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30 novembre 2010 2 30 /11 /novembre /2010 20:27

Prises d'otages et rançons : rien de nouveau sous le soleil...

A.Del Valle

blog.alexandredelvalle

 

Del-Vallle.jpgJeudi 18 novembre dernier, Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) a menacé la France, sommée de « retirer ses soldats d'Afghanistan" puis de traiter avec Oussama Ben Laden pour obtenir la libération des otages français. Un décryptage s’impose : En lançant ses menaces la veille du sommet de l'Otan de Lisbonne et en précisant que « toutes les négociations devront être conduites avec Oussama ben Laden et selon ses conditions", Aqmi a réussi un vrai coup médiatique. 


Ce changement de « com », consistant à lier le sort des 5 otages français enlevés le 16 septembre dernier au Niger, à la présence de troupes françaises en Afghanistan, vise à renforcer le sentiment de peur dans l’opinion et à jouer la carte du « franchising ». En effet, c’est la première fois en 7 ans qu’Aqmi, groupe issu de l’ancien GSPC algérien (Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat) replié dans le Sahel après avoir été chassé d’Algérie par les forces de sécurité algérienne, joue autant la carte Ben Laden, avec qui les liens sont en réalité presque inexistants. En déclarant n’être qu’« une partie d'un grand mouvement planétaire dirigé par Oussama ben Laden », lequel donnerait les ordres, Aqmi laisse entendre qu’elle est plus puissante qu’on ne le croit et fait ainsi monter les enchères. Elle tente aussi de semer le doute chez les services de sécurité pour pousser Paris à payer. Cela accrédite l’idée chère à de nombreux experts selon laquelle Al-Qaïda, (« La base », ancienne base de données des volontaires sunnites en Afghanistan venus faire le jihad contre les Russes communistes), est plus un « logo », une « marque », avec pléthores de « franchisés », qu’une organisation pyramidale réellement contrôlée par Oussama Ben Laden depuis les zones tribales pachtounes du Pakistan. Dans cette association, le « franchiseur » (Al Qaïda-Ben Laden) a autant besoin des « franchisés » (Aqmi, Aqpa et autres) que le contraire. Car chacun permet à l’autre de bluffer, d’augmenter sa visibilité et d’exagérer le nombre de ses troupes. De son côté, Ben Laden, affaibli dans son repère pakistanais face aux offensives américaines en zone « Af-Pak », a tout intérêt, lui aussi, à faire croire qu’il contrôle Aqmi et à lier les dossiers sahéliens et afghans, d’où son avertissement à la France qui « ne sera jamais en sécurité y compris en Afrique tant qu’elle restera en Afghanistan ». 



