LES NEGOCIATIONS DE PAIX DANS LE PASSAGE ARABE DES OMBRES Ả LA LUMIḖRE
Par Maître Bertrand Ramas-Mulhbach
Pour © 2011 lessakele et © 2011 aschkel.info
Ce 10 mars 2011, le négociateur palestinien Saëb Erekat a annoncé que la réunion du Quartette pour le Proche Orient (Etats-Unis, UE, Russie et ONU) prévue à Paris mi mars était repoussée au 15 avril 2011. Ce report a en effet été demandé par les Etats-Unis, suite aux bouleversements politiques contemporains dans les pays de la région, et à l’initiative que le Premier Ministre Netanyahou envisage de proposer pour relancer les négociations de paix avec les palestiniens. Ce différé permettra sans conteste d’en savoir un peu plus sur le cadre politique que les populations arabes (opprimées par les systèmes dictatoriaux) entendent se choisir. Il offrira également plus de recul aux membres du quartette qui s’apprêtent à reconnaître l’Etat palestinien sur la base des frontières (avec la Jordanie ) dites « de 1967 » avec Jérusalem-Est comme capitale (le tout accompagné d’échanges de territoires). Enfin, il confirmera au Premier Ministre israélien qu’Israël n’est tenu ni d’accepter la configuration de l’Etat palestinien imposée par la communauté internationale, ni son alternative (supposée) consistant dans la mise en place d’un Etat binational.
Les mutations contemporaines du monde arabe, tout à fait extraordinaires, sont assimilables à un passage des ombres à la lumière voire à une sortie de la grotte de Platon. Les comportements traditionnels et les attitudes dictées par l’affect et la passion en dehors de toute objectivité et réalité tangible, cèdent le pas au réalisme et à la perception des prérogatives individuelles. Les populations « musulmanes », (c'est-à-dire « soumises » à Dieu), sortent du joug de l’oppression et d’un « Islam » utilisé comme instrument de domination populaire un peu comme si les « soumis » devenaient « insoumis ». Certains responsables politiques arabes en prennent d’ailleurs la mesure. Le 11 mars 2011, le Roi du Maroc a proposé une réforme constitutionnelle globale qui sera débattue entre les partis politique et soumise à référendum. Le 10 mars 2011, le Président yéménite Ali Abdallah Saleh a également promis, un référendum sur une nouvelle Constitution et la mise en place d’un régime parlementaire. Les libanais également réclament à l’Etat de recouvrer son autorité sur le territoire, et à son armée étatique de protéger le peuple (refusant au Hezbollah, membre du gouvernement, le bénéfice d’une milice armée agissant en dehors de tout contrôle étatique). C’est du moins ce que les manifestations anti Hezbollah de ce 13 mars 2011 visent à rappeler.
Certes, les révolutions dans le monde de l’Islam sont, bien évidemment, loin d’être achevées. Des appels ont circulé sur les réseaux Facebook et Twitter pour l’organisation « d’une journée de la colère » en Arabie saoudite le 11 mars 2011 en dépit de l’interdiction de manifester. Les autorités saoudiennes, passablement nerveuses, ont alors déployé les forces de sécurité et des véhicules de police dans la capitale et les grandes villes du pays pour l’empêcher. De même, en Libye, le dirigeant Mouammar Kadhafi qui n’entend pas abandonner le pouvoir, justifie le massacre de son peuple et la répression dans le sang de la contestation populaire, par la nécessité de protéger le pays de sa mainmise par l’organisation terroriste Al-Qaïda. Il accuse également les pays européens de se livrer à un complot colonialiste en soutenant les insurgés. (Une renonciation au pouvoir n’est toutefois pas exclue : des émissaires libyens se sont rendus dans les capitales européennes ce 9 mars 2011 pour examiner les conditions d’un processus de négociations en vue d’une transition pendant que le Conseil de Coopération du Golfe réuni en Arabie saoudite estimait que le régime de Kadhafi avait perdu toute légitimité).
