre 1939, les Etats-Unis ont accueilli 225 000 juifs, mais seulement 25 000 durant les hostilités. Entre septembre 1939 et mai 1945, la Grande-Bretagne n’en accueille que 25 000, alors que la Suisse laisse entrer temporairement plusieurs dizaines de milliers de juifs avant septembre 1939, dont la plupart vont réussir à poursuivre leur exode vers d’autres cieux. Seuls 6 500 réfugiés juifs se trouvent sur sol suisse le 1er septembre 1939, auxquels vont s’ajouter quelque 21 000 coreligionnaires accueillis dès cette date jusqu’en 1945, soit près de 28 000 personnes. Compte tenu des populations des Etats-Unis et de la Suisse, la Confédération cinquante fois plus de réfugiés juifs que les Etats-Unis [9].
Colonel Hervé de Weck
———
[1] Paris, Calmann-Lévy, 2005. 363 pp. Voir également Laqueur, Walter: Le terrifiant secret: la Solution finale et l’information étouffée. Paris, Gallimard, 1981; Browning, Christopher R.: Des hommes ordinaires. Le 101e bataillon de réserve de la police allemande et la solution finale en Pologne. Paris, Les Belles-Lettres, 1994; Spira, Henry: Stuart Eizenstat, «Imperfect Justice ». Interessengemeinschaft Schweiz – Zweiter Welkrieg, Schriftenreihe Nr. 2 – Juni 2003.
[2] Frédéric Guelton: Pourquoi le renseignement? De l’espionnage à l’information globale. Paris, Larousse, 2004, p. 25-26.
[3] Voir également Morelli, Anne: Principes élémentaires de propagande de guerre (utilisables en cas de guerre froide, chaude ou tiède). Bruxelles, Labord, 2001, p. 79.
[4] A ne pas confondre avec l’antisémitisme racial des dirigeants nazis et d’une partie de la population allemande.
[5] Charguéraud, Marc-André: La Suisse présumée coupable. Lausanne, l’Age d’homme, 2001, p. 45.
[6] Posnanski, Renée: Les juifs en France pendant la Seconde Guerre mondiale. Paris, Hachette, 1997, p. 514.
[7] La Suisse, le national-socialisme et la Seconde Guerre mondiale. Zurich, Pendo, 2002, p. 109-111.
[8] Ibidem, pp. 154-156.
[9] Données aimablement fournies par Henry Spira.