Terrorisme islamiste et criminalité 



Par ailleurs, on ne peut pas nier la dimension purement criminelle des prises d’otages et des activités des groupes comme Aqmi. L’enjeu financier est énorme pour les terroristes, qui ont tissé partout des liens avec les trafiquants et avec les clans criminels, à commencer par les Cartels de la drogue d’Asie ou d’Amérique latine. Au niveau mondial comme dans nos banlieues chaotiques, on constate partout une convergence d’intérêts entre, d’une part, les réseaux criminels et du trafic de drogue et, de l’autre, ceux de l’islamisme radical terroriste. Le Pakistan, l’Afghanistan, l’Iran, la vallée de la Ferghana en Asie centrale, où sévit le redoutable Mouvement islamique de l’Ouzbékistan (MIO), les montagnes turco-kurdes, le sud Caucase, les Balkans, dont l’Albanie, le Kosovo et la Bosnie, sont à la fois des zones d’expansion est-ouest de l’islamisme radical sunnite salafiste depuis la fin des années 80 et un ensemble de pays qui se partagent, le long de l’ancienne « route de la soie », les gains obtenus du trafic de drogue dure, principalement l’héroïne. De la même manière, en Afrique, les clans de trafiquants d’esclaves, d’immigration illégale et de drogue (cette fois-ci plutôt la cocaïne), puis les rebellions du désert spécialisées dans les prises d’otages, les razzias, les contrebandes et les pirateries, se rapprochent de plus en plus des jihadistes, notamment d’Aqmi, au Sahel. La figure emblématique qui illustre le mieux cette réalité est Ahmed Tarqui, dit « Abdelkrim Le Touareg », « l’émir » choisi pour représenter les intérêts de l’organisation terroriste islamiste auprès des cartels colombiens et mexicains de la cocaïne. On doit notamment à cet « émir » du Sahara l’assassinat de Michel Germaneau durant l’été 2010. Le défi est terrible pour les pays occidentaux comme pour les pays musulmans, premières victimes de la barbarie terroriste salafiste ou autre, car cette haute criminalité régionale associée au terrorisme islamisteconstitue un mélange explosif et une réalité en pleine expansion de l’Asie à l’Amérique latine (Bolivie, 2quateur, Vénézuéla, région de la « Triple frontière » entre l’Argentine et le Brésil, devenus foyer des bases-arrières des terroristes islamistes et des trafiquants en tout genre), en passant par l’Afrique sahélienne. Rien que dans cette région du monde située entre le Mali, le Niger, le Sud du Maroc, la Mauritanie, le Sahara occidental et le sud de l’Algérie, les preneurs d’otages ont considérablement multiplié leurs gains depuis quelques années, grâce au trafic et aux rançons. Depuis 2007, les rançons d’otages leur ont déjà rapporté plusieurs millions de dollars. 

C’est là qu’apparaît la vulnérabilité majeure des démocraties : certains Etats européens ont déjà cédé au chantage en payant à plusieurs reprises les ravisseurs jihadistes réfugiés dans le désert. Ceci n’a fait qu’augmenter l’appétit des prédateurs salafistes et de leurs alliés contrebandiers bédouins ou pirates. La spirale n’est pas prête de s’arrêter, car les ressources sont infinies d’après les preneurs d’otages qui trouvent dans la tradition islamiste salafiste des justifications théologiques pour commettre leurs crimes barbares. Leur force réside donc essentiellement dans la peur des Occidentaux, qui tiennent à leur vie plus que tout, contrairement aux kamikazes qui la méprisent et lui préfèrent la mort. Une peur qui rime avec panique généralisée et réactions en chaîne, comme on peut l’observer également dans un domaine fort éloigné comme la bourse, qui peut à tout moment s’écrouler à cause de simples rumeurs et de mouvements de paniques multipliés par les moyens de communication moderne. 



La peur et les médias : armes des terroristes 



On oublie trop souvent que les terroristes ne tuent pas pour tuer, contrairement aux apparences et à ce que laisse croire leur goût pour le sang. S’ils tuent des innocents, principalement, c’est justement afin que chacun d’entre nous puisse légitimement se sentir menacé ou menaçable, virtuellement, indépendamment même de ses idées ou choix. Cette absence de mobile et de rationalité, donc cette extrême imprévisibilité, pousse à céder par avance afin d’être « épargné ». D’où les phénomènes de soumission volontaire tels que le « syndrome de Stockholm », la « dhimmitude » de l’Europe, ou le pro-islamisme grandissant des « pacifistes » de gauche ou politiquement corrects, qui justifient leur compromission et leur reniement par des « politiques d’apaisement ». Ceci rappelle étrangement l’attitude de ceux qui se couchaient jadis devant les Nazis pour les mêmes raisons et prônaient le « dialogue » et les concessions. 

En réalité, les terroristes tuent surtout pour attirer l’attention des médias, leur meilleur allié, le grand amplificateur des peurs, puis pour semer - grâce aux caisses de résonnances médiatiques - des vents de panique. Ceci oblige par voie de conséquence les leaders politiques à céder aux pressions et mécontentements de « l’Opinion publique », elle-même largement fabriquée par les médias. 

