Posture de gauche ???
Par Alain Rubin
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Le quotidien le Parisien du vendredi 13 mai nous expliquait, sur une demi-page, que Marine Le Pen prend « une posture de gauche ». C’est ainsi, que les « classes populaires et ouvrières » se retrouveraient à constituer « son cœur de cible ».
On pourrait demander au quotidien si, à l’inverse, la « posture » de Terra nova et de son commanditaire tiendra jusqu’en 2012 *1? Déjà, quelques prudents ambitieux hiérarques PS montent au créneau, devant ce qui leur paraît aussi être un jet du masque aussi irréfléchi que très certainement inefficace.
Le quotidien nous expliquait encore, que pour « coller à son électorat ouvrier, la Présidente du FN réclame une autre partage entre le capital et la classe ouvrière, un vocabulaire emprunté à la gauche »
Une parenthèse : En lisant la presse française on mesure l’ampleur des dégâts subis par le système scolaire et universitaire français.
Manifestement, pour écrire cette phrase, le journaliste n’a jamais entendu parler : ni de l’encyclique papale « Rerum Novarum » (1891), ni du programme du Conseil National de la Résistance, ni du MRP (le mouvement républicain populaire, démocrate chrétien), ni de Georges Bidault son leader et vice-président du Conseil des ministres du gouvernement de tripartisme présidé par le Général de Gaulle en 1945*2.
On peut se demander de quoi nos journalistes et nos diplômés penseurs à la sauvette des « think tank » ont-ils entendu parler, et surtout : qu’est-ce qu’on a bien pu leur faire apprendre quand ils étaient en classe de lycée ou sur les bancs de l’université ?
Manifestement, nos thinktanker n’ont rien lu de la démocratie chrétienne. Ils ne connaissent pas grand chose du « Sillon » et du personnalisme d’Emmanuel Mounier. Manifestement, Ils n’ont pas non plus entendu parler du Parti Social Français et du colonel de la Rocque son chef. Pourtant, ce parti, qui fut abusivement qualifié de fasciste, était très loin d’être un groupuscule et il s’intéressait à un « partage juste » des revenus du capital et du travail destiné à assurer à tous une existence digne et décente en mettant fin à l’antagonisme entre les classes.
Ces personnes et ces groupements, parce qu’ils ne partageaient pas la conclusion principale de tous les courants socialistes et communistes –à savoir : l’appropriation collective et la planification des grands moyens de production et d’échange, permettant l’appropriation socialisée de la plus-value qui cesserait d’être un surtravail impayé à la classe des producteurs (les salariés)- préconisaient un « juste partage de la plus-value ». Ils défendaient l’idée d’un autre partage de la richesse sociale produite et un partage équitable des revenus, comme effet d’un partenariat loyal ou d’une association du travail et du capital.
On peut ici mesurer l’abaissement moral et politique et intellectuel de ce qui s’appelle « la gauche », qui, en vouant aux gémonies la classe ouvrière, se retrouve ou se propose de se retrouver, en fin de compte, sur le plan de la justice ou de l’injustice sociale, à la « droite » de ce qu’ils appellent « droite » ou « droite extrême ».
Alain Rubin
*1 les événements se sont précipités, sous une forme inattendue, avec l’arrestation de Dominique Strauss Kahn. Question : Perte de tout contrôle de soi ? Croyance que le Directeur du FMI pourrait-être et agir comme une sorte de boyard, disposant d’un membre du personnel hôtelier comme s’il s’agissait d’une paysanne se trouvant sur ses terres ? Machination et provocation ? Cela ne peut pas non plus être exclu. Les hégéliens vont nous le répéter, et ils auront raison : comme notre maître aurait dit, le nécessaire se réalise toujours sous la forme du contingent, sous l’aspect de l’aléatoire.
Il n’en reste pas moins que la donne politique change. Elle va être sérieusement modifiée du point de vue de savoir qui représentera le PS devant l’électeur, en 2012. Ce matin (16 mai), on a eu droit au défilé des rivaux ; tous sans exception avaient l’arme à l’œil : Oh le pauvre Dominique. C’est terrible ! Oh, qui aurait cru ça ? Ce n’est pas possible ?!!!
Et il y a ces autres bons camarades, qui n’ont pas perdu de temps, pour nous faire savoir que « DSK » n’en était pas à sa première agression sexuelle. Même une candidate, à la primaire socialiste, a tout de suite informé la presse qui s’est jetée sur le scoop...
*2 Au risque d’être redondant, rappelons, à nos journalistes et aux experts pseudo connaisseurs peuplant nos « think tank », ainsi qu’à leurs « professeurs », rappelons-leur, que les deux autres représentants du tripartisme à la tête du Conseil des ministres de 1945, ce seront :
- Maurice Thorez, le Secrétaire général du PCF, revenu de Moscou pour reprendre la direction du parti communiste et lui imposer la « Ligne » de Staline et des accords de Yalta-Téhéran, avec ses méandres hostiles aux revendications ouvrières, au nom de la reconstruction « nationale »…
- Léon Blum, le chef du gouvernement du Front Populaire, l’homme qui s’opposera en 1920 à la zinoviévisation-« bolchevisation » du parti socialiste SFIO, le militant et l’homme de « l’exercice du pouvoir ». Le mérite historique de Léon Blum restera d’avoir fait mettre dans la loi le résultat intégral des « accords Matignon ». Ces accords furent le fruit de la négociation nationale tripartite (CGT réunifiée, CGPF/la confédération patronale, gouvernement) provoquées par les grandes grèves révolutionnaires d’occupation des lieux de travail des mois de mai-juin 1936
- Le Général de Gaulle présidait ce gouvernement, qui n’était pas que « posture ».
En mettant en œuvre les ordonnances d’octobre 1945, le gouvernement du tripartisme réalisait le début d’un profond rééquilibrage entre les revenus du capital et ceux du travail.
Avec la Sécurité sociale, née d’une profonde transformation des Assurances sociales, qui constituait désormais une mutuelle obligatoire unifiée, une copropriété de toute la classe ouvrière, on socialisait une partie du salaire ainsi qu’une fraction importante prise à la plus-value. Le tout, -sous forme de cotisations sociales devenant immédiatement prestations-, se retrouvait mis à l’abri des aléas du marché. On comprend que, depuis 1945, les questions de la sécurité sociale et tout ce qu’elle décline, sont au centre de toutes les préoccupations politiques. La question de la sécurité sociale sera au cœur des préoccupations ouvrières de toutes professions, lors de la grève généralisée des semaines du 14 mai au 10 juin 1968.
Des thinktanker de « gauche » ont d’ailleurs prévu de mettre fin à ce scandale, contraire aux besoins découlant « objectivement » de la mondialisation inéluctable, ils défendent l’idée de transformer les cotisations sociales en impôts, en banque pour les besoins de l’Etat. Pour y parvenir, d’immenses coupes claires dans les prestations d’assurance maladie, de retraites, d’accident du travail, sont indispensables. Ce sont ces coupes claires dont les mécanismes sont débattus dans les commissions d’experts auprès de la nomenklatura bruxelloise.
Où vont se nicher les « postures de gauches », selon Saint-Traité de Maastricht ??
Alain Rubin