Merci Guitel
Laïcité et religion
Rabbin Salomon MALKA
pour le leptithebdo
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Quelle belle idée d’unir six des grandes religions en France au nom de la laïcité !
Le monde entier devrait prendre exemple sur notre solidarité et notre entente cordiale.
Enfin, rabbins, imams, pasteurs et autres évêques s’assoient autour d’une table, taisent leurs divergences et écrivent dans les médias nationaux leur combat commun dans un esprit uniquement religieux, sans aucune arrière-pensée politique. Est-ce une duplicité ou, pour le moins, une simple naïveté de nos chefs spirituels d’aller chanter « la laïcité mon amour » sur les ondes médiatiques?
La laïcité a été le résultat d’une lutte acharnée contre le pouvoir de l’Eglise qui avait une influence sur tous les domaines : culturel, social, religieux etc. . , en France.
Les anticléricaux ont mis en place un système légal afin de réduire l’influence religieuse - catholique essentiellement - qui sclérosait tous les rouages de la vie française. Le génie de ce nouveau monde a été de briser la mainmise du clergé qui, par définition, rejetait tout individu n'appartenant pas à la religion dominante.
Il va sans dire que le peuple juif, brimé et offensé en permanence, ne pouvait qu’encourager ceux qui pouvaient lui rendre justice pour les crimes qu’il n’a jamais commis et pour lesquels, il devait payer cash en tout lieu et en tout temps..
Malheureusement la laïcité n’a pas empêché le rouleau compresseur de la solution finale de fonctionner et d’anéantir la moitié de notre peuple. La Shoah doit nous rappeler que notre survie dans les pays de nos pérégrinations ne dépend pas des systèmes étatiques proposés. Notre force a toujours résidé dans l’espoir divin du retour annoncé, dans le pays de nos ancêtres.
Le comble est d’entendre avec insistance des voix qui veulent prendre le modèle français comme un exemple à suivre en Israël. Les problèmes qui secouent la France devraient les faire réfléchir.
La laïcité et l’Islam.
La population musulmane en France a montré sa capacité d’intégration dans une France laïque et tolérante jusqu’au jour, relativement récent, où s’est installée une mouvance de l’extrême proposant une radicalisation des lois islamiques. Les signes extérieurs religieux, comme la burqa, tant décriés à juste titre, relèvent d’une politique délibérée d’un rétro moyenâgeux qui ne profite qu’aux seuls meneurs voulant asseoir leur autorité au nom de la religion. Les effets négatifs de la crise économique, qui frappent en particulier des jeunes de la cité issus de cette population, a aidé cette frange active à créer un climat favorable à leurs thèses dangereuses.
L’affaire est d’abord inter-musulmane. Lorsque l’on parle de stigmatisation des Musulmans, on oublie délibérément l’incapacité des responsables de ce culte de se démarquer farouchement de cette politique de l’intolérance. Probablement la peur de ne pas pouvoir être entendu par ses propres ouailles, ainsi que d’autres facteurs sociaux culturels, ont contribué à rester en quelque sorte entre deux portes. La position est peut-être inconfortable mais elle a l’avantage de faire croire que l’accord est total quel que soit l’interlocuteur.
Nous aussi, il nous arrive de composer avec certains responsables encombrants de notre communauté. La différence est de taille. Ils sont minoritaires et ne dérangent pas trop la vie de l’ensemble.
Le président du Consistoire et le Grand Rabbin de France se sont attelés depuis une semaine à aller de média en média pour expliquer la position de l’ensemble des religions face au débat sur la laïcité proposé par Monsieur Copé et sa formation politique. Ils l’ont fait avec détermination et courage.
Etait-ce leur rôle ? Dans le contexte préélectoral en France, y avait-il opportunité ou urgence ? La crainte est qu’ils soient mal compris par nos coreligionnaires.
Les Pirké Avot, lus entre Pessah et Chavouot, réclament une certaine réserve lorsqu’il s’agit des relations avec le pouvoir. Je pense pour ma part que ce débat pourrait en occulter un certain nombre, notamment celui qui préoccupe le quotidien de notre communauté. L’antisémitisme et la délégitimation d’Israël se propagent et se banalisent dans notre douce France, sans que les autres religions ne s’en émeuvent outre mesure. La vie religieuse de nos étudiants est perturbée parce qu’ils s’entendent suggérer de poursuivre leurs études en Israël s’ils réclament des aménagements pour les examens un jour de shabbat ou de fête religieuse. Les problèmes de la Cacherout et des lieux de sépulture dans des carrés confessionnels ne trouvent pas d’issue favorable.
Le combat pour un statu quo de la laïcité en France devient l’arbre qui cache la forêt.
Rabbin Salomon MALKA