LE REVEIL DE LA JEUNESSE MUSULMANE : DE BON AUGURE POUR ISRAEL
Par Bertrand Ramas-Muhlbach
Pour © 2010 aschkel.info et © 2010 lessakele
Ce 14 janvier 2011, le Président Tunisien Ben Ali s’est finalement enfui pour l’Arabie Saoudite sous la pression d’une contestation populaire sans précédent, qu’il a essayée de réprimer par les armes. Deux jours auparavant, Ben Ali avait pourtant annoncé à la nation une série de mesures pour apaiser les tensions : l’ordre donné aux forces militaires et de police de ne plus tirer sur les manifestants, l’engagement de ne pas briguer la fonction présidentielle en 2014 (qu’il occupe depuis 23 ans), la création d’une commission nationale dirigée par une personne indépendante pour proposer des réformes politiques en vue de démocratiser le pays, la baisse du prix du pain, du sucre et du lait, enfin, la liberté totale de l’information avec un accès libre au web et la suppression de toute censure … Ces promesses n’auront manifestement pas suffit. C’est donc le Premier Ministre qui assumera la présidence tunisienne par intérim, jusqu’à la tenue d’élections anticipées qui devraient (pour la première fois depuis l’indépendance du pays en 1956) être ouvertes au multipartisme.
La semaine précédente, c’est l’Algérie qui était en proie à de violentes manifestations à l’origine d’une réaction « musclée » du pouvoir en place (avec une fois encore, des tirs à balles réelles sur les manifestants). La jeunesse, armée de pierres, entendait dénoncer « le mal de vivre » et notamment, le taux de chômage considérable des jeunes (20%), l’absence de logement, la cherté de la vie (augmentation de 30 % du prix des produits de première nécessité) les passe-droits et la corruption… Il est vrai qu’en Algérie, les jeunes personnes âgées de moins de 30 ans représentent 75 % de la population totale du pays (35,6 millions de personnes). Aussi, les manifestations ont-elles pris la forme de ce qui se rencontre dans les pays occidentaux : saccage des abris bus, des magasins, des restaurants, jets de pierres et de cocktails Molotov sur les policiers, incendies, barricades, routes coupées avec des arbres abattus et des pneus en feu, vol de magasins, véhicules calcinés (des attaques ont même été lancées dans des quartiers riches par des jeunes armés de sabres)…
L’Algérie avait déjà connu un mouvement de contestations similaire en octobre 1988, lorsque la jeunesse avait protesté contre la hausse généralisée des prix et la raréfaction des produits de première nécessité. Toutefois, en 2011, la situation est sensiblement différente compte tenu des spéculations sur les absences prolongées du président Abdelaziz Bouteflika. Aussi, et en attendant la tenue des élections, le Ministre de la Jeunesse et des sports Hachemi Dijar a-t-il appelé à dialoguer de façon pacifique et à éviter les actes de vandalisme tout en promettant des mesures de nature à juguler la hausse des prix des produits de base. Le Parti d’opposition RCD, par la voix déterminée de son président, a néanmoins décidé de maintenir sa marche pacifique sur Alger ce 18 janvier 2011 : « On ne peut indéfiniment censurer, corrompre et se plaindre des débordements qui découlent mécaniquement d’une telle politique. Les reflexes de violence et de censure sont toujours privilégiés par un système politique sourd et coupé des réalités politiques et sociales du pays »
Etrange coïncidence, le mouvement social qui s’exprime dans les pays du Maghreb n’est pas sans rappeler les circonstances à l’origine de la révolution française de 1789. La population française souffrait alors de traitements inégalitaires, des abus seigneuriaux, de la pression fiscale, d’un manque de blé, de pain, de prix en hausse constante, d’une misère considérable…Sur un plan philosophique, les idées de contestation germaient depuis de nombreuses années avec la critique de l’absolutisme despotique, de la monarchie et de l’église catholique. La révolution française et l’exécution du roi ont alors opéré une transition entre le système monarchique de Droit divin et la république, la Déclaration des Droits de l'Homme et l'abolition des privilèges.