La peur couplée avec la médiatisation et le goût du « sensationnel » est la pire faiblesse des démocraties. Il s’agit d’une nourriture vitale pour les terroristes. D’où la pertinence des propos du Président Nicolas Sarkozy, qui assure que « nous ne changerons pas d'un iota notre politique sous prétexte que nous sommes menacés» et qui recommande de ne pas se rendre en zone contrôlée par les ravisseurs. Nous devrions en effet réfléchir plus sérieusement aux conséquences de notre propension à payer les rançonneurs et donc à céder aux terroristes. Il ne s’agit pas d’abandonner nos ressortissants, tant au Sahel qu’ailleurs. Mais nous devons avoir le courage de poser ce terrible dilemme pour les démocraties : doit-on abandonner nos ressortissants kidnappés en zone « déconseillée » en ne cédant pas au chantage afin de décourager les terroristes, ou doit-on payer les ravisseurs, mais au risque de créer des précédents ? La question doit-être posée. Car en Israël comme ailleurs, l’otage est une des armes de guerre les plus terribles des barbares terroristes. On peut se demander si il est normal de libérer, comme cela s’est fait en Israël, des milliers de terroristes récidivistes en échange d’un ou deux hommes, certes, qui méritent d’être sauvés, mais à quel, prix ? 



Prises d’otages et pirateries : une vieille tradition 



Le phénomène des prises d’otages est tout sauf nouveau. En effet, ce qui se passe aujourd’hui, du désert du Mali ou du Niger aux côtes somaliennes, rappelle ou réactualise ce que l’on appelait les « pirateries barbaresques », ces terribles pirates du Maghreb, « jihadistes de l’époque », qui terrifièrent l’Europe jusqu’à la colonisation (1830), c’est-à-dire tant que l’Europe n’intervint pas. Au nom de leur lecture violente de la loi islamique, les pirates barbaresques, basés au Maghreb, pillaient régulièrement les côtes méditerranéennes et réclamaient des rançons, chaque fois plus élevées, en échange de la libération d’otages chrétiens capturés en Mer. Cette industrie du jihad, de l’époque, qui réunissait déjà pilleurs-bandits et fanatiques religieux, était parrainée par le Califat sunnite turc-ottoman d’alors, dont sont nostalgiques tant le « Guide » révolutionnaire libyen rouge-vert Muammar Kadhafi que le Premier Ministre turc israélophobe, pro-Hamas Recep Taiyyp Erdogan. Celui-ci vient d’ailleurs de demander d’ailleurs à ses alliés de l’OTAN - réunis à Lisbonne récemment - de retirer de la liste des Etats terroristes l’ami et voisin iranien… 

Rappelons que les pirates barbaresques, dont sont fiers les islamistes algériens d’Aqmi ou de l’ex-Front islamique du salut (voir discours de l’idéologue du FIS, Ali Bel Hadj), enrichissaient la Casbah d’Alger et le Maghreb et empoisonnaient la vie des marins dans toute l’Europe du Sud et la Méditerranée. Ils organisaient des pillages sur les côtes italiennes, maltaises, françaises, espagnoles, portugaises. La Sardaigne, la Corse et la Sicile en ont encore la mémoire vive jusque dans l’architecture des côtes ornées de postes de contrôles et de tourelles destinées à sonner l’alerte en cas de razzias. 

