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11 février 2010 4 11 /02 /février /2010 04:28
 par Hans Lefebvre

"Les effroyables imposteurs",
un documentaire de salut public

Voir ou revoir la vidéo de Ted Anspach

>  Les effroyables imposteurs de Ted Anspach - Vidéo

Faisant intelligemment écho à l’ouvrage bien peu crédible publié en son temps par Thierry Meyssan, le titre du documentaire réalisé par Ted Anspach, 
Les effroyables imposteurs annonce courageusement la posture envisagée dans cette production diffusée sur Arte en point d’orgue d’une Théma intitulée Main basse sur l’info [1].Si nous ne disposons pas encore de l’audience de cette émission, il est toutefois probable que le débat sur la redoutable machinerie conspirationniste s’en trouvera vivifié sur la Toile, sans pour autant départager les uns et les autres. En effet, la distance qui sépare les deux rives ne pourra que s’accroitre au fil du temps, le lit du fleuve qui alimente cette empoignade étant déjà bien trop étroit pour contenir un flot d’informations/désinformations désormais sans fin. Pour autant, avec les limites intrinsèques d’un format réduit (45mn), nous ne pouvons que nous réjouir du travail accompli par Ted Anspach, à la fois salvateur et rassurant

En 2004, alors que se tenait un colloque à l’École normale supérieure de Lyon [2], Bertrand Labasse apportait une contribution remarquable à la thématique proposée - Sciences, médias et sociétés - dans un article intitulé : Pour une épistémologie des pratiques médiatiques [3]. Beaucoup y était dit, et la réflexion menée avait la valeur certaine de l’intelligence non dogmatique, superbement éclairée, mais encore ouverte sur un débat toujours actuel largement fertilisé par ce brillant intrant.
 
Quelque part, la soirée du 9 février proposée par la chaine franco-allemande se situait dans cette perspective, essayant de poser les jalons d’une réflexion accessible à tout un chacun, essentiellement centrée sur la notion de hiérarchisation de l’information et des savoirs dans un environnement maintenant largement colonisé par internet.

Illustrée par le documentaire central de Ted Anspach, 
Les effroyables imposteurs [4], cette Théma aura eu le mérite de s’attacher à la diabolique rhétorique menée par les apôtres de la théorie complotiste, cette idéologie du néant qui ne fait que fragiliser nos démocraties encore bien incertaines, comme en atteste l’histoire particulièrement trouble du 20e siècle [5].

En s’immisçant dans l’univers opaque de ses meilleurs agents, le réalisateur Ted Anspach révèle sans y paraître le trou noir que provoquent toutes ces théories de la conspiration développées et amplifiées par ce média prodigieusement incontrôlable qu’est devenu le vaste réseau internet. De la récente controverse autour du virus H1N1, en passant par les événements du 11 septembre 2001 [6], le réalisateur illustre son propos en s’invitant à la source des rumeurs, donnant notamment la parole à certains des auteurs les plus illustres de cette matière sombre. Si la mécanique de la théorie du complot ne date pas d’aujourd’hui [7], il faut toutefois constater combien le développement de l’espace numérique interconnecté lui sied à merveille puisque tous les discours y sont envisageables, les plus abjectes comme les plus subtiles, le tout mêlé dans un infini brouillard difficilement quantifiable. L’antisémitisme le plus primaire y croise l’islamophobie la plus insupportable, chacun instrumentalisant à tout vent en fonction de ses propres idéologies, remisant au plus loin tout esprit rationnel équilibré, juste, lucide. Il est désormais possible au plus grand nombre de nier absolument tout et de le diffuser, même les savoirs les plus objectivés, puis d’alimenter sa chapelle tel un prédicateur fou distillant sa paranoïa sur fond de complot et de fin du monde annoncée. Il s’agit d’hypnotiser le chaland, puis de le transformer en croyant aveugle qui, à son tour, propagera le message du prosélyte illuminé. C’est ici, en quelque sorte, la rançon de la gloire récoltée par cette innovation miraculeuse que représente internet dans tous ses développements présents. S’il est heureux de l’accepter ainsi, cela ne doit pas nous empêcher de développer un regard critique, un esprit aiguisé et 
surtout de produire une éducation efficiente autour de l’utilisation de cet outil prodigieux dont il nous revient, en outre, de mettre en relief les potentialités vertueuses plus que ses effets pervers inévitables.

