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3 mars 2010 3 03 /03 /mars /2010 18:52
La Turquie en crise

par Daniel Pipes
National Review Online
2 mars 2010


Version originale anglaise: Crisis in Turkey
Adaptation française: Johan Bourlard

 

Le 22 janvier 2010, Taraf révèle le projet de coup d'État appelé « Balyoz ».

L'arrestation et l'inculpation, la semaine dernière, en Turquie, de hauts responsables de l'armée ont virtuellement précipité le pays dans sa crise la plus grave depuis la fondation de la république par Atatürk en 1923. Les semaines qui viennent indiqueront probablement si le pays poursuivra sa dérive vers l'islamisme ou s'il retournera à sa laïcité traditionnelle. Le dénouement aura des implications majeures pour les musulmans du monde entier.

 

Pendant longtemps, l'armée turque a été à la fois l'institution la plus fiable et le garant de l'héritage d'Atatürk, particulièrement de la laïcité. La dévotion au fondateur n'est pas une simple vue de l'esprit mais bien un élément concret et central de la vie de tout officier turc : comme l'a montré, documents à l'appui, le journaliste Mehmet Ali Birand, les élèves officiers ne passent pas une heure sans entendre l'invocation du nom d'Atatürk.

À quatre reprises, entre 1960 et 1997, l'armée est intervenue pour rétablir le cours normal de la vie politique. La dernière fois, elle a forcé le gouvernement islamiste de Necmettin Erbakan à démissionner. Échaudés par cette expérience, certains membres de l'équipe d'Erbakan ont eux-mêmes réorganisé un parti, plus prudent : le Parti de la Justice et du Développement (AKP). Lors des élections déterminantes de 2002, ils sont arrivés en tête, devant les partis du centre discrédités et divisés, avec une majorité simple de 34 pour cent des suffrages.

La loi électorale a transformé cette majorité simple en une majorité absolue de 66 pour cent des sièges au parlement et en un cas rare de gouvernement homogène. Non seulement l'AKP a tiré habilement profit de cette situation avantageuse pour poser les fondations d'un ordre islamique mais en plus, aucun autre parti ou leader n'a émergé pour le contrecarrer. En conséquence, l'AKP a augmenté sa part de suffrages aux élections de 2007 pour atteindre un retentissant 47 pour cent et obtenir le contrôle de 62 pour cent des sièges au parlement.

Les succès électoraux répétés de l'AKP l'ont encouragé à abandonner sa prudence initiale pour hâter l'avancée du pays vers son rêve d'une République islamique de Turquie. Le parti a placé des partisans à la présidence et au sein du pouvoir judiciaire pendant qu'il prenait un contrôle grandissant sur l'éducation, l'économie, les médias et d'autres institutions importantes. Il a même défié la mainmise laïque sur ce que les Turcs appellent « l'État profond » – les institutions non électives comme les agences de renseignement, les services de sécurité et le pouvoir judiciaire. Seule l'armée, arbitre suprême dans l'orientation du pays, est restée hors du contrôle de l'AKP.

 

Le général Ibrahim Firtina, ancien chef de l'armée de l'air, a été entendu par la Justice au sujet d'un complot visant à renverser le gouvernement.

Plusieurs facteurs ont alors poussé l'AKP à affronter l'armée : le contrôle de l'armée par le civil, exigé pour entrer dans l'Union européenne ; uneprocédure en 2008 qui a failli conduire à la dissolution de l'AKP ; l'importance grandissante de son allié islamiste, le Mouvement Gülen. L'érosion de la popularité de l'AKP (de 47 pour cent en 2007 à 29 pour cent actuellement) n'a fait que précipiter cette confrontation car cela laisse supposer la fin du gouvernement homogène de l'AKP aux prochaines élections.

 

En 2007, l'AKP a imaginé une théorie du complot, qu'il a appelée Ergenekon, dans le but d'arrêter environ 200 opposants au parti, parmi lesquels des officiers de l'armée, sous l'accusation de complot visant à renverser le gouvernement élu. L'armée a réagi passivement si bien que l'AKP a élevé les enjeux le 22 janvier dernier en échafaudant une seconde théorie du complot, appelée Balyoz (« massue ») et dirigée exclusivement contre l'armée.

L'armée a nié toute activité illégale et le chef d'état-major, le général İlker Başbuğ, a déclaré sous forme d'avertissement : « notre patience a des limites ». Cependant, le gouvernement a procédé, à partir du 22 février, à l'arrestation de 67 officiers en exercice et à la retraite, dont les anciens chefs des forces aérienne et navale. Jusqu'à présent, 35 officiers ont été inculpés.

L'AKP a donc jeté le gant, laissant le commandement militaire face à deux options peu attrayantes : (1) continuer bon gré mal gré à accepter l'AKP dans l'espoir que des élections régulières dès 2011 viendront mettre fin à cette situation et renverseront la vapeur ou (2) organiser un coup d'État en risquant un retour de manivelle dans les urnes et le renforcement du poids électoral des islamistes.

 

Rencontre, le 25 février, entre le Premier ministre Recep Tayyip Erdoğan, le Président Abdullah Gül et le chef d'état-major des Forces armées, le général İlker Başbuğ.

L'enjeu est de savoir si les offensives que sont Ergenekon et Balyoz vont réussir à transformer l'armée kémaliste eninstitution güleniste, ou si le coup monté flagrant de l'AKP et sa supercherie vont piquer les laïques au vif et leur faire retrouver de la voix et de l'assurance. En fin de compte, la question est de savoir si la charia (la loi islamique) va gouverner la Turquie ou si le pays va retourner à la laïcité.

 

L'importance de la Turquie sur le plan islamique laisse supposer que l'issue de la crise aura des conséquences pour les musulmans du monde entier. La domination de l'AKP sur l'armée signifiera que les islamistes contrôleront l'institution laïque la plus puissante de l'oumma (la communauté musulmane), prouvant par-là que, pour l'instant, rien ne peut les arrêter. Mais si l'armée conserve son indépendance, la ligne tracée par Atatürk subsistera en Turquie et offrira au monde musulman une alternative au rouleau compresseur islamiste.

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