LE NOUVEL ORDRE MONDIAL SELON AHMADINEJAD : LA REPONSE DU BERGER A LA BERGERE
Les autres textes de Me B.R-MUHLBACH
Par Maître Bertrand Ramas-Muhlbach
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Le sommet sur les « Objectifs du millénaire pour le développement » qui s’est tenu entre le 20 et le 22 septembre 2010 à l’Onu, avait pour objet de faire un point sur les différentes politiques menées en faveur des OMD, objectifs fixés lors de l’Assemblée Générale des Nations Unies du 8 septembre 2000. A cette occasion, les Nations Unies se sont engagées, à éradiquer la pauvreté, à organiser un meilleur partage des bénéfices de la mondialisation, et ce, en assurant la promotion de la démocratie et de l’Etat de droit. Plus précisément, les Etats membres ont décidé de relever huit grands défis avant 2015, en l’occurrence la fin de la pauvreté et de la faim dans le monde, la généralisation de l’éducation primaire, l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, la réduction de la mortalité maternelle, l’amélioration de la santé maternelle, la lutte contre les pandémies, la préservation de l’environnement et la mise en place d’un partenariat.
Lors de son discours du 21 septembre 2010 à l’Onu, le Président Iranien Ahmadinejad ne s’est pas véritablement prononcé sur les progrès quant aux objectif à atteindre, mais s’est plutôt attaché à poser ce qu’il considère être les « fondements d’un nouvel ordre mondial ». Le thème central autour duquel s’est articulée son argumentation, a été celui de la place centrale de la religion dans le développement envisagé. Ainsi, et après avoir remercié Dieu et salué le Prophète Muhamad en introduction à son discours, il a livré son analyse personnelle sur les problèmes auxquels le monde est confronté, leurs causes, et les raisons de leur perpétuation.
Tout d’abord, il s’est livré à une description des deux modèles de fonctionnement social qui s’opposent dans le monde. Le premier, laïc (sous entendu le monde occidental), qui accorde la priorité aux intérêts matériels, conduit à un développement inégal, et à un accroissement des injustices, de la pauvreté, des privations, du mépris des êtres humains, de l’occupation (première des allusions à Israël), le tout, dans le cadre d’une ruse employée pour dominer le monde, imposer ses volontés aux autres peuples, et donner une sombre image de l’avenir à l’humanité. Le second modèle, vertueux, repose sur la foi en Dieu et dans ses prophètes (en fait le monde de l’Islam), le respect de la dignité humaine, de l’amour des autres, de la sécurité, de la liberté, du bien être et de la justice. Bref, un modèle qui donne de l’espoir dans l’avenir.
Pour le Président Iranien, l’avènement de ce monde meilleur suppose d’instaurer un autre système de contrôle dans les institutions car la situation qui prévaut actuellement ne peut plus durer : elle est contraire à l’objectif de la création du monde et de l’être humain. Il a alors cité des exemples comme la « création de richesses artificielles sur papier (allusion à l’effondrement des systèmes boursiers), les transferts sur les autres pays de l’inflation et des problèmes économiques et sociaux, la création de déficits budgétaires gigantesques pendant que d’autres états s’accaparent les richesses »… Dans sa vision dialectique, et tout comme le communisme a disparu, le système capitaliste touche lui aussi à sa fin (il reprend alors le Coran pour qui le « mal est comme l’écume qui disparait d’elle-même »).
Pour Ahmadinejad, les peuples (en cela, y compris le peuple américain) aspirent à des changements profonds. C’est alors qu’il aborde la question de la Palestine avec un peuple palestinien « opprimé, bombardé, attaqué militairement victime d’un véritable génocide sans avoir le droit de se défendre des envahisseurs », sauf à être qualifié de « terroriste ». Les occupants sionistes (qui bénéficient du soutien inconditionnel de certains gouvernants), sont cités comme donnant des leçons sur les droits de l’homme tout en exerçant des pressions sur les autres pays. Le Président iranien reproche alors qu’un groupe minoritaire dirige une partie importante de l’économie, de la politique et de la culture mondiale, détruise la réputation des peuples européen et américain pour la réalisation d’objectifs racistes (allusion à la domination américano-sioniste du monde).
Vient alors le tour des Américains : il est « inacceptable qu’un groupe situé à plusieurs milliers de kilomètres du Moyen Orient apporte massacres, guerre, terrorisme et oppression qui sont contraires à la paix et qui constituent une ingérence dans les affaires d’autrui alors que les peuples de la région crient à l’injustice (référence à l’Irak et l’Afghanistan). Ahmadinejad critique alors l’occupation d’un pays sous le prétexte d’une lutte contre le terrorisme et le trafic de drogue (qui ne font qu’augmenter) pendant que des milliers d’innocents sont tués. De même, il fustige l’importance des budgets militaires et des ventes d’armes, alors que d’autres pays sont contraints de renoncer au progrès scientifiques (allusion à son programme nucléaire dont le développement lui est interdit). En fin de compte, l’Organisation des nations unies et le Conseil de sécurité agissent de façon partiale dans l’intérêt exclusif et suivant le diktat de certains. Il appelle donc à la « révision des structures pour en faire une organisation populaire libre, juste et influente » avec la «suppression du droit de véto au Conseil de Sécurité » qui est un privilège injuste.
Il termine alors sa démonstration en posant que le libéralisme et le capitalisme sont coupés de la morale et de Dieu : « les dirigeants (du monde occidental) ont détruit le sens de la justice et ne peuvent apporter la paix et la justice dans le monde » pendant que « L’oppression des peuples sans défense s’appelle désormais Droits de l’homme ». Il préconise donc de réinstaurer le « monothéisme », dont la disparition a laissé la place à l’adoration du moi : « Les prophètes et les justes sont venus pour montrer aux êtres humains leur vérité et leurs responsabilités individuelles et sociales ». Il cite dans son discours Noé, Abraham, Moïse et Jésus car les prophètes sont le meilleur cadeau de Dieu à l’humanité, comme s’ils étaient venus annoncer la religion parfaite de l’Islam, tel un mode de foi unique, exclusif et définitif : « C’est alors que s’ouvrira la voie de la spiritualité et du mouvement vers Dieu, avec la manifestation des Noms divins ».
En somme, le Président Iranien n’a fait que répondre à Georges Bush qui avait justifié ses interventions au proche Orient, le 29 janvier 2002, par l’existence d’un « axe du mal » à l’origine des attentats dramatiques du 11 septembre. Dans l'esprit, Ahmadinejad a une nouvelle fois laissé entendre, ce 23 septembre 2010, que les attentats du 11 septembre 2001 avaient peut être été orchestrés par des éléments du gouvernement américain.
Cette démonstration rhétorique est sûrement convaincante dans le monde de l’islam qui ne supporte plus la suprématie outrancière des valeurs occidentales. Elle ne l’est, en revanche, pas lorsqu’il utilise les outils du monde occidental et affirme tenir sa légitimité d’une désignation par le peuple iranien « dans des élections grandioses et libres » (pourtant contestées). On ne peut décidément pas confondre les registres.
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