Nucléarisation du Proche-Orient : au tour de la Turquie.
12.05.2010 - En visite à Ankara, Medvedev signe la vente d'une centrale nucléaire russe de 4.8 Gigawatts à la Turquie via la société publique Atomstroïexport pour un montant avoisinant les 20 milliards de dollars.
Photo Rianovosti mai 2010
L'aboutissement d'un projet ancien et abandonné en 2000 ?
Depuis les années 1950, la Turquie s'est lancée progressivement sur la voie d'un programme nucléaire civil dont on sait les passerelles avec le nucléaire militaire.
Depuis 1979, la Turquie dispose d'un réacteur expérimental à Istanbul
Mais les quatre premiers projets ont échoué soit par manque d'investissement soit par prise en compte du risque écologique dans une région confrontée régulièrement à des séismes de grande magnitude.
L'arrivée au pouvoir des islamistes de l'A.K.P. a changé la donne et en 2007, le gouvernement turc décide de lancer un appel d'offres pour la construction d'une centrale sur le site d'Akkuyu dans la région de Mersin située en bordure de Méditerranée (face à Chypre) qui avait déjà été porteur d'un précédent projet.
L'entreprise russe était la seule à avoir finalement répondu à l'appel d'offres.
Une nécessité stratégique plus qu'économique ?
On peut cependant s'interroger sur les enjeux de cette nouvelle priorité nationale turque. Certes, après avoir représenté jusqu'à 60% de l'électricité produite en Turquie en 1988, l'industrie électrique a marqué le pas depuis plusieurs années pour passer en second rang, n'offrant plus qu'un quart de la production nationale.
Mais au-delà de l'approvisionnement électrique, plus de 50 barrages turcs répondaient à plusieurs enjeux stratégiques.e contrôle des ressources en eau des fleuves et affluents du Tigre et de l'Euphrate, offre un moyen de pression considérable sur la Syrie et l'Irak, tandis que la politique de barrages dans la région du Sud-Est anatolien avait pour vocation de réorganiser la région afin de mieux lutter contre le séparatisme kurde. Des villages entiers ont été noyés, des dizaines de milliers d'habitants déplacés dans la perspective d'un meilleur contrôle du territoire.
L'intense réconciliation entre Erdogan et Bachar el Assad a mis de côté le différend hydrologique au profit d'une entente tacite incluant une coopération militaire élargie. Les liens nourris d'Ankara avec Téhéran, sous le patronage russe, esquissent une reconfiguration régionale où, du point de vue des autorités turques, le nucléaire passe pour la clé d'une forme d'hégémonie sur le Moyen-Orient.
En Turquie, la question a été soumise à un débat nourri en raison des coût proposé par l'entreprise russe, et du prix final du kWh produit supérieur aux prix du marché. C'était sans compter les impératifs stratégiques régionaux d'Ankara.
Par Sacha Bergheim (c)
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