
Par Yéochoua SULTAN
C’est la saison des prix Nobel. A défaut de briller en médecine ou en physique, le président américain vient de se voir décerner celui de la paix. Beaucoup ne comprennent pas ce qu’il a fait pour l’obtenir. Les gens perplexes se demandent, outre l’interrogation quant au mérite qu’il aurait ou non à son propos, si ce geste est positif pour l’ensemble de la planète.
Les réactions concernant les prix Nobel en général sont assez intéressantes en elles-mêmes, bien plus que les lauréats ou leurs mérites. Pour le prix Nobel de chimie, qui aurait dû peut-être être celui de biologie, les avis en général, restent très superficiels. Personne, à quelques exceptions près, ne s’intéresse au travail qui a été effectué et qui a justifié son attribution. Ce n’est qu’après avoir parcouru de nombreux sites internet que j’ai trouvé sur le site de « Pour la science » qu’il s’agissait de la cristallisation d’une des parties du ribosome présent dans la cellule vivante, et de sa représentation en trois dimensions. Sinon, ce qui intéresse le public et les politiques, c’est l’émotion, la fierté ou la jalousie, voire la désapprobation, selon le point de vue sous lequel on se place. Le comble, c’est qu’on ne posera aucune question qui obligerait la gagnante, en l’occurrence, à défendre sa thèse, mais qu’on lui demandera par contre volontiers ce qu’elle pense de problèmes d’actualité pour lesquels elle n’a aucune compétence. Est-ce que, dans le même ordre d’idée, on pose à Shimon Pérès des questions sur les mitochondries ?
Dans ce cas, bien que le prix Nobel de la paix ne corresponde a priori à aucun travail réel, cela ne dérange personne, puisque les considérations le concernant ne toucheront, comme pour tous les autres prix, que les circonstances et les aspects représentatifs des personnes qui s’y rattachent. Quand les prix scientifiques sont raflés presque systématiquement par les Américains, on pense presque systématiquement au drainage des cerveaux et aux investissements quasi illimités des Américains pour la recherche, un point c’est tout. Quand un Polonais obtient le prix Nobel de la paix en plein rideau de fer, on jubile du pied-de-nez qui éclate à la face des Soviétiques.
Ce qui est plus inquiétant, c’est ce à quoi sont prêts les candidats au prix Nobel. Si, dans le domaine des sciences, il faudra trouver un sujet de thèse et s’y atteler corps et âme pour se faire oublier pendant vingt ou trente ans, la méthode est moins noble dans la rubrique « paix ». Là, il faudra au contraire se faire connaître, et la fin, le prix, la postérité fictive, justifient les moyens.
Quand quelqu’un est déterminé à l’obtenir coûte que coûte, il peut mettre la planète à feu et à sang. Le triple coup, ou plutôt le triple prix Nobel lié aux accords d’Oslo a fait plus de trois mille victimes. Des centaines de terroristes ont été libérés, armés, et n’ont pas été inquiétés sur le sol de l’autonomie pour préparer des attentats-suicides, aussi bien au niveau technique que du bourrage de crâne psychologique de jeunes dont le manque sexuel était soigneusement entretenu dans le but de leur faire miroiter un au-delà bien peu décent. Des bus ont explosé et leurs passagers ont été déchiquetés, des bombes ont éclaté dans des centres commerciaux ou des cafés, dans l’indifférence générale. Aux citoyens décontenancés, on expliquait que c’était le prix de la paix, les sacrifices de la paix. Des sacrifices humains.
Mais la propagande laissait bien entendre que tout cela était peu au regard du court métrage tourné sur la pelouse de la Maison blanche, sorte de happy end d’un film beaucoup plus long, quand les ennemis deviennent enfin amis. Avant de déchanter, de nombreux téléspectateurs ont sorti leurs mouchoirs, sincèrement convaincus par une assez bonne mise en scène. Mais qui avait-il eu, hormis quelques poignées de mains, une pelouse et un bureau à la symbolique bancale ? Lors de la réunion tripartite de septembre 09, entre Netanyahou, Obama et Abbas, les Israéliens ont exigé, puisque des conditions préalables à la reprise des pourparlers pouvaient être demandées, que l’Olp, ou son descendant dégénéré, l’AP, reconnaisse Israël.