Comme l’explique très bien l’islamologue anglo-égyptienne Bat Yé’or, dans son livre, L’Europe et le spectre du Califat (éditions Les Provinciales), les choses n’ont pas changé depuis des siècles. Ce que nous connaissons aujourd’hui n’est que la continuité d’un phénomène belliciste qui a caractérisé les relations entre l’Europe et le monde islamique pendant des siècles : le jihad. La seule différence réside dans le fait que les démocraties européennes d’aujourd’hui nient la réalité des faits. Elles sont tentées par la compromission et préfèrent céder à la peur (« dhimmitude ») plutôt que d’accepter la perte des vies humaines ici ou là (Irak, Afghanistan, Sahel ) ou même la simple idée qu’une guerre de civilisation a été déclarée par jihadistes contre les sociétés ouvertes et les Musulmans modernes qui refusent la barbarie. La seule différence est dans ce déni de réalité et dans cette politique de l’autruche au nom du « dialogue des civilisations » et de la « politique d’apaisement ». Car les Chrétiens des monarchies européennes payaient déjà pour racheter à prix d’or les milliers d’esclaves détenus au Maghreb ou échoués à Istanbul. En effet, des ordres chrétiens aussi célèbres que celui de Saint Vincent de Paul collectaient en permanence des fonds pour racheter des captifs réduits à l’état d’esclaves à Alger ou Tripoli. Et il y avait déjà des penseurs européens turcophiles et islamistophiles pour vanter la « tolérance » et « l’humanité » des razzieurs ottomans. Il suffit de lire la littérature française surtout, l’Encyclopédie, les « turqueries » pour s’en rappeler. Mais à cette époque, le politiquement correct n’existait pas et les dirigeants ou les responsables chrétiens - pouvaient nommer sans représailles ou sanctions un chat un chat, une guerre une guerre et un bourreau un bourreau. La différence réside aujourd’hui dans le refus de constater les justifications théocratiques de ce phénomène qui est en partie criminel et en partie civilisationnel. 



L’Europe tentée par la dhimmitude volontaire 



Pour revenir aux otages et conclure sur ce point, il convient, certes, d’être solidaires des victimes françaises ou autres retenues captives. Rien n’est plus horrible que leur angoisse et leur souffrance. Mais il convient aussi de responsabiliser ceux qui séjournent en zone « déconseillée », puis surtout de jouer carte sur table avec les Etats soi-disant « amis » de l’Occident qui laissent les terroristes agir, du Niger au Pakistan, ou même simplement qui continuent d’enseigner officiellement ou de laisser enseigner des théologies de la haine et de l’intolérance religieuse qui donnent toujours des justifications aux terroristes et à leurs alliés de circonstances contrebandiers et trafiquants-rebelles... 

De la même manière, il serait temps que l’Europe introduise une notion aussi juste que simple dans les relations avec le monde arabo-islamique : la réciprocité et le respect mutuel, et non des relations à sens unique. L’Union européenne a heureusement chassé ses démons totalitaires et fait son autocritique. Elle est même tombée dans le travers opposé, l’auto-flagellation permanente. Mais elle doit également savoir exiger des autres ce qu’elle a exigé et obtenu d’elle-même. On attend de la part des pays musulmans une autocritique, un bilan de leur histoire, une reconnaissance de leur colonialisme passé, de leur impérialisme califal, dont ils demeurent hélas collectivement fiers. On serait en droit d’exiger d’eux une repentance et même, comme l’a dit un jour José Maria Aznar, l’expression d’un « regret » pour avoir razzié, colonisé l’Europe et la Méditerranée des siècles durant, ce que continuent de faire les jihadistes. Le jour où les pays musulmans « amis » reconnaîtront ces fautes passées comme l’Europe a reconnu les siennes, le jour où les jihadistes et les nouveaux pirates ne pourront plus s’appuyer sur une fierté impérialiste néo-califale, toujours de vigueur et même enseignée dans ces pays qui pleurent tous « l’Andalousie arabe», en fait colonisée et occupée 8 siècles durant, le jour où la dignité de l’Europe sera prise en considération par ceux qui exigent que l’on considère leur « humiliation » permanente, alors le dialogue euro-arabe et euro-méditerranéen sera réellement assis sur des bases saines. 

Alexandre del Valle est géopolitologue, auteur de nombreux articles et ouvrages dont "Le Totalitarisme Islamiste" et "Le Dilemme Turc" parus aux éditions des Syrtes.

 

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commentaires

J
<br /> <br /> A. DEl VALLE!! vs avez écrit un livre mémorable et prémoniteur<br /> <br /> <br /> sir l'islamisme!!!! nous y arrivons a grands pas!!<br /> <br /> <br /> comment a t on pu  passer a coté d'un problème si important!!<br /> <br /> <br /> et maintenant on fait QUOI? devant un tel fléau? C O U R A G E  !!<br /> <br /> <br /> <br />
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