De la même manière, dans les pays du Maghreb, le climat social déplorable, les espoirs déçus et les tensions annoncent l’éclatement d’une population en quête d’égalité. La petite différence tient toutefois dans le rôle pris par la religion. Tout comme dans la France de 1789, la religion joue, dans les pays musulmans, un rôle fondamental pour canaliser les populations et les rendre dociles. D’ailleurs, le nom donné au système de foi « Islam » signifie « soumission ». Pour autant, l’Islam n’est pas qu’un instrument de domination, son utilité est également politique. L’Islam incarne une réaction religieuse au libéralisme des pays occidentaux réputés déposséder les populations des pays qu’ils colonisent. L’Islam devient ainsi l’expression politique de populations plongées dans le désespoir, la misère, l'ignorance, le désarroi et l’injustice, qui s’opposent aux repères démocratiques libéraux et laïcs.
Or, et eu égard à ce positionnement identitaire, les tendances réactionnaires du monde de l’Islam (qui ne dissocie par le sacré du profane) devraient se multiplier pour empêcher les jeunes générations de poursuivre leur révolution, de s’orienter vers l’émancipation sociale et religieuse et d’atteindre ce que l’on appelle en occident le progrès et la laïcité. Sur ce point, l'islamisme politique devrait continuer quelque temps à recourir aux imams chargés d’embrigader les jeunes générations, et ce avant de trouver sa place dans le cadre de la république.
Par ailleurs, il est possible d’établir un autre parallèle, en l’occurrence celui de l’enfermement idéologique imposé par l’Islam et celui symbolisé par le mur de Berlin qui a séparé les deux Allemagnes de l’Est et de l’Ouest à compter du 13 août 1961. L’Union soviétique proposait un modèle économique fondé sur la captation des richesses nationales par l’Etat en vue de leur redistribution aux ressortissants, et ce au détriment de l’initiative individuelle et du libéralisme. Ce modèle (qui lui était laïc) s’est ainsi coupé du monde occidental jusqu’à ce que les dirigeants de l’union soviétique réalisent l’impasse dans laquelle ils s’engageaient et la nécessité de s’ouvrir vers l’occident avec la politique de glasnost (« transparence ») et la perestroïka (« reconstruction ») initiée par Mikhaïl Gorbatchev. Par la suite, et lorsque l’autorisation a été donnée aux allemands de circuler de part et d’autre du mur en novembre 1989, les gardes frontières Est-allemands ont été vite débordés, et contraints de laisser circuler les passants sans lever les armes sur eux. C’est ainsi que le 9 novembre 1989, les jeunes allemands de l’Ouest et de l’Est ont alors pu briser ce mur de la honte, haut de 3,60 mètres, long de 160 kilomètres et surveillé par 300 miradors.
Lorsque les jeunes populations musulmanes seront parvenues à transformer leur révolte en révolution, c’est la perception identitaire de la religion de l’Islam qui évoluera. L’Islam pourra alors s’adapter, s’ouvrir à une plus grande tolérance et comprendre qu’il peut exister et bénéficier d’une autonomie, sans avoir à absorber les autres systèmes de foi.
Certes, au Moyen Orient le problème est un peu plus compliqué puisque l’Islam n’est pas uniquement un système de foi, de domination et d’asservissement des populations, il est également utilisé comme mode de formatage humain, pour une meilleure incitation de la jeunesse à la haine et à la guerre. Les jeunes palestiniens se voient ainsi réduits à une fonction unique, défaire l’entité sioniste et ce, au mépris de leur propre existence. Théoriquement, lorsqu’ils auront brisé leur « mur de Berlin », plus rien ne s’opposera à une coexistence pacifique avec Israël.
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