Le Tribunal Russel sur la Palestine occulte le véritable apartheid : celui du potentiel état palestinien
Par Maître Bertrand Ramas-Mulhbach
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Le Tribunal Russel sur la Palestine doit se réunir les 5 et 6 novembre 2011 au Cap en Afrique du Sud, afin d’examiner (selon les organisateurs) « si le traitement du peuple palestinien par Israël entre dans la définition juridique du crime d’apartheid ». Plus précisément, Nozizwe Madlala-Routledge, ancien Ministre sud-africain et organisateur de la session du Cap, a déclaré le 19 juillet 2011 : « Puisse ce Tribunal qui va se réunir dans notre pays prochainement cette année, mettre fin au crime de silence ». En réalité, la session projetée en novembre 2011 (qui suit celles de Barcelone et de Londres organisées en 2010 et qui précède la session plénière prévue à New York en 2012) apparait une nouvelle fois comme une vaste entreprise de délégitimation d’Israël en créant artificiellement une similitude entre la politique israélienne à l’égard des palestiniens et celle qui prévalait en Afrique du Sud avant le renversement du régime ségrégationniste à l’égard des personnes de couleur noire.
Tout d’abord, le lieu choisi, en l’occurrence « le District 6 », l’est en considération de sa force symbolique puisque ce quartier situé en périphérie du Cap a été déclaré (par le régime d’apartheid en vigueur avant le 30 juin 1991) « zone pour les blancs ». Le régime au pouvoir y avait rasé les maisons des habitants noirs et purgé toutes les populations non blanches. En outre, et pour donner un semblant de sérieux à la réflexion, des personnes « illustres » ont été invité parmi les membres du jury, telles Stéphane Hessel (l’indigné), survivant des camps de concentration nazis et secrétaire de la commission chargé de rédiger la Déclaration des Droits de l’Homme, Alice Walker romancière et militante des Droits de l’Homme (auteur de « la couleur pourpre »), voire encore Winnie Madikizela-Mandela (seconde épouse de Nelson Mandela), ou enfin l’archevêque Desmond Tutu. Pour Pierre Galand, ancien sénateur de Belgique proche des milieux palestiniens « le Tribunal Russel doit apporter une contribution importante au mouvement international de la société civile pour réhabiliter le Droit international, réhabiliter le Droit humanitaire, et réhabiliter les Droits humains » alors que pour Ronnie Kasrils, ancien Ministre sud-africain « Le monde attend de l’Afrique du Sud qu’elle soit le champion des droits des autres peuples. C’est à cela qu’on pourra mesurer si les Sud-Africains sont à la hauteur ».
Bien évidemment, aucune comparaison n’est possible sur un plan strictement juridique entre l’Afrique du Sud et la situation au Proche Orient et il n’est pas besoin d’un Tribunal pour l’établir. En effet, le crime d’apartheid est défini par la résolution 3068 XXVIII de l'Assemblée Générale des Nations Unies du 30 novembre 1973 comme étant un acte []inhumain de caractère analogue à d'autres crimes contre l'humanité commis dans le cadre d'un régime institutionnalisé d'oppression systématique et de domination d'un groupe radial sur n'importe quel autre groupe racial. Plus précisément les crimes d'apartheid listés sont le meurtre, l'esclavage, la privation de liberté physique, la réinstallation forcée, la violence sexuelle , la persécution individuelle et collective.
Au cas particulier, les mesures prises par Israël à l’égard des palestiniens ne visent qu’à assurer la protection de la population israélienne de la violence palestinienne. Les personnes de couleur noire en Afrique du Sud n’ont jamais décrété dans un document officiel, leur volonté d’éradiquer les personnes de couleur blanche. De même elles n’ont jamais attaqué les personnes de couleur blanche avec des couteaux ou des pierres, importé d’armes lourdes pour s’en prendre à elles, ni tiré de façon systématique des obus, des roquettes ou des missiles sur les quartier des personnes de couleur blanche.
De même, et sur un plan géographique, la bande de gaza dispose de son propre gouvernement, législation et budget sur un territoire épuré de toute personne juive. S’agissant de la Cisjordanie, ce territoire n’a jamais été annexé par Israël et n’en fait donc pas partie. Il n’y a donc pas à proprement parlé de domination d’un groupe racial sur un autre au sein d’une même entité nationale. Par ailleurs, les terres de Cisjordanie sont juridiquement des « biens sans maître », depuis que la Jordanie a renoncé à toute souveraineté sur ce territoire le 30 juillet 1988. Les implantations juives à l’est de la ligne verte ne sont donc pas une spoliation de terres dépendant d’une entité nationale reconnue. Enfin, la présence militaire israélienne et les cheiks points ne se justifient que par la nécessité d’empêcher la circulation des armes utilisées pour s’en prendre aux juifs. Il est, dans ces circonstance, regrettable que le Tribunal Russel sur la Palestine ne traite pas du seul et véritable apartheid régional, celui du potentiel Etat de Palestine.
Le projet d’Etat apartheid palestinien est pourtant régulièrement rappelé par les responsables politiques palestiniens. En Aout 2010, Mahmoud Abbas, Président de l’Autorité Palestinienne s’est déclaré prêt à accepter une troisième partie qui contrôle l’exécution de l’accord, « par exemple les forces de l’OTAN, mais je n’accepterai pas qu’il y ait des Juifs dans ces forces ni un Israélien sur la Terre de Palestine ». Il l’a encore répété le 25 décembre 2010 : « Nous l’avons dit franchement, et nous le répéterons toujours: s’il y a un État palestinien indépendant avec Jérusalem comme capitale, nous ne serons pas d’accord pour qu’il y ait le moindre Israélien dans celui-ci ». De son côté, le chef du comité exécutif de l’OLP, Yasser Abed Rabbo, a déclaré au journal londonien de langue arabe Al-Hayat le 25 avril 2011 « les dirigeants palestiniens s’adresseront à l’ONU et exigeront la reconnaissance de la souveraineté, puis insisteront sur l’intervention de la communauté internationale pour y expulser les Juifs israéliens qui vivraient alors dans le Territoire Palestinien ». Cette épuration ethnique programmée par les palestiniens (qui ne fait d’ailleurs que reprendre les thèses historiques palestiniennes) relève bien, quant à elle, de la politique d’apartheid.
Un Tribunal est théoriquement un lieu ou la justice est rendue lorsqu’il existe un différend entre des parties. Or, le Tribunal Russel sur la Palestine s’arroge le droit d’utiliser cette qualification de « Tribunal » alors que les juges n’ont aucune neutralité, objectivité, indépendance ni même respect des notions qu’ils sont censés défendre et appliquer. Une fois encore, la technique de persuasion pro palestinienne fait appel à des outils nobles et des notions humanistes sans supporter la moindre contradiction (au sein de ce Tribunal) pour apporter un juste éclairage. C’est bien dommage.