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4 janvier 2011 2 04 /01 /janvier /2011 14:55

 

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Entretiens



04/01/11
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- - Thème: chrétiens persécutés

 

Pouvez-vous nous rappeler brièvement ce que sont les Coptes ?
 
Etymologiquement, les Coptes (ou les Gyptes) sont les « habitants de l’Egypte » tels que les désignaient les Grecs. Evangélisés par l’apôtre Marc, ils se constituèrent en Eglise nationale au concile de Chalcédoine en 432. L’Egypte fut progressivement islamisée à partir de la conquête arabe du VIIe siècle, les chrétiens jouissent depuis du statut de dhimmi, « protégés » ou citoyens de seconde zone, et sont régulièrement la cible de pogroms. D’un point de vue ethnique, les Egyptiens sont tous Coptes, quelle que soit leur religion, les Egyptiens musulmans étant des Coptes convertis et non des Arabes. On peut exclure de la coptité les Bédouins du Sinaï qui sont Arabes, les Berbères du désert libyen ainsi que les descendants d’immigrés venus d’Arabie, du Levant et de Turquie dont la proportion ne devrait dépasser les 5%. Si les Egyptiens sont ethniquement Coptes dans leur grande majorité, de nos jours l’appellation désigne généralement les seuls chrétiens orthodoxes, lesquels dépendent de l’Eglise copte dont le siège est à Alexandrie. Il n’existe aucune statistique officielle sur la répartition confessionnelle en Egypte, le gouvernement égyptien y étant opposé. Ce dernier tend à minimiser le nombre de non-musulmans. Néanmoins, les Eglises locales, se basant sur les registres des baptêmes, affirment l’existence de 12 millions de fidèles, soit légèrement plus de 15% de la population égyptienne. Les régions où l’on trouve la plus grande concentration de chrétiens sont la Haute-Egypte et notamment les gouvernorats de Minia, Assiout, Sohag et Qena, où le pourcentage des chrétiens peut s’élever à 35%.
 
Comment expliquez-vous cette vague d’attentats dont sont victimes les chrétiens d’Egypte ?
 
Depuis trois décennies, l’Egypte connaît une montée en puissance spectaculaire d’un fondamentalisme musulman cherchant à instaurer un Etat islamique. En effet, bien que l’article 2 de la constitution égyptienne stipule que « la religion de l’Etat est l’islam et la charia constitue la principale source de législation », le système égyptien n’applique la charia qu’en droit de la famille (mariage, divorce, héritage, adoption) et dans une moindre mesure en droit pénal (peine de mort, interdiction des relations sexuelles hors mariage). Les islamistes ne se contentent pas de ces dispositions qu’ils jugent insuffisantes (pourtant ils s’en accommodaient il y a un demi-siècle) et exigent une application plus rigoureuse de la jurisprudence islamique. Dans ce bras de fer qui oppose les groupes islamistes radicaux à l’Etat, ce dernier explique régulièrement son rejet d’une application rigoureuse de la charia(1) par l’existence en Egypte d’une importante minorité chrétienne. Je considère que c’est une mauvaise base. D’abord parce qu’elle place les chrétiens sur la première ligne de confrontation directe avec les islamistes, puis surtout parce que de nombreux musulmans ne veulent pas non plus d’un Etat islamique. Et le propos n’est pas ici de rappeler combien d’écrivains et de militants égyptiens laïcs ont été assassiné par la Gamaa islamiya dans les années 90 ou contraints de fuir le pays.
 
A qui profitent ces crimes ?
 
Il est possible que l’attentat du 31 décembre ait été commandité par Al-Qaïda, ou que ce dernier ait donné un coup de main. Une enquête est en cours et je ne préfère donc pas m’avancer. Néanmoins, et quelque soit le degré d’implication d’Al-Qaïda, il est indéniable que le crime profite aux islamistes d’Egypte qui cherchent depuis trois décennies à terroriser les communautés non-musulmanes qui habitent le pays et les inciter à fuir. Ils cherchent également, et surtout, à dissuader les Coptes de chercher à construire de nouvelles églises. En effet, une manifestation avait eu lieu dans la banlieue du Caire, six jours avant l’attentat, et avait dégénéré en émeute ayant fait un mort et plusieurs blessés parmi les Coptes qui protestaient contre leur empêchement par les autorités de poursuivre la construction d’une église. Parmi les prétextes avancés par l’Etat pour justifier son rejet des demandes de construction, figure l’argument sécuritaire. L’Etat qui assure la protection policière des églises depuis la vague d’attentats des années 90, explique ne pas être prêt à protéger des lieux de culte supplémentaires. Cet attentat renforce donc le prétexte sécuritaire de l’Etat empêchant les chrétiens de construire des églises.
 
Qu’en est-il de la condition des chrétiens dans le monde musulman, et en Egypte tout particulièrement ?
 