Pour le reste, il appartient à chacun de s’approprier cet espace en toute conscience, armé de son libre arbitre éclairé du mieux que possible par des convictions solidement étayées. Ainsi, le journalisme citoyen - que l’on souhaite responsable et raisonnable -, dont il est aussi question ici, peut et doit jouer un rôle dans la diffusion de l’information en se situant dans la complémentarité avec le journalisme professionnel (parfois tout-puissant), comblant un espace qu’il serait impensable de concéder à tous ces oiseaux de mauvaise augure évoqués dans le documentaire de Ted Anspach. À ce titre, le documentariste plaide plutôt pour le modèle mis en place par l’édition en ligne du magazine allemand Der Spiegel qui a pris le parti de produire une information avec les citoyens nommée outre-Rhin journalisme participatif. Pour autant, est-ce le seul modèle possible ? Certes non, et nous avons la faiblesse d’en être convaincu. Le journaliste citoyen doit-être suffisamment objectif pour être crédible puis audible, en cela il doit s’astreindre à une certaine méthodologie augmentée d’une déontologie personnelle dont la pierre angulaire ne serait autre que l’honnêteté.

Dés lors, tout est une question d’équilibre et de bon sens, de raison et de savoirs, d’harmonisation et de hiérarchie. Simple à édicter, mais compliqué à œuvrer. Alors, on se doit de faire confiance au temps qu’il faudra pour mettre en cohérence cette Toile qui n’a pas fini d’étendre sa sphère d’influence, et de se convaincre qu’il en sera ainsi par la nature des choses si l’on souhaite que perdure cet espace riche de possibles encore improbables. L’outil est là, désormais incontournable, il faut maintenant en faire le meilleur usage, sans qu’il soit pour autant nécessaire de le gendarmer, juste au moyen d’une conscience que l’on se doit d’élever globalement.
Enfin, il faut être absolument humble au regard de la connaissance car la distance qui sépare le savant de la quantité du savoir disponible est infiniment plus grande que celle qui le sépare de l’ignorant.

[1] Rediffusion le 12/02 à 10h30, le 22/02 à 3h et le 26/02 à 2H10
[2] 
Actes du colloque disponibles en PDF.
[3] 
Lire l’article de Bertrand Labasse
[4] Auteur par ailleurs de deux autres documentaires :
« Je suis homo, et alors », Arte VOD, 2007.
« Quand la république se voile la face », Arte VOD, 2008.
[5] 
Regards croisés sur le 20e siècle. Apprendre et enseigner l’histoire de l’Europe du 20e siècle. Conseil de l’Europe. 2002 
[6] 
- Autour du 11 septembre 2001, notre point de vue. 
 
- Sur une autre imposture du réseau Voltaire.
 

Faisant intelligemment écho à l’ouvrage bien peu crédible publié en son temps par Thierry Meyssan, le titre du documentaire réalisé par Ted Anspach, Les effroyables imposteurs annonce courageusement la posture envisagée dans cette production diffusée sur Arte en point d’orgue d’une Théma intitulée Main basse sur l’info [1].Si nous ne disposons pas encore de l’audience de cette émission, il est toutefois probable que le débat sur la redoutable machinerie conspirationniste s’en trouvera vivifié sur la Toile, sans pour autant départager les uns et les autres. En effet, la distance qui sépare les deux rives ne pourra que s’accroitre au fil du temps, le lit du fleuve qui alimente cette empoignade étant déjà bien trop étroit pour contenir un flot d’informations/désinformations désormais sans fin. Pour autant, avec les limites intrinsèques d’un format réduit (45mn), nous ne pouvons que nous réjouir du travail accompli par Ted Anspach, à la fois salvateur et rassurant

En 2004, alors que se tenait un colloque à l’École normale supérieure de Lyon [2], Bertrand Labasse apportait une contribution remarquable à la thématique proposée - Sciences, médias et sociétés - dans un article intitulé : Pour une épistémologie des pratiques médiatiques [3]. Beaucoup y était dit, et la réflexion menée avait la valeur certaine de l’intelligence non dogmatique, superbement éclairée, mais encore ouverte sur un débat toujours actuel largement fertilisé par ce brillant intrant.
 
Quelque part, la soirée du 9 février proposée par la chaine franco-allemande se situait dans cette perspective, essayant de poser les jalons d’une réflexion accessible à tout un chacun, essentiellement centrée sur la notion de hiérarchisation de l’information et des savoirs dans un environnement maintenant largement colonisé par internet.

Illustrée par le documentaire central de Ted Anspach, 
Les effroyables imposteurs [4], cette Théma aura eu le mérite de s’attacher à la diabolique rhétorique menée par les apôtres de la théorie complotiste, cette idéologie du néant qui ne fait que fragiliser nos démocraties encore bien incertaines, comme en atteste l’histoire particulièrement trouble du 20e siècle [5].