Un regard global sur l’actualité des dix à quinze dernières années nous permet de comprendre que le fameux principe des territoires contre la paix, qui ne s’est traduit concrètement que par une avalanche d’attentats sans précédent dans l’histoire d’Israël depuis sa récente indépendance, n’a pas été accompagné de la moindre contrepartie, puisque c’est aujourd’hui seulement que l’ont comprend rétrospectivement que la reconnaissance d’Israël par les terroristes qui ne faisait que recevoir sans rien donner n’avait pas été d’actualité. Et quelle est la cause de ce chaos ? Un prix Nobel et une fausse postérité, puisque, comme on le sait, le peuple de la mémoire qui a ordre d’écouter dans le plus grand recueillement le texte qui préconise « Souviens-toi et n’oublie pas », est le fixateur de la mémoire universelle, et que c’est lui qui distingue par ses valeurs immuables le bien du mal et les bons des méchants.
Depuis, les politiciens ont réservé un emplacement de choix au prix Nobel de la paix sur leur tableau de chasse. Or, seules les « victimes » des Israéliens intéressant l’opinion, comme l’ont fait remarquer judicieusement Elie Wiesel, Finkielkraut ou Elie Kling, une « paix » rentable, nobeliquement parlant, ne sera pas à chercher en essayant de régler des conflits au Niger ou chez des dictateurs écrasant leurs opposants dans des bains de sang, comme en Iran pour des affaires d’élections truquées pour lesquels on s’alignera avec le dictateur, pourvu qu’il s’entête un peu, en criant haut et fort que son pouvoir est légitime et qu’il ne reste plus au monde libre qu’à le respecter.
La méthode infaillible et qui peut mener au Nobel sans coup férir, c’est d’imposer à Israël un contrat de reddition, de renoncement à ses aspirations nationales, historiques et légitimes qui l’ont vu proclamer à nouveau son indépendance sur sa terre, autrement dit de « paix », dans l’esprit terminologique de vigueur, au profit d’un mouvement terroriste plus ou moins islamique. L’acharnement, quoique dérivant de nombreuses motivations, pas uniquement nobeliques, mais fortement renforcé par cette considération, fera bouger le chasseur qui épiera les signes d’hésitation, de fatigue, voire de querelles intérieures qui lui permettront d’ajuster son tir et de faire chanceler le Premier ministre israélien de service dans sa besace.
Le prix Nobel, pour finir, ressemble un peu à un diplôme universitaire. Pour être reconnu comme intellectuel, ou pour pouvoir se faire entendre, il faut souvent être titulaire au minimum d’un titre académique. En ce moment, on reproche sévèrement à l’un des parlementaires du parti Kadima d’avoir menti. Il n’aurait, semble-t-il, jamais terminé les études requises pour l’obtention de sa licence à l’université de Bar-Ilan. Pour se laver du discrédit et de l’opprobre, il lui faudrait donc à nouveau chauffer les bancs de la fac et réussir à ses examens. D’autres sont docteurs sans n’avoir jamais fait d’études et sans que personne n’y trouve rien à redire. On les appelle « docteurs honoris causa ». Par conséquent, de la même façon que ces docteurs n’ont pas besoin d’étudier, puisqu’ils sont déjà diplômés, Obama n’aura pas besoin de traquer Israël, puisqu’il a déjà été récompensé pour ses intentions, et il pourra laisser ce pays en paix et rester tranquille, étant d’ores et déjà prix Nobel de la paix, Nobel « Honoris causa ».
[Lundi 19/10/2009 17:42]