- MMF : Le monde musulman est une notion assez vague dont on aurait du mal à définir les contours géographiques avec précision. Savez-vous par exemple qu’il y a aujourd’hui presque autant de musulmans en Inde qu’au Pakistan ? Ou qu’il y a plus de musulmans en France qu’au Liban ? On peut constater tout de même que dans les pays dont la population musulmane est supérieure à 60%, les chrétiens subissent des discriminations. Cela peut aller de l’interdiction d’accès à certaines fonctions politiques clefs, comme en Syrie qui se dit pourtant laïque, à l’interdiction de pratiquer la religion, comme c’est le cas en Arabie saoudite. Néanmoins, si l’on cherche à établir des constantes, on pourrait remarquer que quelque soit le niveau des discriminations qui pèsent sur les chrétiens des pays musulmans à plus de 60%, la situation de ces minorités est en régression continue. Si on se focalise sur le seul Moyen-Orient, on pourrait aisément comparer la situation des chrétiens aujourd’hui à celle des Juifs orientaux il y a un demi-siècle. Leur loyauté aux causes arabes est souvent mise en cause, ils sont accusés de sympathie (quand ce n’est de collaboration) avec l’Occident, on leur reproche de dominer l’économie, de répandre la corruption ou encore d’essayer de pervertir les jeunes musulmans (style hippie, homosexualité, sida…).
 
Et en Egypte ?
 
L’Egypte, comme je vous l’ai dit, compte environ 12 millions de chrétiens. Cela veut dire qu’un chrétien oriental sur deux est Egyptien. Cela veut dire aussi qu’il y a plus de chrétiens en Egypte que de musulmans nationaux en Arabie saoudite, qu’il y a deux fois plus de chrétiens en Egypte que de Juifs en Israël. Cela veut dire enfin que la communauté chrétienne d’Egypte est quatre fois et demie plus nombreuse que l’influente communauté chrétienne du Liban. Pourtant ces 15% d’Egyptiens ne représentent que 1.5% de la fonction publique de leur pays. Ils sont quasiment exclus des postes à responsabilité, des hauts échelons de l’armée, de la magistrature. Si dans le pays du Nil un non-musulman ne peut devenir gouverneur ou doyen d’une faculté, il ne peut non plus devenir professeur d’arabe ou obstétricien. Sur cinq-cents députés dans le Parlement, il n’y a qu’un seul chrétien élu. Les écoliers chrétiens sont obligés d’apprendre le Coran et la littérature islamique en cours d’arabe, y compris dans les écoles privées chrétiennes, tandis que leurs camarades musulmans ne savent rien du christianisme. Le ministère de l’Education nationale interdit aux bibliothèques des écoles publiques d’avoir des livres religieux non-islamiques. Dans le même temps, toute école, y compris les écoles privées chrétiennes, est tenue de réserver une salle de prière pour ses élèves musulmans. La publication ou la vente d’ouvrages chrétiens est strictement encadrées par les autorités en place, tandis que le prosélytisme musulman est soutenu et encouragé par l’Etat. De lourdes discriminations pèsent ainsi sur les chrétiens d’Egypte qui n’ont aucun espace dans les médias officiels, tandis que les cours de religion islamique y sont omniprésents. La construction ou la rénovation d’une église nécessite un décret présidentiel(2), tandis que la construction d’une mosquée n’exige aucune formalité particulière et apporte même à son auteur des exonérations foncières (3). Il existe actuellement en Egypte une église pour 10 000 chrétiens. Je me dis parfois que les Juifs ont bien fait de quitter le pays des Pharaons, autrement et conformément à la statistique mentionnée, un Bar-mitsva n’aurait pu monter à la Torah qu’une fois tous les 17 ans…
 
A ce sujet, comment selon vous les Coptes perçoivent-ils Israël et le monde juif ?
 
J’ai passé 10 ans de ma vie en Egypte, de 1992 à 2002, où je vivais au sein de cette communauté. Je n’ai jamais remarqué le moindre sentiment antisémite, bien au contraire, et ce en dépit de la propagande anti-juive très fortement entretenue par les médias et les manuels scolaires. Les Coptes sont généralement critiques vis-à-vis d’Israël et solidaires avec la cause palestinienne, comme dans tout pays arabe. Mais ils restent globalement très opposés au terrorisme et aux méthodes radicales employées par le Hamas. Par ailleurs, près de la moitié des Egyptiens qui habitent en Israël sont Coptes (en général mariés avec des Arabes chrétiens de Galilée) et une paisible communauté de moines égyptiens vit à Jérusalem où ils disposent d’un carré copte au sein du Saint-Sépulcre(4). Je suis personnellement très engagé dans le rapprochement entre les différentes minorités du Moyen-Orient. Et je reste convaincu que l’intégration d’Israël dans son environnement régional passera d’abord par une meilleure entente avec les minorités, notamment les chrétiens du Liban et d’Egypte. Il ne s’agit pas forcément d’une alliance stratégique contre la majorité musulmane, mais d’une première étape vers une paix globale dans la région.
 
Notes :
 
(1) Jurisprudence islamique.
(2) Il s’agit de la loi du Khat el-hamayoni sur la gestion des lieux de culte non-musulmans, une des rares lois ottomanes toujours en vigueur en Egypte.
(3) Ce qui expliquent l’apparition ces derniers temps de mosquées en rez-de-chaussée de très nombreux immeubles (zawiya).
(4) Voir : M. Feki et N. Szerman, « Les Coptes et Israël », Israël Magazine, 26 juin 2007.
 
Meir Masri Feki (photo), natif du Caire, est chercheur en géopolitique et auteur de nombreuses publications sur les relations israélo-arabes. Il milite ardemment pour un rapprochement politique entre Juifs et Chrétiens du Moyen-Orient à travers plusieurs projets associatifs.
 
Photo : D.R.
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