Jours de terreur à Bagdad, menaces aux colis piégés : les terroristes célèbrent dans le sang les mid-terms et 2 mois de retrait américain
-[Bilan d'un désastre, plus "qu'analyse"]-
Par Marc Brzustowski
Pour © 2010 lessakele et © 2010 aschkel.info
Il est toujours hasardeux de prétendre lire un message implicite, intentionnellement glissé au cœur d’une vague de terreur. Ce n’est pas parce qu’on ne saurait pas le déchiffrer correctement que de tels bains de sang planifiés sont dénués de toute intention. Ils marquent, à leur manière criminelle, une date importante et s’invitent lors de ces mid-terms sanglantes de la Présidence Obama.
C’est l’ensemble du modèle électoral occidental qui est jeté aux ordures ou dans les fosses communes creusées par les Jihadistes. Une gifle retentissante au projet de retrait d’Irak, point central du programme du candidat démocrate, deux mois, jour pour jour après le départ du dernier G’I. La stabilisation n’était, tout simplement, pas assurée pour se permettre de ne pas pondérer ce calendrier d’utiles préoccupations sécuritaires, condition même d’une réaffirmation de la souveraineté. La politique extérieure de l’Administration se solde par un massacre.
La vague de colis piégés en provenance du Yémen réitère d’autres précédentes tentatives par les lignes régulières, depuis 2001. Elle n’a de nouveau que d’exploiter une faille présumée des systèmes de contrôle aérien. On sait qu’on ne doit son échec qu’à une fuite de la part d’un repenti saoudien, ancien détenu de Guantanamo et au signalement lancé par les services dubaïotes aux Britanniques et aux Américains.
La démultiplication des essais d’atteindre des cibles gouvernementales et diplomatiques européennes par le même type de modus operandi depuis la Grèce apparaît inquiétante, à mettre au compte de milieux terroristes liés à la mouvance anarchiste de l’altermondialisme. Le « plagiat » ou la réplique dans un très court laps de temps a toutes les raisons d’inquiéter, même si on ne peut arguer d’une planification concertée. Parmi ces cibles, deux des principaux leaders de l’Europe, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Si la première bombe n’a jamais quitté Athènes, la seconde est bien parvenue au service postal des bureaux de la chancelière, alors en Belgique, siège de l’Union. Ces groupes ultra-radicaux exploitent le mécontentement des Grecs d’avoir été délaissés par les milieux financiers européens et sacrifiés sur l’autel de l’Euro. Au moins une dizaine d’autres paquets étaient dotés de dispositifs explosifs, capables de faire des victimes et envoyés aux ambassades de Russie, de Suisse, du Luxembourg ou des Pays-Bas, donc un certain nombre de pays réputés pour leur système bancaire. Dans les deux cas, le seul point commun dans les tactiques des opérateurs est qu'ils surferaient sur le sentiment d’impuissance et d’abandon des populations à elles-mêmes.
Simultanément, les attentats de masse se développent en Irak. Les Islamikazes ont entraîné dans la mort 52 chrétiens, lundi, mais ne se sont pas arrêtés là. Le lendemain, 19 attentats utilisaient toute la gamme de l’inventivité terroriste et insurrectionnelle d’al Qaeda, à tous les carrefours de la ville. Les quartiers chi’ites ont été les plus touchés, avec plus de 120 morts et 300 blessés à Bagdad. Des mines et bombes improvisées étaient déclenchées au passage des convois de la police, de l’armée et des secours se précipitant sur les lieux de ces atrocités. Les crépitements d’armes automatiques accompagnaient ces détonations, de façon à ne laisser aucune chance aux survivants de ces guets-apens. Les Commandants de l’armée irakienne reconnaissent que la capitale est hors de contrôle et qu’il ne s’agit sans doute que du commencement de l’extension du chaos à Bagdad. Le système médical public s’étant effondré, ils ont dû déployer des tanks sur les bords du Tigre. Al-Maliki a refusé d’instaurer le couvre-feu, mais a fait appel à 3 brigades blindées en renfort. Ce n’est pas encore la loi martiale, mais cela y ressemble, faute d’alternative.
D’autres communiqués d’al Qaeda rappellent que les Chrétiens d’Irak lui sont des « cibles légitimes » et que « la lame du sabre s’abattra à nouveau sur leur cou ». Cette minorité, comme les Juifs, sont considérés comme le camp avancé de l’Occident en monde musulman. Pour les islamistes, il s’agit de « couper les ponts » entre deux visions incompatibles du monde.