En s’immisçant dans l’univers opaque de ses meilleurs agents, le réalisateur Ted Anspach révèle sans y paraître le trou noir que provoquent toutes ces théories de la conspiration développées et amplifiées par ce média prodigieusement incontrôlable qu’est devenu le vaste réseau internet. De la récente controverse autour du virus H1N1, en passant par les événements du 11 septembre 2001 [6], le réalisateur illustre son propos en s’invitant à la source des rumeurs, donnant notamment la parole à certains des auteurs les plus illustres de cette matière sombre. Si la mécanique de la théorie du complot ne date pas d’aujourd’hui [7], il faut toutefois constater combien le développement de l’espace numérique interconnecté lui sied à merveille puisque tous les discours y sont envisageables, les plus abjectes comme les plus subtiles, le tout mêlé dans un infini brouillard difficilement quantifiable. L’antisémitisme le plus primaire y croise l’islamophobie la plus insupportable, chacun instrumentalisant à tout vent en fonction de ses propres idéologies, remisant au plus loin tout esprit rationnel équilibré, juste, lucide. Il est désormais possible au plus grand nombre de nier absolument tout et de le diffuser, même les savoirs les plus objectivés, puis d’alimenter sa chapelle tel un prédicateur fou distillant sa paranoïa sur fond de complot et de fin du monde annoncée. Il s’agit d’hypnotiser le chaland, puis de le transformer en croyant aveugle qui, à son tour, propagera le message du prosélyte illuminé. C’est ici, en quelque sorte, la rançon de la gloire récoltée par cette innovation miraculeuse que représente internet dans tous ses développements présents. S’il est heureux de l’accepter ainsi, cela ne doit pas nous empêcher de développer un regard critique, un esprit aiguisé et 
surtout de produire une éducation efficiente autour de l’utilisation de cet outil prodigieux dont il nous revient, en outre, de mettre en relief les potentialités vertueuses plus que ses effets pervers inévitables.

Pour le reste, il appartient à chacun de s’approprier cet espace en toute conscience, armé de son libre arbitre éclairé du mieux que possible par des convictions solidement étayées. Ainsi, le journalisme citoyen - que l’on souhaite responsable et raisonnable -, dont il est aussi question ici, peut et doit jouer un rôle dans la diffusion de l’information en se situant dans la complémentarité avec le journalisme professionnel (parfois tout-puissant), comblant un espace qu’il serait impensable de concéder à tous ces oiseaux de mauvaise augure évoqués dans le documentaire de Ted Anspach. À ce titre, le documentariste plaide plutôt pour le modèle mis en place par l’édition en ligne du magazine allemand Der Spiegel qui a pris le parti de produire une information avec les citoyens nommée outre-Rhin journalisme participatif. Pour autant, est-ce le seul modèle possible ? Certes non, et nous avons la faiblesse d’en être convaincu. Le journaliste citoyen doit-être suffisamment objectif pour être crédible puis audible, en cela il doit s’astreindre à une certaine méthodologie augmentée d’une déontologie personnelle dont la pierre angulaire ne serait autre que l’honnêteté.

Dés lors, tout est une question d’équilibre et de bon sens, de raison et de savoirs, d’harmonisation et de hiérarchie. Simple à édicter, mais compliqué à œuvrer. Alors, on se doit de faire confiance au temps qu’il faudra pour mettre en cohérence cette Toile qui n’a pas fini d’étendre sa sphère d’influence, et de se convaincre qu’il en sera ainsi par la nature des choses si l’on souhaite que perdure cet espace riche de possibles encore improbables. L’outil est là, désormais incontournable, il faut maintenant en faire le meilleur usage, sans qu’il soit pour autant nécessaire de le gendarmer, juste au moyen d’une conscience que l’on se doit d’élever globalement.
Enfin, il faut être absolument humble au regard de la connaissance car la distance qui sépare le savant de la quantité du savoir disponible est infiniment plus grande que celle qui le sépare de l’ignorant.


[1] Rediffusion le 12/02 à 10h30, le 22/02 à 3h et le 26/02 à 2H10
[2] 
Actes du colloque disponibles en PDF.
[3] 
Lire l’article de Bertrand Labasse
[4] Auteur par ailleurs de deux autres documentaires :
« Je suis homo, et alors », Arte VOD, 2007.
« Quand la république se voile la face », Arte VOD, 2008.
[5] 
Regards croisés sur le 20e siècle. Apprendre et enseigner l’histoire de l’Europe du 20e siècle. Conseil de l’Europe. 2002 
[6] 
- Autour du 11 septembre 2001, notre point de vue. 
 
- Sur une autre imposture du réseau Voltaire.
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