L’organisation des Frères musulmans tentera certainement de récupérer les révolutions arabes d’un verbe puissant, mobilisateur, protecteur et rassurant, pour encourager à lutter contre les régimes dominateurs. Elle soutiendra alors l’obligation « religieuse » de se défaire des dictateurs, incitera à la désobéissance civile et à la mutinerie, dans le cadre d’un dessein divin. Elle présentera alors le Coran comme source de toute justice que les hommes doivent mettre en œuvre ici bas. Pour autant, les tentatives de contre révolutions islamiques ne devraient pas stopper la dynamique du principe de la souveraineté populaire dans les pays de l’Islam avec mise en place de systèmes laïcs et admission généralisée de la règle selon laquelle les dirigeants ne sont finalement que des délégués ou des mandataires du peuple.
Les révolutions arabes ont bien évidemment une résonance dans les territoires de Cisjordanie et de Gaza où les palestiniens admirent avec une certaine fierté les « intifada » qui se multiplient dans le monde de l’Islam, un peu comme s’ils en étaient les initiateurs. Aussi, certains, optimistes, imaginent que les forces nationalistes et démocratiques dans les pays arabes vont prendre le pouvoir et soutenir les Palestiniens dans leur lutte contre l’occupant sioniste. D’autres plus pessimistes, considèrent que les nouveaux pouvoirs mettront du temps à se mettre en place dans le monde de l’Islam et relégueront la cause palestinienne au second rang de leurs préoccupations. C’est effectivement ce qui devrait se produire.
Les palestiniens pourraient bientôt faire l’amère constatation de ce que « la cause palestinienne » n’était qu’un artifice pour détourner l’attention des populations musulmanes opprimées. Il suffit pour s’en convaincre de reprendre les déclarations de Kadhafi en février 2011, lorsqu’il a appelé les réfugiés palestiniens (au Liban, en Syrie, en Jordanie ou encore en Libye) à s'inspirer du « mouvement révolutionnaire arabe » et à marcher sur les territoires palestiniens avec des rameaux d'olivier à la main, en signe de paix » : « Dans ce contexte de mouvement révolutionnaire arabe populaire, les réfugiés palestiniens (...) doivent marcher sur la Palestine, avec femmes et enfants,.. S'ils se font repousser par l'ennemi (Israël), qu'ils campent aux frontières. Il faut créer un problème pour que le monde bouge »…Il avait alors qualifié les pays musulmans et arabes ayant des relations avec Israël, de « vendus », « mécréants » ou encore de « lâches…Finalement, la méthode dont il a usé pour massacrer son peuple illustre en quoi « la (soi disant) cause palestinienne » n’a toujours été qu’un moyen de focaliser l’attention des populations musulmanes sur Israël et les Etats-Unis, présentés comme les ennemis du monde de l’Islam.
Désormais, les arabes réclament des libertés et ne prononcent plus « Etats-Unis » ou « Israël » dans leurs slogans. Ils aspirent au changement de leurs systèmes corrompus, autoritaires et répressifs, afin de vivre dans la dignité (économique et politique) dans le respect de leurs droits de citoyens, de la liberté d’expression, de la liberté d’organisation et d’une justice équitable. Ce qui a été « la cause palestinienne » risque ainsi de ne plus intéresser grand monde dans les pays arabes et les palestiniens pourraient bientôt se retrouver parfaitement seuls. Ils comprendront alors que le fantasme de l’éradication de l’Etat d’Israël a été installé dans leur tête pour les inciter au combat en les détournant de leurs droits fondamentaux qui n’ont rien à voir avec la terre israélienne.
Lorsque les Etats arabes et musulmans auront achevé leurs révolutions démocratiques, Israéliens et palestiniens pourront naturellement négocier la paix et les frontières définitives, en considération des souverainetés sur les territoires qu’ils contrôlent. Subsistera le cas de la ville de Hébron sur laquelle une souveraineté conjointe pourrait être envisagée, ce qui serait un juste retour des choses.