L’Irak est devenu l’enjeu des tractations d’influence entre l’Iran, l’Arabie saoudite, et al Qaeda surgit pour occuper cette vacance du pouvoir, dans un pays tenu durant des décennies par une poigne de fer.
Si même les attentats en Irak n’avaient rien à voir avec le souci des terroristes de perturber le scrutin de la mi-mandat, mais uniquement des ramifications régionales, ils coïncident avec la précipitation d’un programme « isolationniste » tenu pour des considérations intérieures, de la part d’Obama. L’Administration n’a pas su ni voulu anticiper sur aucune des conséquences de ses décisions, même lorsque les élections irakiennes débouchaient sur l’impasse des jeux d’influence, déniant alors toute souveraineté à Bagdad. On ne passe pas de la tutelle sécuritaire au rapatriement sans transition politique ni période probatoire.
GW Bush avait marqué la même précipitation, lors des élections palestiniennes de 2006, sur la foi crédule que le peuple suivrait Abbas et le chemin de la négociation, au lieu du Hamas, grand vainqueur du scrutin. La guerre civile et la prise de contrôle de Gaza faisaient suite à cette présomption par aveuglement. Encore une fois, l’Amérique traite la question des Etats au Moyen-Orient comme s’agissant d’un gadget, sans réflexion sur la réalité clanique en Orient, ni les modalités de renforcement des institutions. Elle fait la part belle aux poussées hégémoniques et à la loi du plus fort. Les islamistes s’imposent, par les urnes ou par le sang.
Si, à Jérusalem, on a tout lieu de se réjouir du raz-de-marée républicain au Congrès, dans une moindre mesure au Sénat, augurant de moindres pressions sur Israël, la donne régionale se radicalise. En Irak comme au Liban, les bases logistiques du terrorisme se situent à Damas, qui arbitre de façon meurtrière entre les prétendants iranien et saoudien à la domination régionale. C’est aussi un défi cinglant à Washington, rappelant que rien ne se fera sans que l’Amérique ne lâche la bride à la Syrie. Ceci traduit une autre erreur stratégique de l’Administration Obama, qui consiste à privilégier la résolution du supposé « conflit israélo-palestinien » comme clé de la pacification du Moyen-Orient. L’exploitation du conflit arabo-persan par les différents groupes terroristes relègue la question de la paix entre Israéliens et Palestiniens au rayon des dossiers subsidiaires.
A Beyrouth, le Hezbollah menace d’imposer sa mainmise sur l’ensemble du pays en moins de deux heures. D’après les experts locaux, cette prise de contrôle, comme celle de Gaza en 2007 ou de Beyrouth en mai 2008, ne pourrait se faire dans la non-violence. L’armée resterait sans doute dans ses casernes en attendant d’être consultée par le vainqueur. Mais les autres minorités menacées, dont les Sunnites alimentés par leurs parrains du monde arabes, créeraient sûrement des poches de résistance. L’Occident, réduit à l’impuissance, pourrait alors se résoudre à assister à la mise en branle des armées israélienne et syrienne, conduites à s’affronter à très brève échéance : l’une pour empêcher l'offricialisation d’une nouvelle enclave iranienne sur son front nord, l’autre en renfort du nouveau pouvoir par la rue, « pacificatrice » d’un Liban décidemment incapable d’assurer sa propre souveraineté.
Pour le moment, l’Iran et le Hezbollah utilisent « l’écran de fumée » généré par al Qaeda en Irak, pour mieux affûter leur stratégie de prise de contrôle de ces deux pays en passe de devenir de simples satellites.
Le défi à relever, quelle que soit la nouvelle majorité sur la Colline du Capitole, c’est que ni l’Amérique ni Israël, actuellement, ne disposent de stratégie de contre-offensive sur ces deux théâtres de guerre. La coopération pour la trouver s'impose. La folie destructrice d’al Qaeda n’est que le symptôme de la mollesse des régimes sunnites à prendre en main la défense de leurs intérêts face à l’Iran et la Syrie résurgents. Ces dossiers brûlants n’attendront pas qu’on se mette d’accord à Washington, sur la crise, les impôts ou le chômage. Ils nécessitent qu'émerge un "Commander in Chief", capable de frapper du poing sur la table et d'arbitrer entre les outsiders. Même s'il ne décide jamais que sous la pression de la Chambre.
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